La folle était là sous son arbre,
tous les jours, et peu importe le temps. Elle attend quoi ? La
pluie ? Un homme ? Un chien ? De la fenêtre de ma classe, je
l’observais… Parfois l’oiseau venait se poser sur son épaule, immobile. J’aimais
cet instant comme le vent dans ces cheveux qui barrait la route de ses yeux, et
je l’invitais dans mes rêves de licorne. L’animal se jetait du ciel venant la
chercher pour un galop dans les champs de primevères ou sa robe couleur
d’alezan dansait la Rumba. Tiens, le vieux Charles passe devant elle
sans la voir. Elle appartient au paysage. Quel âge a-t-elle ? Mille
ans ! Dix ans… Son prénom est inscrit dans le tronc du chêne qui l’abrite
des mauvais regards. Alice, je crois. Les oies sauvages tapissent l’espace du
son de leur voyage, elles migrent vers l’ouest et crient leur joie de partir en
vacance. Elle ne bouge pas. Est-elle morte ou en cire ? Je sais qu’ils
fabriquent des gens, des faux plus vrais que nature… Sûr ce soir, je vais lui
parler. Dans quelle langue ? Peut-être ne comprend-t-elle que le langage
des signes ? Je vais écrire… Zut le maître m’envoie au tableau. Dehors, la
belle femme ne dors pas, ne bouge pas. Elle est silence. Un passé sous silence.
Pendant que l’on m’interroge je ne la vois pas ramasser l’escargot qui passait
sous ses jambes. Elle le regarde dans sa main et le pose sur une branche.
Quand, je reviens à ma place elle est statut offerte aux vents. Je donnerais
bien six billes à celui ou à celle qui connaît son histoire. Mais qui ?
Vous… Non…
Dieu doit savoir… Mais comment
lui parler à lui ?
Je la regarde. Ils semblerait que
je sois le seul à la voir. Un fantôme dans ce parc amère. Elle est ma sœur, ma
mère et dessine des fleurs. Je la devine, lui parle et elle s’envole. Je la
vois dans la cour de mes arrières pensées, rouge sang. Elle pleure du sang. Je
nage dans ce mauvais rêve, en sueur. Je n’ai pas peur de lui livrer mes
secrets. Elle attend que je grandisse pour m’emporter dans ses bagages. Je suis
si petit et elle si reine. Elle est la mort, maintenant je le sais. Je pars…
Elle me tient la main. Ensemble, nous quittons ce monde fait de tant de
questions. Et vous ? Vous, oui ! Vous les avez les réponses ?