@Ariane Walter
Je vous accorde bien volontiers que
sans un effort particulier des media, on n’aurait probablement jamais
entendu parler de ce fait divers. Que l’objectif puisse être, pour
les occidentaux, de jeter des pierres dans le jardin de Poutine, je
peux l’admettre assez facilement, mais à ce compte-là, il n’y a
plus guère d’information ou, a contrario, de silence médiatique, qui n’emporte avec soi une part de manipulation. En ce moment-même, des quantités de gens sont probablement dans des
situations abominables et nous n’en saurons jamais rien. Sur ce qui
se passe actuellement au Nigeria ou au Mali, par exemple, les média
restent extrêmement discrets. Mais à partir du moment où on est
informé de faits précis, il me paraît qu’il est possible et même
souhaitable de raisonner dessus, surtout lorsqu’il s’agit de faits de
cette nature, très révélateurs d’un retour généralisé de
l’obscurantisme. Cela se passerait aux Etats-Unis, je ne ferais pas
de différence, et les aberrations de la justice américaine, la
peine de mort dans certains états ou le simple recours massif à
l’emprisonnement, ce sont des choses qui doivent être condamnées
aussi et qu’en tout cas je ne saurais prendre à la rigolade.
Je me souviens qu’en 75, à un moment
où quelques uns commençaient à s’émouvoir de ce qui se passait
dans le Kampuchéa démocratique, des journalistes du Monde prenaient
soin d’expliquer longuement qu’il n’y avait pas lieu de s’émouvoir :
certes, disaient-ils, on ne concevrait guère qu’on envoyât tous les
Parisiens arracher les betteraves dans la plaine Picarde, mais la
France n’était pas le Cambodge, sauf pour des naïfs empêchés
d’opérer ces subtiles distinctions dont seuls les spécialistes sont
capables. On pouvait tout aussi bien considérer
qu’un certain nombre de dissidents, à l’époque de Brejnev, étaient
des têtes quelque peu fêlées. Beaucoup, du reste, étaient déjà
« soignés » dans des hôpitaux psychiatriques.
Fallait-il prendre tout cela vraiment au sérieux ?
La plupart des indignations sont
fabriquées, les vôtres aussi bien que les miennes, téléguidées en fonction d’intérêts qui n’ont rien à
voir avec ceux des indignés eux-mêmes ; il y trouvent leur compte parce que ça
les divertit un moment. On peut bien considérer cela comme une sorte
de jeu de rôle : lumières contre anti-lumières, par exemple. Le
problème, c’est qu’au-delà de la virtualité des débats sur
l’Internet, il y a quand même partout des gens qui en prennent
réellement plein la gueule. Comme il ne m’a jamais paru qu’il y eût
dans l’humanité d’un côté les bons et de l’autre les méchants, ça
m’emmerde un peu.