@ Emile Mourey
Voici le passage où
j’évoque Luc Ferry dans le chapitre sur "La démission
politico-philosophique" de mon
essai de mars 2000 « Désacraliser la violence religieuse » :
« » La laïcisation inachevée se confond
souvent avec l’athéisme sectaire, une impasse aussi certaine que le dogmatisme
religieux. Un même respect du pouvoir, de la puissance acquise, conduit le
premier à conforter le second. Comme le besoin de Dieu reste très fort, même
chez de nombreux scientifiques, on compose par calcul avec les courants
religieux les plus puissants, même si ce sont les héritiers -continuant de
transmettre l’héritage- du
crime « divin », de l’Inquisition, des « saintes » guerres
inter-religieuses, des « saintes » conquêtes coloniales ou de la
théologie de la domination ; on crée dans la République, pour ces courants, un
domaine de non-droit.
L’attitude
philosophique dominante n’aide pas à sortir de cet état de fait. Cela
s’explique fort bien par une forme d’orgueil, de suffisance née après le
« désenchantement du monde » : le sentiment que l’homme est enfin
devenu, grâce à la science, le « surhomme » longtemps rêvé (et
maintenant l’homme « post-humain » de Fukuyama !) enfin
« débarrassé de Dieu ». Le concept philosophique de "fin de
l’histoire religieuse« conduit à la réanimation de celui de
»l’homme-Dieu", et Luc Ferry, artisan de cette renaissance, croit
pouvoir tranquillement, avec André Comte-Sponville pourtant en désaccord sur ce
dernier concept, chercher la sagesse « après la religion et
au-delà de la morale " (16) en un temps où la dissociation de la politique et de la morale
provoque un « non-sens » généralisé, et désespère une bonne partie de
l’humanité, dans sa composante athée comme dans sa composante théiste. « »
Quand vous dites,
Emile Mourey, que « notre monde est devenu fou » ce n’est pas assez
précis. Sa folie principale est dans la tricherie des responsables religieux, politiques et
médiatiques. C’est là qu’est le malheur futur de nos enfants, petits-enfants et
ceux qui les suivront.