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Commentaire de L’Ankou

sur Non au mariage homo !


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L’Ankou 20 septembre 2012 17:29

Oh, c’est bien dommage d’entendre ces arguments pour n’y point . Souffrez que je choisisse cet emplacement stratégique (ruse !) pour me risquer à l’exercice, d’une façon qui abondera dans votre sens (je l’espère).


@Grégoire Duhamel, respectueusement :

« Est-il possible de ne pas être d’accord avec cette mesure ? ». Au nom de la liberté d’expression - puique c’est le drapeau qu’il est le plus prestigieux de brandir aujourd’hui -, je vous garantis une réponse positive à cette question. On peut ne pas être d’accord. On peut même le dire, l’écrire, le hurler, le proclamer dans les fora les plus en vue.

La démarche n’en sera que plus respectable si elle est assortie, comme la vôtre, de quelques arguments intéressants. C’est bien cette absence d’argument qui fait, justement, que les détracteurs du mariage homosexuel deviennent les meilleurs promoteurs de la réforme du mariage.

Et quitte à présenter des arguments, autant qu’ils soient bons et qu’ils tiennent la controverse. Je me propose donc de bon coeur ma contradiction.

Le plus trivial de ces arguements s’avère d’invoquer la sacro-sainte Nature. Vous-même y succombez. Si j’étais cruel et cynique, le débat serait clos immédiatement par le seul constat que, justement, on ne parle d’enfant « naturel » que pour désigner ceux qui sont conçus hors mariage. Problème réglé ! Hop !

Bon, je sens bien que cette rigueur terminologique ne fait pas rire tout le monde, alors poursuivons : « La nature, c’est qu’un enfant nait d’une femme et d’un homme, sans autre possibilité. Tout dispositif différent (adoption, clonage, mère porteuse, etc.) est transgressif. »

Soit !

La nature, c’est aussi qu’un humain ait deux bras et deux jambes. Les prothèses sont-elles transgressives ? Cette même nature a doté les oiseaux d’ailes qu’elle a refusé aux hommes. L’avion est-il transgressif ? Et si oui, qu’est-ce qui est transgressé ? Une loi naturelle ? Pas sûr : l’avion ne déroge pas aux lois de la physique. Ou n’est-ce pas plutôt la transgression des freins culturels qui font passer ces lois dites « naturelles » pour impossibles à transgresser ?

Nous avons la possibilité culturelle de nous affranchir des lois naturelles, et ça permet tout autant de s’éclairer la nuit, de cuire ses aliments, de poser le pied sur la Lune, mais aussi de se doter d’une déclaration universelle des droits de l’homme et de la sécurité sociale.

Si par « naturel » on désigne les impossibilités physiques, les contingences matérielles, les limites scientifiques, alors le nom que porte la transgression est « progrès ».

Si par « naturel » on désigne en fait le poids de traditions, des conservatismes, de la néophobie, de la religion, des tabous, des usages, des coutumes et des conventions, alors on commet un abus de langage. Ce sont des lois culturelles qu’on transgresse et non des lois naturelles. Et cet abus de langage est aussi une malhonnêteté intellectuelle parce que le propre des cultures c’est de pouvoir évoluer. Transgresser ces règles correspond alors au même élan historique que la philosophie des Lumières : c’est une lutte contre les obscurantismes.

Ceci étant, les obscurantistes peuvent aussi assumer leur choix et le principe de la liberté d’opinion s’applique aussi à eux.

« Même l’adoption, qui est le plus simple moyen de suppléer à la stérilité dans les couples, pose d’ailleurs de multiples problèmes d’identité aux parents hétérosexuels et aux adoptés. »

Certes ! Néanmoins, toute adolescence quelle qu’elle soit pose à un titre ou à un autre, des problèmes d’identité pour les parents (s’assumer comme tel avec un rôle éducatif) comme pour l’enfant (avec son émancipation d’adulte en ligne de mire).

Le problème de l’identité « génétique » est très surfait, à mon avis et le monologue de Maître Pannisse à Marius, dans Fanny fournit depuis longtemps les pistes essentielles pour lever les obbstacles psychologiques.

Il est néanmoins certain que l’aura reconnue aux sciences génétiques (notamment dans leurs implications crimino-télévisuelles smiley ) conjuguée à la solution de facilité consistant, d’une part, pour l’orphelin, à attribuer son mal-être à l’incertitude sur ses origines et d’autre part à son psy d’en tirer un juteux abonnement à ses consultations, ne participe pas à rendre les arguments-massue de Pagnol aussi audibles qu’ils le devraient.

Je ne nie pas la spécificité des problèmes des ados en général et des orphelins en particulier, mais ce sont des problèmes surmontables, au cas par cas, et qui ne nécessitent pas l’intervention du législateur.

« le mariage de deux personnes de même sexe pose des problèmes très graves (...) par ses conséquences. Le principe de la mère porteuse, étape obligée pour deux homosexuels hommes, ne peut par conséquent que créer des problèmes similaires. »

Effectivement. PLus largement, un couple homosexuel, quelque soit son sexe d’ailleurs, doit nécessairement avoir recours à un tiers de sexe opposé pour qu’il y ait fécondation. Du moins en l’état de la science. La gravité des problèmes que cela pose n’est pas d’une nature différente que celle relevée ci-avant pour le orphelins adoptés ou placés dans des couples hétérosexuels. Les problèmes sont bien « similaires ». Il ne sont donc pas plus insurmontables. Les couples doivent donc disposer d’un droit identique à tenter de les surmonter s’ils s’en sentent capables.
 
Et il s’agit d’un choix personnel, d’une décision responsable et intime, intime, à prendre en accord avec l’autre membre de son couple, à l’abri d’une sphère privée garantie par les libertés publiques. Il est bon que l’Etat n’intervienne en rien dans cette sphère de liberté et de choix en conscience et en responsabilité. Au passage, on voudra bien noter que le recours à un artifice de procréation oblige effectivement à un choix conscient, là où les rapports bissexués continuent à produire des résultats accidentels.

Or donc, le problème ne proviendrait pas du manque de confiance en les facultés éducatives du couple (heureusement, parce que ces facultés aussi sont couvertes par la sanctuarisation de la sphère privée), mais par le fait que le mariage homosexuel constituerait une généralisation législative d’une conduite transgressive. J’ai déjà dit ce qu’il fallait penser de cette transgression et de la substitution à une prétendue « nature ». Mais je relèverai en plus un soupçon de contresens sur le terme « généralisation ».

Ce qui est général, actuellement, c’est l’interdiction faite aux couples homosexuels de s’exposer aux mêmes risques éducatifs que les autres. Cette interdiction est générale parce qu’elle s’applique qu’ils le veuillent ou non. En revenant sur cette interdiction, le législateur n’imposerait pas une solution générale contraire : il permettrait au contraire à des milliers de décisions individuelles de couples d’éclore librement et en conscience (et « leur » conscience vaut bien les « nôtres »). Qu’ils décident librement s’ils veulent ou non prendre ce risque. C’est bien tout l’inverse d’une généralisation : on va bien du général au particulier, et ça n’a donc absolument rien de dictatorial ou de totalitaire.

Incidemmentt, c’est aussi pourquoi on peut se ficher comme d’une guigne que la communauté LGBT soit divisée sur la question. On ne lui demande pas non plus d’être unanime, puisqu’il s’agit de renvoyer chaque couple à ses choix et ses responsabilités individuelles. Les divisions ne poseront problème... que si elles se produisent au sein d’un couple...
- mais celà ne nous regarde pas !
- tout à fait Thierry !

L’évolution du droit ne me semble pas malsaine ni attentatoires aux libertés démocratiques. Dans cette évolution, le PACS aura joué le rôle de bèta-test, de répétition générale, de laboratoire, de ballon d’essai et de vérification expérimentale que la reconnaissance officielle des couples homosexuels n’ouvre pas les portes des enfers. Donc, tout va bien : s’il y a une fin du monde le 21 décembre, ce n’est pas à ça que nous la devrons.

Pour répondre à la question qui chapeaute l’article, je ne sais pas s’il y a des bons arguments pour justifier qu’on dise « non au mariage homosexuel ». Je réitère néanmoins l’affirmation du droit à chacun de se faire librement son opinion. Quant à moi, je n’ai pas encore trouvé d’argument convainquant pour m’y opposer, alors que j’en trouve quelques uns pour être pour. Mais chacun fait comme il veut, et vive la liberté ! 

Bien à vous,

L’Ankoù


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