J’ai retrouvé ce fort joli texte de Philippe Muray :
http://philippemuray.e-monsite.com/pages/textes/le-mariage-transforme-par-ses-celibataires-memes.html
"Il
n’en va pas exactement de même du futur mariage homosexuel, dont la
genèse aura laissé tant de traces, à l’inverse de l’autre, qu’il sera
aisé de la reconstituer. C’est que cette nouveauté ne va pas de soi,
comme d’ailleurs la plupart des opérations expérimentales de notre
temps. L’époque moderne, dont l’essence même est le soupçon dans tous
les domaines, explose en cette affaire dans une sorte d’opéra-bouffe
stupéfiant où la mauvaise foi et le chantage se donnent la réplique
inlassablement. C’est d’abord le code civil qui a été instrumenté. On a
prétendu qu’il n’y était stipulé nulle part que le mariage était réservé
aux personnes de sexe opposé. Les homosexuels militants se sont
engouffrés dans cet « oubli » pour exiger, au nom de l’égalité des
droits, « l’accès des gays et des lesbiennes au mariage et à l’adoption
». L’exigence d’égalité est la grosse artillerie qui renverse toutes les
murailles de Chine. La marche sans fin vers l’égalité absolue remplace,
chez les minorités dominantes et furibondes, le défunt sens de
l’Histoire. Pour ce qui est du code civil, d’abord paré de toutes les
vertus, il n’a plus été qu’une sorte d’opuscule diffamatoire sitôt qu’on
découvrit l’article 75, qui détermine que le mariage consiste à « se
prendre pour mari et femme ». Peu soucieux de logique, les militants de
la nouvelle union conclurent aussitôt à l’urgence d’une refonte de ce
code que, l’instant d’avant, ils portaient aux nues. Et, en somme,
puisque la loi est contre les homos, il faut dissoudre la loi.
Dessin de Franck Resplandy (droits réservés) Dans le même
temps Noël Mamère, bonimenteur de Bègles, agitait son barnum ; et les
notables socialistes se bousculaient au portillon de l’avenir qui a de
l’avenir dans l’espoir de décrocher le titre de premier garçon d’honneur
aux nouvelles épousailles. Le terrorisme et la démagogie se donnaient
le bras sur le devant de la scène. On « déconstruisait » en hâte le
mariage à l’ancienne. On affirmait qu’il est aujourd’hui « en crise »
quand la vérité est qu’il l’a toujours été, par définition, puisqu’il
unit deux personnes de sexe opposé, ce qui est déjà source de crise, et
que, par-dessus le marché, il les soumet à des postulations
contradictoires, le mensonge romantique et la vérité procréatrice. On
rappela, contre les réactionnaires qui lient mariage et reproduction,
qu’il n’en allait plus ainsi depuis la révolution contraceptive (ce qui
ne pouvait manquer, ajoutait-on, de rapprocher les comportements homos
et hétéros), quand c’est en fait depuis toujours, et dans toutes les
civilisations, que l’on a cherché, certes avec moins d’efficacité
technique qu’aujourd’hui, à réguler la fécondité, c’est-à-dire à
autonomiser la sexualité par rapport à la « reproduction biologique ».
En quelques jours apparurent les étonnantes notions de «
mariage fermé » (antipathique, hétéro) et de « mariage ouvert »
(sympathique) puis « universel » (supersympa). On publia des sondages
dans lesquels la société française déclarait qu’elle était d’accord pour
applaudir aux évolutions de la société française, mais de grâce, qu’on
arrête de lui brailler dans les oreilles. Les partisans du néo-mariage
expliquèrent à la fois qu’il ne fallait pas interpréter leur demande
comme une volonté de normalisation ou comme un désir d’imitation mais
qu’il y avait de ça quand même, et que d’ailleurs ils se moquaient des
institutions dont ils étaient exclus, sauf que le seul fait d’en être
exclus leur apparaissait comme un outrage. Réclamant en même temps le
droit à la différence et à la similitude, exigeant de pouvoir se marier
par conformisme subversif et pour faire « un pied de nez à la conception
traditionnelle du mariage » (comme l’écrivent encore les impayables
Christophe Girard et Clémentine Autain), ils affirmaient aussi que ce
même mariage, à la fois convoité et moqué, revendiqué pour être rejeté,
et de toute façon transformé s’ils y accédaient jusqu’à en être
méconnaissable, serait un remède souverain contre « l’alarmant taux de
suicide » qui sévit chez les jeunes homosexuels, ce qui laisse supposer
que ces derniers se suicident tous par désespoir de ne pouvoir convoler
officiellement. On aurait pu imaginer d’autres motifs.
Mais ces réflexions tomberont très bientôt sous le coup des
lois anti-homophobie qu’un gouvernement vassalisé par les associations
se prépare en toute sottise à faire voter. Mieux vaut donc se taire.
Par-delà le néo-mariage, en effet, et quelques autres revendications
divertissantes (suppression de la mention relative au sexe sur les
papiers d’identité afin d’en terminer avec les « problèmes kafkaïens
rencontrés par les individus de sexe mixte, hermaphrodites,
transsexuels, transgenres », ou encore « dépsychiatrisation des
opérations de changement de sexe »), c’est la réduction au silence du
moindre propos hétérodoxe qui se profile, c’est l’écrasement légal des
derniers vestiges de la liberté d’expression, c’est la mise en examen
automatique pour délit de lucidité. Il est urgent que personne ne
l’ouvre pendant que se dérouleront les grandes métamorphoses qui
s’annoncent, dont ce petit débat sur l’effacement de la différence
sexuelle est l’avant-propos. Le néo-mariage, dans cette affaire, n’est
que l’arbre baroque qui cache la prison