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Commentaire de Christian Labrune

sur Maman je suis rouge en maths !


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Christian Labrune Christian Labrune 13 octobre 2012 12:43

@Tristan Valmour

Vous me demandez si j’ai des preuves formelles que les sciences de l’éducation sont la cause du naufrage. C’est un peu comme si vous me demandiez s’il y avait une relation très évidente entre plus de 20000 morts et disparus en mars 2011 et un certain tsunami qui venait de ravager les côtes du Japon. Peut-être n’était-ce, après tout, qu’un « sentiment personnel ou une intuition » des Japonais !

Or, c’est bien à une sorte de tsunami qu’on a assisté aussi dans l’Education nationale. On avait délibérément fait sauter les digues : tout le monde ou presque devait désormais « avoir le niveau du bac », sauf 20% de sacrifiés (je n’ai jamais compris pourquoi  !). Les enseignants se trouvaient donc dessaisis de leur prérogative naturelle qui était d’évaluer le niveau des candidats. C’était le politique qui décidait à leur place de ce qui devenait, comme dans n’importe quelle usine, des contraintes et de la gestion des flux. Mais on ne fabrique pas des citoyens cultivés comme on fabrique des bagnoles. Il reste que les sciences de l’éducation, au mépris de tout réalisme professionnel, ont prétendu pouvoir fournir les moyens techniques qui permettraient de réaliser ces sortes de miracles. Sont apparus immédiatement les IUFM, qui permettraient de formater les jeunes professeurs et de les induire à mécaniser leurs pratiques, conformément à des instructions officielles de plus en plus stupides. J’ai connu beaucoup de jeunes collègues qui avaient subi comme une suite de sévices intellectuels dignes de la Chine de Mao cette année de formation où des crétins prétendaient leur inculquer des recettes infaillibles pour réussir - eux-mêmes ayant préféré devenir formateurs pour fuir les difficultés du terrain qu’ils n’avaient de toute évidence jamais été capables de maîtriser.

C’est à cette époque qu’on a vu surgir dans les textes officiels un jargon ridicule, que les collabos du système (il y en aura toujours) sont devenus de parfaits émules de Trissotin. On a remis en selle la vieille rhétorique, intéressante pour des élèves d’un excellent niveau, mais désastreuse pour des jeunes qui savent à peine lire. Je me souviens de tel collègue paniqué juste avant d’aller voir ses élèves, parce qu’il hésitait sur le nom qu’il fallait donner dans le texte qu’il allait expliquer, à telle figure de style un peu compliquée. Une année, j’ai hérité une classe de première où les élèves étaient particulièrement obsédés par les oxymores. Ils en voyaient partout, jusqu’à en être hallucinés. On les avait dressés à rechercher l’oxymore comme on dresse les cochons à flairer les truffes !

Je préfère me limiter à ces quelques anecdotes qui seront bien suffisantes pour ceux qui ont été témoins de ces dérives. S’il fallait entrer dans les détails, un bouquin ne suffirait pas, mais je peux toujours vous éclairer sur tel ou tel point particulier.

Vous me demandez ce que c’est que noter. La réponse est toute simple, elle est dans l’article d’Abou Antoun : c’est faire en sorte que l’élève puisse se rendre compte aisément de ce qui ne convient pas dans le devoir qu’il a produit. On peut aisément convenir avec la classe d’un barème : au delà d’un certain nombre de fautes ou d’erreurs dont la gravité a été évaluée une fois pour toutes, on sera nécessairement en dessous de telle ou telle note. Si on informatise la correction, dans l’enseignement du français, on peut très bien renvoyer l’élève à tel ou tel paragraphe d’un polycopié qui définit très clairement les règles de l’exercice, cela vaut mieux qu’une appréciation globale toujours trop vague et sans remède. De vrais élèves essaieront de comprendre les remarques qu’on aura pris soin de multiplier, mais avec beaucoup de ceux qui fréquentent aujourd’hui les lycées, ce sera peine perdue : il préfèreront se sentir humiliés et déchireront leur copie. Les sciences de l’éducation, qui promettent la réussite pour tous, seront déjà passées par là.


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