Bonjour et merci à la modé d’avoir publié cet article.
Oui, les américains ont laissé les russes se dépatouiller avec le gros des forces allemandes. Ils ont trainé les pieds et octroyé, pour faire patienter Staline, le prêt-bail, matériel, nourriture, envoyés jusqu’au fin fond des goulag. Varlaam Chalamov en parle non sans ironie, dans ses Récits de la Kolyma.
Les soviétiques ont payé un très lourd tribut. Il ne faut pas oublier qu’ils crevaient littéralement de faim pendant la guerre, travaillaient des journées de 10 à 12h, dans des usines déplacées à l’Est au-delà de l’Oural, où les machines tournaient dans des bâtiments sans toit, et où un retard ou une absence pouvait vous emmener tout droit dans un camp. Et malgré tout, ils sortaient des chars, des armes et des munitions à une cadence infernale, dans des conditions infernales.
La rage des russes était à la mesure de l’horreur qu’ils ont découvert au fur et à mesure qu’ils avançaient vers l’Allemagne, face à ce que les allemands avaient fait subir à leur peuple. Rajoutons les incitations et la propagande comme le « Tue l’allemand ! Fais ravaler sa morgue à la femme allemande ! » d’Ilia Erhenbourg assénée sans cesse à des hommes qui n’étaient pas rentrés chez eux depuis 4 ans, et ayant vécu un enfer permanent. Ceci n’excuse rien mais permet de comprendre, ou du moins expliquer certaines dérives.
Durant la marche sur l’Allemagne, Rokossovski qui commandait le front de la Prusse Orientale était conscient des abus perpétrés par ses troupes sur les civils, puisqu’il a fait passer un ordre, l’Ordre numéro 6, incitant ses hommes à concentrer leurs forces sur les seuls soldats ennemis, et à se comporter honnêtement envers la population. (Certains officiers n’ont d’ailleurs pas hésité à exécuter les soldats coupables d’exactions.)
D’autant moins évident à gérer que les troupes de Rokossovski étaient aussi composées d’unités de détenus de droit commun, les truands des camps, à qui les autorités du Goulag avaient octroyé une remise de peine en échange d’un engagement. Certaines de ces unités ont eu par ailleurs des comportements héroïques, d’autant qu’elles étaient utilisées pour les missions quasi suicidaires, et servaient de chair à canon. Les généraux soviétiques n’ont jamais été économes de la vie de leurs soldats.
Un excellent livre de témoignages d’anciens soldats sur cette période : Splendeur & misère de l’Armée Rouge, de Jean Lopez et lasha Otkhmezuri, Ed. le Seuil.