Duneb
C’est vrai, bien peu de gens avaient accès au livre, mais néanmoins
ils savaient que celui existait, que la parole était gravée, et dans ce
sens, les stèles avant l’invention du papyrus, et les tables de la loi
des hébreux ont sans doute installé durablement dans l’inconscient
collectif le caractère divin et éternel du livre, qui ne s’use même pas,
même et surtout si l’on s’en sert !
Et c’est bien là que le bat blesse, ( métaphore muletière restant
d’un animal admirable, costaud et économique, qui sert encore à toute
une partie de l’humanité ) : Un livre, pour cette société du fric et du
jetable, offre tous les défauts qui sont pour certains de nous autant de
qualités évidentes : Inusable, transmettable, reproductible, ne nécessitant aucune
énergie une fois produit, n’offrant pas de possibilité de retour et de
manipulation du texte une fois imprimé.
Pour vous débarrasser de quelqu’un, diabolisez-le, ringardisez le :
C’est pour ça qu’on ne parlera pas de ses qualité évidentes, et de sa
symbolisation dans l’imaginaire, qui ne sont tout de même pas rien.
Je me souviens de cette photo des soviets, prise en 1917 ; chacun
avec son fusil, sa cartouchière, et arborant un livre levé en l’air.
Aucun d’entre eux ne savaient lire, mais dans ce geste, ils affirmaient
leur modernité, leur espoir, leur volonté de culture et de progrès.
A
travers le livre, et l’apprentissage de la lecture, apanage des clerc
et des seigneurs, ils avaient bien compris que ce jouait leur sort, et que la révolution pouvait changer la donne.
Révolution confisquée, sans doute, mais ce jour là le geste est magnifique, et
vaut sa part d’intelligence, de clairvoyance, qui sera celle aussi des défenseurs de
l’école publique en France.
Je dérive c’est vrai un peu, mais quand
on parle du livre, et de l’écrit, on parle de la culture, bien sûr, et
on ne peut que s’interroger sur l’évolution des choses.
Notre rapport aux livres s’est construit sur tant de générations et
d’histoire, que j’ai bien peur que son remplacement par le numérique ne
soit que marginal, et l’amputerait de toute une saveur et une langueur
qui en ferait irrémédiablement disparaitre la substance, tant notre propre histoire est impliquée dans la grande, le passé et les concepts de transmission du savoir.
Car la nourriture n’est pas qu’une question de calorie. Il y a un
rite, une tradition, des couverts, des gens qui vous font face dans
cette exercice social et gourmand, afin qu’il ne soit pas qu’une simple
étape de l’alimentation, et un exercice masturbatoire et desséché propre
à vous faire devenir anorexique, .