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Commentaire de Nicolas Cadène

sur Gaz de France & Suez, un mariage arrangé ?


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Nicolas Cadène Nicolas Cadène 22 mars 2006 11:09

C’est moi qui suis désolé mon cher « Surpris ». Sans doute n’avez-vous pas saisi ce que je voulais dire.

Voici donc une réponse à chacun de vos points :

1 - Je n’ai pas dis que Thierry Breton voulait empêcher la prise de contrôle par Enel, j’ai dis que c’était ce qu’il affirmait, alors même que selon moi, ce n’est qu’une excuse pour la privatisation à terme de GDF.

Vous serez donc ravi de savoir que le ministre de l’économie a affirmé aux syndicats qu’il n’y avait aucun lien entre le rapprochement GDF-Suez et une quelconque OPA.

Cela renforce donc l’idée qu’il s’agit d’une mascarade. Certains à Bercy voulaient privatiser Gaz de France, Suez était vraisemblablement intéressée et, compte tenu de l’enjeu politique qui entoure les entreprises publiques, il fallait dramatiser à outrance, pour justifier qu’on fasse tomber la loi du 9 août 2004, selon laquelle GDF doit rester publique à au moins 70 %.

Donc, oui, l’Etat n’a pas de stratégie, et oui, ce rapprochement (purement politique : revenir sur un engagement pour privatiser l’entreprise) est nuisible à l’emploi.

2 - Que Suez soit une entreprise privée, à conseil d’administration et avec des actionnaires ne change rien ! GDF aussi a des actionnaires !

Mais pour Suez, il est évident que c’est un bon projet industriel. Je n’ai pas dis le contraire. L’entreprise s’agrandit, dégage des synergies, infiltre le territoire français grâce à GDF et peut directement concurrencer EDF.

En revanche, l’Etat perd un levier d’actions essentiel sur la politique énergétique, et les services publics de GDF seront inévitablement touchés voire parfois supprimés. L’Etat n’est pas là pour faire plaisir à une entreprise privée déjà prospère.

L’Etat se doit de maintenir son rôle dans les décisions stratégiques et dans des domaines fondamentaux. Il est également là pour maintenir des services publics de qualité. Enfin, il doit aussi être un moyen d’impulsion pour le développement de grands groupes européens garantissant des investissements à long terme.

3 - Sur votre analyse de la situation au Royaume-Uni, je ne vous suis pas complètement. En effet, les raisons que vous avancez sont exactes mais exagérées. De plus, je vous rappelle que ce pays dispose de réserves pétrolières et est un producteur de pétrole, à l’inverse de la France.

Ensuite, concernant la hausse des prix, vous le dites vous-même : cela dépend notamment de la diversification des approvisionnements. Cela ne va pas dans le sens des concentrations dont l’affaire GDF-Suez est un exemple.

Je rajouterais que la sécurité de l’approvisionnement joue également. Si l’Etat ne le contrôle plus, cela n’a rien de bon.

Surtout, concernant l’augmentation négociée, je vous rappelle tout de même que l’année dernière, Thierry Breton était intervenu pour bloquer l’augmentation du prix du gaz. Dernièrement, il n’était plus dans cette logique de pilotage par l’État. Voilà la différence...

4 - Evidemment qu’il faut travailler ensemble ! Je suis bien d’accord. Mais le partenariat n’a strictement rien à voir avec la fusion ! C’est vous ici, qui confondez un peu tout. Ma vision n’a rien de « manichéenne », elle est uniquement stratégique.

Dès lors qu’il y a fusion, il y aura des doublons sur les sièges, le négoce, les transports, etc. Les deux entreprises ont, par exemple, chacune leur propre entreprise de services climatiques et thermiques, qui sont d’ailleurs en concurrence. Inévitablement, l’une des deux sera supprimée. Vous voyez, partenariat et fusion n’ont rien à voir.

Ensuite, EDF est en concurrence au niveau des entreprises, là encore, cela n’a rien à voir. L’État a besoin de garder le contrôle de l’énergie pour assurer à la fois la sécurité des approvisionnements, l’indépendance énergétique et le service public de proximité (cela concerne les particuliers).

Oui, ce nouveau géant entrerait dans une concurrence frontale avec EDF, destructrice pour les salariés et pour le service public et qui pourrait conduire, à terme, à une privatisation d’EDF.

Mais évidemment, je le répète qu’il ne faut pas empêcher des partenariats industriels avec Total, Suez ou d’autres.

En revanche, l’État doit absolument garder la main sur un pôle public de l’énergie, dont le noyau pourrait même être constitué par un rapprochement entre EDF et GDF.

5 - Peut-être, comme vous le dites, que les Français ne sont pas préoccupés par de tels enjeux. Je ne le pense pas, ou si c’est le cas, c’est sans doute parce que les médias et l’opposition ne font pas leur travail correctement.

Car il s’agit de l’avenir du service public, de l’approvisionnement énergétique ; ce n’est pas rien.

Evidemment, que les Français sont préoccupés par la crise économique, sociale et culturelle qu’ils traversent. Mais sachez, que pour moi, tout est lié.

En l’occurrence, cette opération aurait des conséquences économiques et sociales graves, la première étant la suppression d’emplois.

Ainsi, le gouvernement, en montant une opération d’OPA « bidon », en se « moquant » donc de son partenaire italien, en se repliant sur le national au lieu de porter des politiques industrielles européennes d’envergure, ne fait, je le confirme, qu’éloigner l’Europe de ses concitoyens français.

Pour conclure, je ne crois donc pas tomber « la lecture essentiellement politique à un enjeu majoritairement économique ».

Excusez moi de vous dire que je pense que vous n’avez pas saisi le problème là où il faut.

Cette affaire est d’abord politique, c’est l’implication politique dans une manœuvre d’OPA truquée afin de justifier une décision (la privatisation de GDF) contraire aux engagements pris par la majorité en place : moins de deux ans après le vote d’une loi précisant que Gaz de France doit rester public au moins à 70 %, le gouvernement décide tout seul, par anticipation, que le Parlement va revenir sur cette décision par un vote à venir, selon une procédure encore inconnue.

Désolé, mais oui, c’est bien une affaire politique...


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