Bonjour, Jean-François.
Pour une fois, je vais marquer un petit désaccord avec toi. Tu sais combien notre laïcité dite « à la française » est menacée de toute part et surtout par notre adhésion à l’Union Européenne. Depuis quelques décennies, la pensée unique et certains de nos intellectuels essaient de lancer une bataille sémantique sur le mot « laïcité ». Ils partent de son origine étymologique qui lui donne un sens d’égalité et s’appuient sur la liberté fondamentale d’exercer le culte de son choix quand on en a un. C’est au nom de ces deux principes que le Conseil Constitutionnel écarte le principe politique de « laïcité », défini dans tous les dictionnaires sauf dans celui de nos Académiciens ultra-conservateurs dans leur majorité.
C’est ce qui s’est passé pour le recours contre la loi Carle. C’est ce qui se passe souvent lors des appels auprès de la C.E.D.H. et c’est bien sûr ce que défendent les religieux, l’OGEC et la Comece.
La définition de « laïcité » est le principe politique de séparation des religions et de l’Etat, selon tous les dictionnaires en papier que j’ai pu consulter, publiés en 2012. Je m’accroche de toutes mes forces à cette définition, à chaque occasion. Cela n’empêche pas que notre fonction publique, ne serait-ce que par humanité, doit essayer de concilier la neutralité de l’Etat, lorsqu’il « ne reconnaît » aucune religion, et les libertés fondamentales. C’est une question de mesure, mais cela doit aussi être et demeurer une question de vocabulaire. La laïcité, ce n’est pas le respect des libertés fondamentales à valeur reconnue constitutionnelle (sauf erreur de ma part, dans une décision du Conseil Constitutionnel de 1977). La laïcité constitutionnelle de notre République est le principe de séparation. C’est en mélangeant le tout qu’on arrive à une espèce de salade composée dont on ne retrouve pas les éléments et qui a d’abord donné naissance aux expressions de « laïcité ouverte », « intelligente » etc... régulièrement servie par Sarkozy. La Documentation Française publie essentiellement les écrits de Beaubérot, le seul à détenir une chaire de laïcité : je crois qu’il a critiqué la laïcité ouverte, mais toutes ses œuvres ne font que la mettre en pratique. Peut-être afin de favoriser notre intégration dans l’UE, ils sont en train de saborder notre laïcité.
J’espère avoir été suffisamment claire, car le problème est complexe : en réalité, je trouve que nous assistons à un vrai travail de jésuites qui me rappelle l’organisation par le Club de l’Horloge d’un groupe chargé de modifier le sens d’une partie de notre vocabulaire pour mieux imposer ses idées dans les années 1970.
Je souhaite ardemment que tu rejoignes mon combat. Bien amicalement.