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Commentaire de Morpheus

sur Un documentaire antiscientifique diffusé au nom de la science sur France 5


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Morpheus Morpheus 8 juillet 2012 15:07

@ Anaxandre

Il me semble important de dissiper un malentendu. Je ne considère en aucun cas les peuples archaïques comme inférieurs et indignes d’intérêt, ce serait même plutôt le contraire. Permettez-moi de poursuivre mon argumentation afin que vous compreniez mieux mon analyse.

J’observe qu’à partir de l’instant ou les hommes se sont sédentarisé, ils ont progressivement et probablement inconsciemment brisé une forme de symbiose avec les rythmes naturels, au profit d’une forme nouvelle de conception de la relation entre l’homme et la nature (entre la Terre et l’Homme), conception qui favorise une relation conflictuelle avec le monde. Je voudrais citer Louis Charpentier à ce sujet pour illustrer mon propos. Il dit :

« Dans le domaine matériel, on peut presque tout apprendre à des mains d’homme. Dans le domaine intellectuel, on peut presque tout apprendre à un cerveau humain. Mais cela ne concerne qu’un degré supérieur d’animalité. Car sans l’éveil spirituel, le travail manuel n’est que du réflexe conditionné et le travail intellectuel n’est que la mémoire appliquée. Or, éveiller le spirituel est un problème qui ne se résout pas avec l’ergot de la dialectique. Il y faut une gymnastique personnelle dont la première étape est une mise en accord avec les rythmes naturels, manifestation du spirituel dans la matière. »

Dans cette conception (qui est la mienne), le spirituel (le divin, si vous voulez) se manifeste à travers la matière par le truchement de l’ordre naturel, par le truchement de « ses rythmes ». Ces rythmes sont, en quelque sorte, les « lois » de la nature, et ces lois sont l’expression de la volonté de l’esprit (du divin, si vous préférez). Étant le fruit de cet ordre, nous manifestant par lui, il n’est nullement besoin de « respecter » ces lois : nous y sommes « soumis » par notre existence, et nous les « respectons » que nous le voulions ou non, car ces « lois » sont simplement le processus par lequel l’Être se manifeste et fait l’expérience de l’être. Le rôle de la spiritualité est de comprendre, d’appréhender ces rythmes. Dans cette conception, ce qui est remarquable, c’est que autant la science que la spiritualité sont des voix possibles pour comprendre et appréhender ces rythmes et retrouver cette symbiose perdue. Le prix Nobel de physique Werner Heisenberg l’avais bien compris, qui disait « Je considère que l’ambition de dépasser les contraires, incluant une synthèse qui embrasse la compréhension rationnelle et l’expérience mystique de l’unité, est le »mythos« , la quête, exprimée ou inexprimée, de notre époque ».

Dans la civilisation, l’homme a développé un rapport conflictuel avec la nature, disais-je, un rapport où l’homme perçoit la nature comme une créature dangereuse qu’il conviendrait de dompter et de contrôler. En cela, l’homme civilisé a rompu un lien avec les rythmes naturels, lien que les sociétés dites « primitives » ont toujours conservé, non tellement par « choix culturel », mais par nécessité : lorsque l’on vit des dons que la nature produit (plutôt que du dur labeur de l’homme pour produire en utilisant la nature), il est normal que l’on suive les rythmes de celle-ci. A contrario, lorsque l’on veut domestiquer la nature, on rompt nécessairement le lien avec ses rythmes.

En appui de cette conception, le mot même de « religion » (du latin religare - relier), qui indique l’idée de relier l’homme au divin, semble à lui-même attester du rôle même de la religion : recréer le lien avec le divin. Mais hélas, ce rôle m’apparait très largement dévoyé, en instaurant des institutions hiérarchisées imposant des « lois divines » qui servent non pas Dieu, non pas les hommes, mais plutôt certains hommes qui, soit se prennent pour Dieu (ou son représentant sur Terre), soit pour son prophète. Souvenons-nous que les pharaons sont plus que des rois, ce sont les incarnations du dieu vivant Horus (fils d’Isis et d’Osiris > le Père et la Mère). Nous sommes dans une psychose délirante où des individus humains sont conditionnés par un système humain à se prendre pour Dieu et à incarner sa volonté. Ce système sert la cité (replacez cela dans la conception de l’ordre social de l’époque : des cités-états fédérées, qui chacune ont leur(s) propre(s) divinité(s) locale(s) ; il faut, pour les fédérer, construire un mythe commun, et on observe différentes versions élaborées au fil des siècles, dans l’Égypte antique).

A un certain moment, un pharaon rompt le consensus établis entre les cités fédérées du Nil, et rompt avec la structure du clergé d’Amon (le « dieu multiple »), autrement dit le clergé polythéiste égyptien, pour instaurer un schisme monothéiste qui place le dieu solaire Aton à la tête du peuple, en tant que « dieu unique ». Ce n’est pas par hasard qu’il sera considéré par la suite comme « le pharaon hérétique », « celui dont on ne doit plus prononcer le nom ». Il s’agit d’Akhénaton (anciennement Aménophis IV). C’est ce schisme qui est à l’origine du judaïsme et de ce que l’on appelle aujourd’hui le monothéisme. Et le Dieu de l’Ancien Testament n’est autre que Aton.

Dans la seconde partie de mon article consacré à l’analyse critique du Projet Venus, j’évoque le Livre de la Genèse de l’Ancien Testament où l’on peut trouver trace du schisme qui s’est produit entre les peuples sédentaires et les peuples nomades.

GENESE 4:2 à 4:7 « 2 (...) Et Abel devint gardien de moutons, mais Caïn devint cultivateur du sol. 3 Et il arriva, au bout d’un certain temps, que Caïn se mit à apporter des fruits du sol en offrande à Dieu. 4 Mais quant à Abel, il apporta, lui aussi, quelques premiers nés de son troupeau, et même leurs morceaux gras. Or, tandis que Dieu regardait avec faveur Abel et son offrande, 5 il ne regarda pas avec faveur Caïn et son offrande. Et Caïn brûla d’une grande colère et son visage commença à s’allonger. 6 Alors Dieu dit à Caïn : "Pourquoi brûles-tu de colère et pourquoi ton visage s’est-il allongé ? 7 Si tu te mets à faire le bien, n’y aura-t-il pas élévation ? Mais si tu ne te met pas à faire le bien, il y a le pêché qui se tapi au commencement, et vers toi et son désir ardent ; et toi, te rendras-tu maître de lui ?" »

Selon moi à l’aune du résultat de nos huit ou dix mille ans de civilisation tels que décrite par l’Histoire, il ne fait aucun doute que le Dieu qui s’exprime dans ce passage, tout au début de la Bible, approuve le choix de vie nomade du berger Abel, tandis qu’il n’apprécie pas le choix de vie sédentaire de l’agriculteur Caïn. Il stigmatise le "désir ardent qui se tapi au commencement". Au commencement de quoi ? Peut-être de ce que nous appelons "civilisation ? En suivant cette interprétation, Dieu interroge Caïn sur sa capacité à devenir maître de l’avidité qui se tapi au cœur de la vie sédentaire. Cette interprétation paraîtra peut-être audacieuse, pourtant, je la trouve plus pertinente que toute autre entendue à ce jour, qui ne s’attarde à y voir que la dénonciation de la jalousie et de la vanité blessée de Caïn. Aucun exégète ne semble se demander pourquoi Dieu préfère la viande de mouton aux fruits et céréales. En outre, l’observation du mode de fonctionnement des peuples sédentarisés, des cités-états, montre en effet qu’ils vont s’en prendre, ponctuellement, aux peuples nomades et semi-nomades, faire des razzias, les tuer ou les réduire en esclavage : on a donc, dans le meurtre d’Abel par Caïn, une allégorie des conséquences de la vie dans la cité, autrement dit : de la civilisation. Abel représente les peuples nomades, tandis que Caïn représente les peuples sédentaires, civilisés.

Je crois que le rôle essentiel de la spiritualité est, aujourd’hui plus que jamais, de réconcilier Abel et Caïn, et de faire en sorte que CaÏn (la civilisation) reconnaisse ses erreurs et accepte de recevoir l’enseignement (spirituel) d’Abel (les peuples premiers, toujours en contact avec les rythmes naturels, manifestation du spirituel dans la matière.

Cordialement,
Morpheus


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