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Commentaire de HORCHANI Salah

sur La nouvelle tendance du Ministère tunisien de l'Enseignement Supérieur !


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HORCHANI Salah HORCHANI Salah 17 août 2012 22:31

« Nouvelles de la Faculté des Lettres de la Manouba (Tunisie)
(Tunis, le 24 juillet 2012)

Par Habib Mellakh
universitaire, syndicaliste
Professeur de littérature française à la FLAHM

Tunisie : enjeux d’un procès 1/2

Jeux et enjeux d’un procès éminemment politique

Tunisie  : le combat pour la laïcité et le refus du Niqab au sein des universités continue. Projets liberticides pour mettre fin à la démocratie naissante, propagande islamiste partisane, la Tunisie se débat pour ne pas se faire confisquer sa Révolution, son Printemps. Cet article de Habib Mellakh, universitaire, syndicaliste, professeur de littérature française à la FLAHM, fait le point sur les enjeux de ce combat qui ne fait pas la Une de nos journaux et qui ne passionne pas nos politiques français.

À la mémoire du professeur Ahmed Jdey

Plus de quinze jours après la comparution d’Habib Kazdaghli devant ses juges et la requalification des faits qui lui sont reprochés, je reprends ma plume pour faire une lecture des événements à la faveur des nouveaux développements de la situation qui donnent désormais à l’affaire l’allure d’un imbroglio politico-judiciaire et à la lumière des prises de positions de la société civile nationale et internationale et du monde universitaire.

La réaction de ce dernier, bien que relativement tardive, en raison de la lourde charge de travail que représentent les examens de fin d’année, nous permet de mesurer les jeux et enjeux de ce nouvel épisode de la bataille du niqab. La distance qui nous sépare du procès nous garantit le recul nécessaire pour une évaluation sereine, de la situation.

Un procès éminemment politique

Ceux qui ont ourdi la toile au piège de laquelle a été pris Habib Kazdaghli lui en veulent à mort.

A cause de son combat emblématique pour les Lumières et pour la défense des valeurs académiques et parce qu’il conçoit avec les universitaires du monde entier, l’université comme un haut lieu du savoir et non comme la scène privilégiée des tiraillements politico-religieux, il a cristallisé la haine des extrémistes qui veulent tuer l’esprit critique à l’université, lui substituer un dogmatisme aussi stérile que dangereux et qui tentent d’asservir la connaissance, les moyens de sa transmission et les modes de fonctionnement de l’université à leurs idéologies et leurs croyances sectaires.

Empêchés de parvenir à leurs fins en raison de la résistance stoïque des universitaires, couronnée par le dénouement heureux de l’année académique, ils ont décidé de traîner le doyen de la Manouba dans la boue des procès de droit commun, cousues de fil blanc, de ternir son image de marque en le présentant comme un vulgaire délinquant qui mérite de comparaître devant la chambre correctionnelle d’une cour de justice et même de moisir en prison pendant cinq ans.

Mais ce procès est en réalité – et la mise en scène manigancée par les comploteurs ne parvient à l’occulter- celui des enseignants de la FLAHM qui refusent d’être dépossédés de leurs prérogatives et qui défendent l’autonomie institutionnelle, celui des normes académiques et pédagogiques séculaires, rigoureuses et efficientes établies par les pères fondateurs de l’université tunisienne et par la communauté universitaire internationale.

Il est par là même, celui de choix de société, basées sur l’esprit d’ouverture, et de tolérance, sur une assimilation des apports de l’Occident dans le respect de l’Islam, d’un Islam éclairé qui redonne à l’Ijtihad ses lettres de noblesse.

Ces choix, objet d’un consensus national depuis plus d’un demi- siècle sont abhorrées par les extrémistes religieux qui souhaitent à la faveur de la nouvelle configuration de l’échiquier politique tunisien, les remettre en cause et qui ont décidé de mener contre ces options emblématiques du modèle sociétal tunisien un combat acharné attesté par les croisades menées tour à tour contre l’université, le système éducatif républicain, contre la presse et les artistes.

L’atteinte aux libertés académiques, à l’esprit critique, à la liberté de création, comme à la liberté de presse ne sont que des exemples de la pression étouffante qu’ils exercent pour museler les intellectuels et les créateurs, pour réduire dans un premier temps à une peau de chagrin le champ des libertés avant de les phagocyter totalement.

C’est parce que Habib Kazdaghli et ses collègues se sont opposés à la mise en œuvre de ce projet liberticide à l’université que le procès est intenté contre le doyen de la FLAHM et qu’il est, en ce sens, éminemment politique.

C’est la prise de conscience de cette nature politique et par conséquent inique du procès , qui est à l’origine de l’indignation générale qui apparaît aussi bien dans les commentaires des médias que dans les prises de positions des universitaires ou des différents acteurs de la société civile nationale ou internationale mais qui a connu ses moments les plus intenses lors du rassemblement du 5 juillet, organisé à l’appel de la coalition des associations de la société civile, du Comité de défense des valeurs universitaires et de la Fédération Générale de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique .

Une levée de boucliers à la mesure des manipulations salafistes

Dans une motion publiée à la suite de l’assemblée générale commune organisée au siège de la FLAHM par les organisations susmentionnées tout juste après le rassemblement, ces dernières expriment « leur ahurissement et leur rejet de la politisation flagrante et orientée de cette affaire ».

Ils expliquent cet ahurissement par la tournure prise par les évènements lors de l’audience du 5 juillet avec la modification de l’acte d’accusation qui ne se réfère plus à l’article 319 du Code pénal comme au début de la procédure mais à l’article 101 qui alourdit la peine encourue par le doyen : « Alors que tout le monde s’attendait à un acquittement en raison de la futilité de l’acte d’accusation et de l’absence de preuves véritables pour le fonder et à la mise en examen par la suite de la plaignante pour le préjudice moral qu’elle a fait subir au doyen et à l’institution qu’il représente, la cour a adopté la voie de l’escalade avec la modification de la référence de la mise en accusation ».

Dans une allusion au mutisme du Ministère de l’Enseignement et de la Recherche Scientifique à l’occasion de ce procès et à l’absence d’un avocat commis par ce ministère pour assurer la défense du doyen, la motion dénonce « la position de l’autorité de tutelle qui n’a pas veillé à offrir le soutien suffisant et nécessaire à l’un de ses fonctionnaires alors qu’elle sait mieux que toute autre partie qu’il est innocent des accusations qui sont portées contre lui », la suspectant même d’être dictée par un parti pris politique en faveur des salafistes.

Elle reproche, de ce point de vue au ministère, son « laxisme durant toute l’année universitaire actuelle » et son refus « d’assurer la sécurité et une justice équitable » aux universitaires « qui ont été victimes, dans plusieurs institutions universitaires, d’agressions très variées perpétrées par des extrémistes », pointant ainsi du doigt l’impunité dont les salafistes ont bénéficié jusqu’à présent.

Dans le même esprit, le conseil scientifique de la FLAHM, réuni le 10 juillet, a publié un communiqué dans lequel il « dénonce vigoureusement le mutisme du ministère de tutelle qui n’a pas veillé à offrir l’appui suffisant et nécessaire à l’un de ses fonctionnaires à l’occasion d’une affaire vitale ».

Il considère la traduction devant la justice d’un doyen élu comme « un précédent dangereux » et comme « une fourberie dont le but est de porter préjudice à toutes les composantes de la FLAHM (enseignants, étudiants, fonctionnaires et ouvriers) qui ont réussi à achever l’année universitaire et à assurer dans de bonnes conditions le déroulement des deux sessions d’examens de la fin de l’année universitaire », et comme « une instrumentalisation de la justice ».

Il dénonce également les desseins obscurantistes « des groupes religieux extrémistes qui ont essayé en vain d’imposer par la force leurs conceptions éducatives et sociétales rétrogrades » avant d’insister « sur son attachement aux normes pédagogiques et aux règles de communication fixées le 2 novembre 2011 et relatives à la nécessité de se découvrir le visage pendant les séances d’enseignement, d’examens et d’encadrement ».

Il réclame, à nouveau, à la fin du communiqué, « la prise en charge par l’autorité de tutelle de la sécurité de ses fonctionnaires, la protection de la faculté et la publication d’un texte clair qui impose à tous ceux qui fréquentent l’université l’observance du règlement intérieur de chaque institution universitaire ».

Dans une allusion claire au caractère politique du procès, les doyens des facultés des lettres et sciences humaines du pays, solidaires de leur collègue, dénoncent dans un communiqué largement diffusé par la presse électronique, derrière les incidents, dont plusieurs institutions ont été le théâtre mais dont la Manouba a été la cible privilégiée, l’action de « groupes extrémistes opposés aux acquis de la citoyenneté et à la consolidation de l’Etat civil » et expriment leur rejet d’un procès qui risque de se transformer en moyen de pression exercé sur les chefs des établissements d’enseignement supérieur pour les dissuader d’accomplir leur mission académique ou administrative dans le respect des règles établies par la profession.

Le conseil scientifique de l’université de la Manouba réuni le 9 juillet, sous la présidence du recteur Chokri Mabkhout, a tenu à exprimer son soutien inconditionnel à la FLAHM. Le communiqué du conseil scientifique de la FLAHM, s’est fait l’écho de cette solidarité et s’en est félicité.

Des partis politiques démocrates comme Al Massar, le Parti Républicain et le Parti Ouvrier Communiste Tunisien se sont déclarés solidaires de la FLAHM et de son doyen.

A l’échelle internationale, Le Mouvement pour la Paix et contre le Terrorisme, après avoir annoncé la comparution d’Habib Kazdaghli devant la justice et fait part de l’impunité dont jouissent tous ceux qui ont agressé le doyen et ces collègues durant les derniers mois, dénonce dans un communiqué publié la veille du procès « une justice à double mesure ».

Des dizaines d’universitaires, professeurs et chercheurs émérites, intellectuels, professionnels des sciences, des arts et des lettres français ont exprimé dans une pétition intitulée « Manifeste de solidarité avec le professeur Kazdaghli et les universitaires tunisiens », leur consternation de voir le doyen de la Manouba « poursuivi devant les tribunaux et menacé d’une lourde peine de prison » alors qu’il « a été victime d’agressions violant toutes les normes de conduite à l’égard d’un professeur et d’un doyen d’Université, avec des voies de fait confirmées par les nombreux témoignages qui [leur ] sont parvenus » et leur « pleine solidarité avec tous les universitaires, intellectuels et artistes qui défendent avec force et courage les valeurs universelles des sciences, des humanités, et des arts ».

Ils appuient l’aspiration de ces derniers à « la liberté d’enseignement, de recherche et de création » considérée de leur point de vue comme « une condition nécessaire à une vie universitaire et artistique dégagée de toute pression politique ou idéologique ».

Après avoir rappelé que l’université devait « être préservée de toutes les formes d’extrémismes pour garantir aux étudiants un enseignement libre et respectueux des valeurs universitaires », la député européenne Mélika Ben Arab-Attou a exhorté, dans un communiqué daté du 3 juillet, la justice tunisienne à trancher « en faveur des libertés fondamentales pour que les universités tunisiennes ne deviennent pas les hauts lieux d’un quelconque fanatisme ».

Evoquant le procès du 5 juillet et l’acharnement des salafistes contre le doyen Kazdaghli « plusieurs fois victime d’injures et d’actes violents », le conseil d’administration de l’Université de Toulouse II-Le Mirail a tenu, dans un communiqué publié le 3 juillet, à « exprimer son soutien sans réserve à un collègue tout entier dévoué aux intérêts d’une Université tunisienne laïque et démocratique ».

La sénatrice, Monique Cerisier ben Guiga, a exprimé à Habib Kazdaghli « victime de menées antirépublicaines qui s’en prennent au versant universitaire de la liberté de penser, de s’exprimer, de créer » sa sympathie.

L’ancien recteur de l’académie de Toulouse, Philippe Joutard, s’est déclaré ahuri face à « cette incroyable affaire » et a assuré le doyen de sa solidarité agissante.

Le vice-président de la Société Maltaise de France, Patrice Sanguy, a déclaré qu’il était profondément choqué par « la campagne de diffamation » dont le doyen avait été la victime, par « le manque de soutien de ses autorités de tutelle », et par « les ahurissantes actions du parquet prises à son encontre ». »

(à suivre)

Salah HORCHANI

Source :

http://www.primo-info.eu/selection.php?numdoc=Do-76264278&PHPSESSID=005456936213a199ebc6899cffbdbbac


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