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Commentaire de Morpheus

sur ACTIO POPULI


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Morpheus Morpheus 29 octobre 2012 09:07

Bonjour micnet,

Vous abordez deux points importants dans la compréhension du concept démocratique : la notion d’égalité et la notion de gouvernement. Pour parler de l’égalité, je vais citer Morgen H. Hansen (La Démocratie athénienne à l’époque de Démosthène).

« Pour parler d’égalité, les Athéniens avaient plusieurs termes, tous composé avec le préfixe iso- : isonomia (égalité de droits politiques), isègoria (égal droit de parole dans les assemblées politiques), isogonia (égalité par la naissance) et isokratia (égalité de pouvoir). (...) Mais que signifiait l’égalité politique pour les Athéniens ? Et que signifie-t-elle aujourd’hui ? Dans la pensée politique occidentale, il y a un conflit entre deux visions différentes en la matière. L’une tient que tous les hommes sont par essence et par nature égaux - c’est-à-dire semblables - et par conséquent ont tous droit à une part égale de tout ; l’autre consiste à penser que tous devraient bénéficier de chances égales - comme les coureurs sont sur la même ligne dans les starting-blocks. »

L’isonomia (égalité politique) n’apparait pas comme étant au centre de l’idéologie démocratique athénienne, même si elle est attestée, contrairement à l’isègoria, qui apparait de façon centrale dans leur conception. Il semble donc que pour les athéniens, l’égalité est conçue comme reflétant une égalité de chances (de participer à la gestion de la cité), alors que l’isonomia pourrait aussi bien supporter une égalité de nature qu’une égalité de chances. Par contre, il est attesté que tous les citoyens athéniens devait posséder l’isokratia (égalité de pouvoir) par principe.

De nos jours, l’idéologie capitaliste qui domine actuellement le monde, met bien évidemment en avant l’égalité de chances, qui colle à merveille avec l’idéologie de la compétition permanente. Cependant, une analyse même succincte démontre l’absurdité de cette thèse : dans un système basé sur la compétition, il y a nécessairement formation d’inégalités. De ce fait, on aboutit à une société inégalitaire où les chances ne sont plus équitablement répartie dès le départ (situation actuelle), et on ne peut donc plus parler d’égalité des chances. Par vocation, la compétition ruine le principe d’égalité des chances. Or, il a été démontré (voir l’étude et le livre de Richard Wilkinson et Kate Picket) que les sociétés les plus inégalitaires produisent de grandes pathologies sociales : plus une société est inégalitaire, plus elle produit de maladies, de névroses, de psychoses, de criminalités, de pauvretés, de désordres sociaux, etc. Plus une société est égalitaire, plus elle produit d’harmonie, de stabilité, d’entraide, de partage, de créativité.

C’est la raison pour laquelle je préconise une société fondée de façon prioritaire sur des bases non hiérarchique, donc une répartition horizontale du pouvoir  : le pouvoir majeur (celui de voter les lois) doit demeurer entre les mains du peuple par le biais d’une assemblée et/ou du referendum. Cela garantit un ordre fondé sur des lois autonomes (choisies par le plus grand nombre) et non un ordre fondé sur des lois hétéronomes (choisies par le petit nombre et imposée au grand nombre). Dans une telle situation, le respect de l’ordre se trouve renforcé du fait que le grand nombre s’est donné à lui-même la loi. De plus, le fait que chacun puisse participer de façon égale à la procédure de mise en place de la loi fait qu’il y a égalité politique.

Cela nous amène à votre deuxième point, la question de gouvernement. Vous prenez l’exemple du charisme, en évoquant la qualité de « chef naturel » qui n’est pas donnée à tous. Dans une démocratie, fondée nécessairement sur une égalité de pouvoir entre tous les citoyens (démocratie = gouvernement par le grand nombre), il n’y a pas à proprement parler de chef. La notion de chef est caractéristique des deux autres formes de gouvernement qui sont la monarchie et l’oligarchie, tous deux reposant sur des principes hiérarchiques. Dans une démocratie, les tirés au sort ne sont pas des leaders politiques, se sont des serviteurs, des exécutants  : ils exécutent les décisions prises par l’assemblée du peuple. Il y a donc un renversement des rapports. C’est précisément cette inversion du rapport de pouvoir qui différencie une (vraie) démocratie de l’oligarchie ou de la monarchie. Un magistrat tiré au sort dans une démocratie n’a pas besoin de charisme ou de qualité de chef.

Cordialement,
Morpheus


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