Poursuite du reflux russe sur l’Echiquier arabe, sous bienveillance américaine
Dans l’hypothèse d’un renversement du président Assad, la Russie (avec la Chine et l’Iran) serait la principale perdante.
Pour rappel, la Syrieest un des principaux alliés de l’Iran dans la région et la disparition d’Assad isolerait davantage Téhéran – ce que souhaitent, pour diverses raisons, de nombreux Etats arabes et occidentaux. D’autre part, le renversement d’Assad risquerait de déstabiliser le Liban et au moins, d’y redéfinir le jeu politique interne avec, notamment, l’affaiblissement du Hezbollah libanais. L’évolution syrienne est donc politiquement non neutre pour l’Etat israélien et sa stratégie au Moyen-Orient et, en ce sens, pour le destin géopolitique de la région.
A cela, il convient de préciser que l’Azerbaïdjan, ex-république de l’URSS très sensible désormais – comme d’autres Etats de la périphérie post-soviétique – aux sirènes américaines (et à leurs dollars), rêve de créer un « Grand Azerbaïdjan » étendu à une partie de l’actuelle Iran. Dans cette optique, l’affaiblissement de l’axe Iran-Syrie serait une bonne chose pour ses prétentions territoriales. Moscou redoute un tel scénario, d’autant plus qu’il nuirait dangereusement aux intérêts de son fidèle allié et partenaire stratégique, l’Arménie – dont l’existence (et celle de ses bases militaires) serait, dés lors, menacée.
En outre, par l’intermédiaire de son ministre des affaires extérieures, Ahmet Davutoğlu, la Turquie– véritable base arrière et levier de l’influence américaine en Eurasie – revendique, de manière troublante, le rôle de "pionnier du changement démocratique" au Moyen-Orient. En fait, la défense de ses intérêts nationaux – qui intègrent le « problème » kurde – a incité la Turquie à s’ingérer dans la crise syrienne. Et, surtout, elle l’oblige à maintenir une veille stratégique dans le Nord dela Syrie convoité, selon Ankara, par les « extrémistes kurdes ». Enfin, il faut rappeler quela Turquie rêve toujours d’un Empire ottoman étendu à l’Asie centrale ex-soviétique. Tout est donc en place, pour la partie finale.
Tendanciellement, on assisterait donc à la poursuite du roll back (reflux) de la puissance russe, conduite par l’administration américaine depuis la fin de la Guerre froide et qui vise, aujourd’hui, à affaiblir ses alliances traditionnelles – donc, son pouvoir potentiel sur longue période – en zones arabe et post-soviétique. Car, qu’on le veuille ou non, l’administration Obama est objectivement tentée de manipuler les « révolutions » pour, à terme, étendre sa zone d’influence et sécuriser, par ce biais, les principales sources d’approvisionnement et routes énergétiques – d’où l’intérêt de « stabiliser », c’est-à-dire de contrôler politiquement la Syrie, le Liban et l’Iran, véritables nœuds stratégiques de la région. Une telle extension se réaliserait au détriment des dernières positions russes, héroïquement tenues sur l’Echiquier moyen-oriental et, en particulier, en Syrie, face à la pression médiatique et politico-militaire de la coalition arabo-occidentale – mais, pour combien de temps encore ?
Dans cette optique et de manière officielle, l’administration américaine vient de reconnaître la nécessité de renforcer significativement son soutien au « processus révolutionnaire et démocratique » en œuvre en Syrie. Dans ses grandes lignes, cette action s’inscrit dans le prolongement de sa récente ingérence – via de douteuses ONG – dans le processus électoral russe et, de façon plus générale, dans le cheminement politique incertain de la périphérie post-soviétique en vue d’y imposer la « démocratie ». Naturellement, selon les normes occidentales.
Ce faisant, Washington officialiserait une stratégie qui, en réalité, a commencé bien plus tôt. Tendanciellement, cette stratégie s’appuie sur la démocratie comme nouvelle idéologie implicite et globalisante, vecteur de sa domination politique dans le monde. Au regard d’une lecture plus structurelle de la crise syrienne, médiatisée par les intérêts des puissances majeures, cette attitude américaine n’est pas une surprise et, au contraire, semble cohérente avec une ligne de long terme axée sur la défense de son leadership régional – contre les intérêts russes.
L’hyper-puissance américaine avance ses pions, inéluctablement.
L’Arabie saoudite, nouveau « pivot géopolitique » de l’hyper-puissance ?
La poursuite du « Printemps islamiste », à dominante sunnite, renforce les positions de l’Arabie saoudite dans la région et donc, de manière indirecte, les prérogatives de l’axe USA-OTAN.
Sur ce point, on remarquera que les monarchies du Golfe, qui sont (très) loin d’être plus démocratiques que la Libyeet la Syrieont été, jusque là, étrangement épargnées par la vague révolutionnaire. Avec une certaine légitimité, on peut donc se demander pourquoi ? Et pourquoi passe-t-on sous silence le sort des 80.000 chrétiens expulsés de leurs foyers par les « révolutionnaires » syriens dans la province d’Homs, en mars 2012 ? Enfin, pourquoi ne parle-t-on pas des persécutions quotidiennes de la population chiite (majoritaire à 70%) au Bahreïn, associée à un verrouillage total de l’opposition (et de l’expression) politique ? Cette répression est « supervisée » par l’armée saoudienne encline, à la moindre occasion, à faire intervenir ses chars – sorte d’application arabe de la doctrine Brejnev de « souveraineté limitée » – et cela, quels qu’en soient les coûts humains. Terrible et révélateur silence médiatique.
La réaction occidentale a été tout autre lorsque la Russie est – justement – intervenue avec ses chars en Géorgie en 2008, pour protéger ses ressortissants et ses soldats d’un massacre annoncé, après l’inquiétante initiative du président Saakachvili. Comment expliquer cette lecture des Droits de l’homme (et des peuples) à géométrie variable ? Et pourquoi les chars russes seraient-ils plus « coupables » que les chars arabes – ou américains, en d’autres circonstances, lors des « croisades » morales punitives ? Pour Moscou, une telle situation confirme le maintien d’un esprit de Guerre froide visant à la marginaliser, de manière définitive, sur la scène internationale. Un « deux poids, deux mesures » politiquement insupportable, et presque blessant.
La principale conséquence de l’extension de la domination sunnite au Moyen-Orient gagné par la contagion « révolutionnaire » est que, par l’intermédiaire de l’Arabie saoudite, comme levier d’ingérence privilégié, l’administration américaine renforce son contrôle de la région. Parce que, par définition, il sera dorénavant plus facile pour Washington d’actionner un seul levier pour dicter sa politique régionale et défendre, ainsi, ses intérêts de grande puissance. Dans ce schéma, l’Arabie saoudite devient une pièce maitresse (« pivot », au sens de Brzezinski) des Etats-Unis sur l’Echiquier arabe permettant, désormais, à l’hyper-puissance d’agir sur les événements et d’orienter le jeu, sans véritable opposition. Une contrepartie possible serait alors, pour Washington, de tenir compte des intérêts politiques de l’Arabie saoudite dans les régions musulmanes de l’ex-espace soviétique, âprement convoitées dans le cadre de son face-à-face avec la Russie. En ce sens, la crise syrienne cache un enjeu politique plus global, fondamentalement géostratégique – et, de manière indiscutable, lié au déroulement de la Guerre tiède.
Cette tendance au renforcement de la gouvernance unipolaire, légitimée par l’éclatante victoire américaine dela Guerre froide, est officiellement et régulièrement dénoncée par Vladimir Poutine, depuis son fameux discours de Munich de 2007 sur la sécurité dans le monde. Les faits, comme les hommes, sont – parfois – têtus.
Paradoxalement, les involutions arabes, sous bienveillance américaine, ne feront qu’accélérer cette tendance (2).
Et, maintenant, que faire ?
Jean GÉRONIMO
Spécialiste des questions économiques et stratégiques russes
Auteur de La pensée stratégique russe
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