Mardi 16 octobre 2012 :
L’Union Européenne décroche le Prix Nobel de la Paix alors que le Vieux
Continent semble se préparer au pire…
Commentant l’attribution à l’Union Européenne du prix Nobel de la paix,
Thorbjorn Jagland, membre éminent du Comité éponyme a eu ses mots lourds de
sens : « L’Union Européenne connaît actuellement de graves difficultés
économiques et des troubles sociaux considérables… »
C’est rien de le dire. Même si les médias paraissent s’être donnés le
mot pour traiter à minima le sujet des manifestations parfois d’une extrême
violence qui secouent épisodiquement les pays de l’Union au rythme auquel leurs
peuples apprennent les mauvaises nouvelles.
Quand bien même des lignes de fracture commenceraient à se creuser entre
les « experts » économiques mondiaux sur la meilleure manière de se sortir de
l’impasse dans laquelle les a plongé la cupidité effrénée de la finance qu’on
s’efforce de leur dissimuler, le discours dominant reste – au moins
officiellement – celui de la rigueur, traduisez l’austérité.
Ainsi pas plus tard que lundi 8 octobre 2012, en clôture de la réunion
de l’Eurogroupe, Christine Lagarde n’a pas manqué d’adresser aux grecs son
compliment appuyé du jour (« …La Grèce fait beaucoup, ça ne fait aucun doute
mais agir signifie agir, pas seulement parler et la liste des actions prévues
doit être mise en œuvre… ») en maintenant la pression via la liste des « 89
actions » qu’elle les somme d’engager au plus vite pour continuer à bénéficier
de la perfusion internationale.
De leur côté, les Athéniens désespérés en sont à se demander en nombre
croissant si ce n’est finalement pas aux crypto-fascistes de « l’Association
Populaire Aube Dorée » plutôt qu’aux technocrates obstinés de la Troïka qu’ils
devraient confier leur destin. On se souvient du bon mot de leur dirigeant,
Nikolaos Michaloliakos, un pacifiste pur jus un brin incompris, pour célébrer
l’entrée de son parti au parlement lors des législatives de juin 2012 : «
l’heure de la peur a sonné pour les traîtres à la patrie… ». De sinistre augure
en termes de paix sociale…
Plus proches de nous, les protestations des indignés espagnols sont plus
audibles : un taux de chômage insupportable à plus de 25% alimentant des
manifestations monstres à laquelle répondent des violences policières de plus
en plus spectaculaires, des retraits massifs de fonds déposés dans les banques
ibériques pour les mettre en lieu sûr, en particulier dans la minuscule
principauté d’Andorre qui ne peut les absorber, à supposer même qu’elle
constitue un refuge digne de ce nom.
En Italie, les limitations des retraits bancaires sont déjà en vigueur
et des mesures de surveillance renforcée de la frontière avec la Suisse
viennent d’être discrètement ordonnées, qui mettent la Guardia di Finanzia en
première ligne.
Les « experts » du FMI ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Ils
recommandent maintenant que l’Espagne et d’autres amochés de la crise
instaurent « au niveau national » des dispositions radicales pour freiner les
retraits et prohiber les sorties de capitaux…
Les grandes manoeuvres de la Suisse.
Face à cette montée des tensions sociales et à l’inquiétant
accroissement des inégalités dans l’Europe Club Med qui, on l’oublie un peu
vite, a été précédée de brusques poussées de fièvre ponctuelles en Angleterre
et de ce côté-ci de la Manche, le tout accompagné d’une résurgence du risque
terroriste, et craignant sans doute leur extension à l’ensemble du continent,
les Suisses, qu’on ne prend jamais au dépourvu, s’organisent tranquillement.
Forte de son armée de 200 000 hommes, la Suisse a organisé, du 6 au 21
septembre 2012, un exercice militaire désigné sous la charmante appellation de
« Stabilo Due » destiné à vérifier « sa disponibilité opérationnelle ».
Y ont participé comme l’indiquait le 11 septembre Daniel Reist, le
responsable de la communication de la Défense : « …le chef de l’armée et son
état-major militaro-stratégique, l’Etat-major de conduite de l’armée (échelon
opératif), les commandants et les états-majors de la région territoriale 4, la
brigade d’infanterie 5, la brigade blindée 11 ainsi qu’une formation
d’engagement ad-hoc des Forces Aériennes et le commandement des Forces
Spéciales (échelon tactique)… »
Stabilo Due, l’entraînement à la contre-insurrection helvète.
Au ministère, désigné chez nos amis helvètes comme le « Département
Fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports » on ne
faisait nul mystère que « …le concept d’exercice STABILO DUE repose sur un
scénario supposant l’instabilité d’une partie de l’Europe spécialement
délimitée pour l’occasion. La Suisse connaît également des troubles, des
attentats et des actes de violence. Ce scénario de situation extraordinaire
vise notamment à vérifier l’appui fourni aux cantons dans le domaines des
engagements subsidiaires ainsi que la conduite et l’engagement de la réserve
opérative de l’armée, en l’occurrence de la brigade blindée 11 ».
Vu de l’autre rive de l’Atlantique par John R. Schindler, qui enseigne
les affaires de sécurité nationale à l’Ecole Navale de Guerre US, le jeu de
rôle helvétique était récemment expliqué en ces termes : « Les exercices
militaires suisses de septembre désignés sous le nom de Stabilo Due reposent
sur l’hypothèse que l’instabilité de l’Union Européenne devienne incontrôlable.
Les suisses sont restés hors de l’Union Européenne – une chose de plus dont ils
se félicitent ces temps-ci – et la dernière chose qu’ils souhaitent c’est que
les problèmes de l’Union débordent dans leur petit pays pacifique ».
http://www.bakchich.info/international/2012/10/14/un-risque-dinsurrection-pan-europeenne-61812