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Commentaire de Tristan Valmour

sur Maman je suis rouge en maths !


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Tristan Valmour 12 octobre 2012 14:29

Ca a l’air bien de loin, mais de près….

D’abord, un peu de réflexion. La société est de plus en plus automatisée, je ne pense pas seulement aux machines, mais aux arbres de décision. Il faut donc beaucoup d’exécutants, et peu de dirigeants. Le monde de demain sera un grand SAV : vous avez branché la télé ? Si non, branchez là. Si oui, avez-vous allumé la télé ? Si non, allumez-là ! Etc.

L’école de demain, et dans une grande mesure, celle d’aujourd’hui, a pour objet de former des exécutants. D’où l’apprentissage via les multiples exercices, sans donner aux élèves et étudiants le sens de ce qu’ils apprennent. Pour simplifier, on leur demandera juste de savoir sur quel bouton appuyer, pas de réfléchir au geste d’appuyer sur un bouton. Je parie que d’ici 30 ans maximum, les élèves n’apprendront pas le calcul mental mais passeront directement à la calculatrice…sauf s’il y a une prise de conscience généralisée.

Inutile donc de faire des exercices à la maison puisqu’ils sont faits en classe.

Mais dans une société hyperconcurrentielle, cad toutes les sociétés, les parents qui pensent encore que l’école est un moyen de promotion sociale, et ceux qui sont insatisfaits vont donner à leurs enfants du travail supplémentaire. Donc, la suppression des devoirs à la maison augmentera les inégalités et développera le secteur périscolaire privé : cours particuliers, coachs, etc.

Comme je l’ai déjà écrit sur agoravox il y a quelques années, personne n’a envie de privatiser l’école. Ce sont les services extrascolaires qui seront privatisés, tous ceux qui permettront aux élèves dont les parents sont friqués de réussir dans la vie. L’école sera un ghetto pour ploucs. Excusez mon langage grossier, mais c’est du neuromarketing : faire naître l’angoisse pour mieux préparer votre cerveau à acheter ce qui suit.

Les élèves aux parents friqués mettront leurs enfants dans de petites structures où on enseignera différemment à leurs enfants.

Il ne faut pas croire que c’est un complot organisé par l’OCDE ou je ne sais quoi d’autre. Cette politique est juste le fruit de multiples calculs trop longs à exposer ici pour une société performante. Intéressez-vous aux sciences de la complexité, aux sciences prédictives basées sur le modèle bayesien. Springer et Wiley sont vos amis.

Sur la notation. Contrairement à ce que vous dites, les lettres sont des données que l’on peut classer et analyser. On peut même mettre des A+ ou des A- comme aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis existe un double système de notation : par les lettres ou sur 100. Et on peut ramener 100 en lettres. Donc, aucun problème avec ça. Et vous pouvez noter avec des couleurs, mettre des soleils ou ce que vous voulez. Ca ne change pas grand-chose. Moi je suis opposé à ce que l’on communique les notes aux élèves tout simplement parce que les travaux menés par mes collègues spécialistes en motivation montrent unanimement que cela mine la motivation intrinsèque et tue le plaisir d’apprendre. On ne travaille pas pour la note, mais pour le fait de connaître, donc de pouvoir contrôler. Vous parliez de sport. Que devient le champion qui rate une compétition ? Il déprime. Pour les élèves qui travaillent pour la note, c’est la même chose. Ca a été très bien étudié.

Très honnêtement, les notations sont le plus souvent arbitraires. Les profs notent un élève en fonction des copies d’autres élèves, en fonction de son moral, de sa fatigue, etc. La notation n’est pas objective.

Et il existe plusieurs types d’évaluation : normative, sommative, formative.

Qui a établi que votre méthode était transposable ? Ca a été publié dans une revue à comité de lecture ? L’expérience a été faite ?

Il ne faut pas mélanger les hyperactifs et les surdoués, ça n’est pas du tout la même chose. Et il y a plusieurs formes d’hyperactivité (avec ou sans impulsivité, etc.). Bref, ne simplifiez pas. En plus, surdoué, ça n’existe pas. Le surdoué, c’est bébé.

« Donc, premier constat, une mauvaise note globale n’est pas forcément un constat définitif d’inaptitude ! » Ca, c’est parfaitement juste.

Aux Etats-Unis, la participation est notée pour les élèves comme pour les étudiants. C’est d’ailleurs pour cela qu’on dit ensuite que les étudiants américains participent plus que les étudiants français (je me souviens d’une connerie dite par un universitaire anglais qui disait que les Français ne participaient pas). La note de participation est même très importante, et cela est codifié dans le syllabus. Seulement, cela n’a rien fait avancer. Au contraire, les élèves et étudiants (je connais surtout les étudiants) disent tout et n’importe quoi, juste pour avoir une bonne note. Et le temps passe…au détriment du cours.

Ce n’est pas parce que votre élève peut définir ce qu’est un triangle équilatéral qu’il sait ce que c’est. Ce n’est pas ainsi que fonctionne un cerveau. Le cerveau crée des « cases » pour chaque expérience, et il faut faire communiquer ces cases pour créer un réseau neural plus étendu. Si l’élève n’a pas le sens en amont, ni l’expérience en aval, il n’accèdera qu’à la connaissance sémantique, comme un bon perroquet. J’ai testé cela plusieurs fois dans mon laboratoire, et tous les spécialistes en information (chercheurs en intelligence artificielle, psychologues, etc.) savent distinguer l’information de la connaissance. Ils faisaient comment les égyptiens de l’antiquité en géométrie ? Ils ne mesuraient pas exactement parce qu’ils n’avaient pas les instruments adéquats, mais ils mesuraient à la louche. Ce qu’ils voulaient avant tout, c’est avoir le sens de ce qu’ils faisaient. Aujourd’hui, les élèves n’ont pas le sens de ce qu’ils font. Ils savent à peine remplir un QCM. Ca n’est pas cela apprendre.

« Or les mathématiques sont une discipline assez particulière nécessitant des compétences diverses. » -> comme toutes les disciplines

Les maths ne sont pas une science, mais une discipline hypothético-déductive. La rationalité est prédominante dans toutes les disciplines. Tout ce que vous dites sur les particularités des maths s’appliquent aux autres disciplines (conceptualisation, abstraction, etc.)

L’hémisphère gauche est logique ? C’est un neuro-mythe. Le droit l’est tout autant. D’ailleurs les deux échangent via le corps calleux. Lisez cerveau gauche, cerveau droit à la lumière des neurosciences. C’est un très bon livre. En gros (en très gros même), l’hémisphère droit donne ce qu’on appelle « le big picture », et l’hémisphère gauche détaille et approfondit. Et très honnêtement, nous ne sommes pas logiques mais émotifs. Et les experts ne sont pas logiques, ils sont intuitifs. Les experts sont incapables de suivre les règles qu’ils ont édictées.
Les compétences de base pour réussir en maths comme dans les autres disciplines sont : le travail, la working memory, la connaissance d’un vocabulaire précis, l’attention.

« La méthode d’apprentissage par essai et erreur est celle qui est utilisée dans toutes les sociétés animales ; la mère corrige son enfant, lui apprend à chasser par l’exemple en lui faisant profiter de ses échecs. » - > C’est entièrement faux. De très nombreuses espèces animales sont capables de conceptualiser avant d’agir pour trouver la bonne solution au problème posé sans l’avoir encore expérimentée. Et l’Homme est expert en cela, d’où le fort développement de son cortex frontal, siège de la planification. La stratégie d’essai-erreur est coûteuse et trouve rapidement ses limites. On se fait sauter une bombinette pour voir ce que ça fait ?

Vous voulez que les élèves mémorisent les erreurs…en plus de tout le reste ? Les plus intelligents et les plus travailleurs le pourront, les autres seront davantage confus et prendront pour vérité ce qui est une erreur à condition bien entendu que l’erreur mobilise davantage de synapses. La vérité ou l’erreur ne sont en fin de compte que le résultat d’une addition de synapses. J’ajoute qu’Ylvisaker et Feeney ont découvert qu’il valait mieux ne pas corriger les erreurs, mais plutôt répéter les bonnes informations (cf Collaborative Brain Injury Intervention, Positive Everyday Routines (San Diego, CA : Singular, 1998). Cette découverte a été également expérimentée par la HGSE sur des cerveaux sains, non plus sur des cerveaux endommagés.


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