@Abou Antoun,
Avez-vous pensé que si vous renvoyez à vos élèves une image à peu près exacte de leur niveau réel, vous risquez de les traumatiser, et donc d’aggraver leurs difficultés, voire de les humilier ? Après le lynchage de deux jeunes, il y a quelques jours, une psychologue, aux informations de France Culture, expliquait que tout cela était la faute d’une école où les élèves ne réussissent pas, où tous sont « humiliés » par des professeurs qui, comme vous, sont sans pitié et ne jurent que par un « niveau » d’instruction au fond bien... subjectif. L’essentiel ne serait-il pas plutôt que les jeunes soient vraiment heureux, que la classe devienne un vrai lieu de vie, avec toute sorte de divertissements agréables, au sens un peu pascalien du terme, qui les empêchent d’avoir constamment sous les yeux leur misérable condition sociale et plus généralement humaine ?
Trève de plaisanterie. Je me faisais l’avocat du diable, et j’approuve entièrement votre analyse et vos propositions. Je me souviens qu’au début des années 80, j’avais programmé mon Apple II pour mettre une peu de rationalité dans la correction des dissertations. Les différents types de fautes de langue étaient répertoriés et comptabilisés, et aussi les erreurs de construction, ou encore celles, très banales mais récurrentes, qui procédaient d’une ignorance des règles élémentaires de l’exercice. A la fin, il sortait sur l’imprimante une dizaine de lignes de remarques stéréotypées (pré-programmées) mais très précises. C’était tout de même un peu prématuré : le matériel, à l’époque, ne connaissait encore que les majuscules et la mémoire ne permettait pas de développer bien longuement. Surtout, c’était extrêmement contraignant pour le correcteur, et le niveau n’a pas tardé à monter si soudainement grâce aux « réformes » qu’il aurait mieux valu se contenter de souligner, dans le magma confus et incurable qui m’était présenté, trois ou quatre phrases où l’on pût encore repérer quelque chose qui eût un sens. Bref, j’ai fini par renoncer, mais le découragement et une certaine fatigue/paresse y étaient pour beaucoup.
S’il s’agissait encore d’instruire, de former des intelligences, il n’y aurait guère de difficultés. Enseigner, on sait le faire - et sans théories « pédagogiques » fumeuses - depuis l’antiquité. Ce que vous préconisez est tout à fait raisonnable et réaliste. Des élèves qui ont un niveau convenable et qui peuvent comprendre, je le sais par expérience, sont les premiers à être motivés par des méthodes rigoureuses qui leur font voir leurs erreurs et leur permettent de les éviter par la suite. Mais tout cela n’est plus de saison, hélas, et les socialistes n’auront même pas su tirer les leçons de la politique criminelle de destruction de l’école qu’ils ont mise en oeuvre - par bêtise ? - au milieu des années 80. Le processus va encore s’accélérer. On repeindra les salles des lycées pour qu’elles soient plus accueillantes, on multipliera les sorties au théâtre et les voyages à l’étranger, les divertissements et les jeux, mais on n’enseignera plus. Du moins, dans les écoles de la république.