« Pour le plouc, le plouc c’est toujours l’autre, celui
qui ne lui ressemble pas »
@Amaury,
Vous avez parfaitement raison. Ce qu’apparemment notre plouc des
ploucs ne sait pas, c’est que cette forme particulière de mépris social est
l’une des constantes tout à fait centrales du bovarysme. Née à la
campagne, (au milieu des « bêlements, des laitages »,
dit Flaubert), Emma, parangon des ploucs, rêve d’un Faubourg Saint-Germain qu’elle a dû
découvrir dans Balzac, entièrement peuplé de duchesses. Elle
exècre les paysans, rêve de supériorité sociale, comme tous les
petits bourgeois dont le discours sera bien plus tard attentivement
scruté par Bourdieu dans son essai sur la « distinction ».
Curieuse conception des choses, pour quelqu’un qui prétendrait se
mêler de politique et se piquer d’être quelque peu un intellectuel, tout comme Emma Bovary, du reste, qui porte en sautoir un « lorgnon
d’écaille », pour faire bien voir qu’elle s’adonne à la
lecture et à la réflexion ! La qualité du jugement et le courage,
il faut cependant le reconnaître – et même si on a beaucoup étudié –
ne se mesurent jamais vraiment au nombre d’années passées à la fac
ou à la qualité particulière du milieu social qu’on fréquente. Je
suppose qu’en 1941, des gens comme Chardonne, Drieu la Rochelle,
Brasillach ou Jouhandeau devaient regarder comme des « ploucs »,
tandis qu’ils se rendaient en Allemagne à l’invitation de Joseph
Goebbels, les pauvres marins
de l’Île de Sein qui étaient déjà partis, eux, et comme un seul homme, mais dans une
tout autre direction.
Un Marcel Déat avait fait normale Sup et ne se mouchait pas du pied ; jeune, il
s’était cru « à gauche », avait même critiqué
l’antisémitisme nazi, mais son pacifisme lui interdisant de « mourir
pour Dantzig » ; il ne devait pas tarder à tomber dans la
sinistre bassine de la collaboration, tout comme seraient déjà
disposés à le faire un certain nombre de propagandistes sur
Agoravox, ardents défenseurs de l’islamofascisme iranien. S’ils sont
stipendiés, c’est pitoyable. S’ils ne le sont pas, qu’ils aillent
se faire soigner d’urgence à Sainte-Anne, ça leur évitera peut-être de se « distinguer » d’une manière qui pourrait par la suite les couvrir de honte.
Il ne s’agit pas de réflexion, dans cet article, mais de
propagande vulgaire. Je suppose (je n’ai pas vérifié) que l’article sera
généreusement approuvé par une multitude de pauvres bougres qui
réagiront mécaniquement, qui se mettront au garde-à-vous comme ils
le font déjà devant toute diarrhée antisémite : ils sont
désormais très bien dressés. On les prend pour des cons, on leur
dit : tu approuves ou bien tu n’es qu’un méprisable plouc, un hilote
; un sous-homme, en quelque sorte, et comme tous n’ont pas la culture
qui leur permettrait de réfléchir par eux-mêmes, ils saluent.
Ca se passait déjà comme ça à Nüremberg.