• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Éric Guéguen

sur ACTIO POPULI


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Éric Guéguen Éric Guéguen 29 octobre 2012 12:28

2.
Je vais vous dire à présent, et plus précisément pourquoi les tenants de l’égalité en tant que motif essentiel de changement se trompent de combat. Revenons sur ce que j’ai dit précédemment, emprunté à Tocqueville : plus nous réduisons les inégalités matérielles, plus celles-ci sont odieuses. Ceci est vrai dans des conditions politiques à peu près stables, ce sur quoi tablait Tocqueville. Ce que ce dernier n’avait pas imaginé – pas à ce point – c’est que le pouvoir politique en viendrait à disparaître. Car, soyons sérieux : reprocher leur incompétence à nos politiciens est tout à fait fondé, mais refuser de voir qu’en fait ils ont perdu tout pouvoir me semble malhonnête. L’homme politique, dans un monde qui a perdu toute notion de bien commun, roule pour lui-même. Ce n’est pas ça que je lui reproche ; je lui reproche de ne pas l’avouer et de prétendre être en mesure de se battre pour l’intérêt général. Or, l’intérêt général, en démocratie, c’est toujours l’intérêt du plus grand nombre, donc des plus forts, de ceux qui ont raison parce qu’ils sont les plus nombreux. Et pour flatter les plus nombreux, il sera donc prêt à toutes les bassesses, quitte à n’être plus qu’un VRP.
Si nous voulons retrouver le sens que les Anciens donnaient à la politique, il faut impérativement reconsidérer notre vision du bien commun. Et si nous découvrons que dans certaines situations le bien commun va à l’encontre du principe d’égalité, il faut que le principe d’égalité se plie à la nécessité du bien commun. Nous avons pris l’habitude de faire en la satisfaction de tous les intérêts particuliers l’image tronquée d’un intérêt général. Exemple : le droit de vote est conféré à un analphabète par égard pour cet individu, non par égard pour le bien commun. Ce dernier commanderait peut-être qu’une personne ne disposant, pour se faire une idée de la conjoncture, que de ce que peut en dire la télévision ou les gens autour de lui soit écarté en tant qu’inapte. Le fait que le dernier mot que j’ai employé claque comme une discrimination inadmissible est la preuve manifeste que l’intérêt des personnes prime en la matière.

Revenons à peu près 200 ans en arrière. Le peuple, se saisit alors du pouvoir et se trouve dans la situation suivante : tous autour d’une table ronde et un flingue en plein milieu, symbolisant le pouvoir. Le pouvoir, ce n’est pas uniquement l’image d’un flingue qui lui correspond, mais c’est celle qu’en garde la Modernité, après le trauma des siècles monarchiques. La réponse de Chouard et de ses partisans est la suivante : il n’y a pas encore assez de monde autour de la table. Il faut trouver les moyens institutionnels d’agrandir la table, de sorte que tout le monde se retrouve effectivement autour. En outre, on augmentera d’autant le rayon de la table… et on s’assurera ainsi qu’aucun ne puisse se saisir du flingue ! Voilà son idée fixe, celle sur laquelle il conçoit la réforme politique à venir.
Eh bien je dis d’une part que c’est céder à la vision hobbesienne de l’état de nature et ne pas croire en l’homme, et d’autre part diluer encore plus le pouvoir politique. Et dans une société comme la nôtre, fondée sur l’ascendant des passions et la satisfaction des intérêts privés, quand le pouvoir politique recule, c’est le pouvoir économique qui avance. C’est la raison pour laquelle je dis que la recherche effrénée de l’égalité politique conduit paradoxalement à l’outrance des envies, de leur satisfaction, des frustrations concomitantes et du sentiment d’injustice.
Croire en l’homme, Morpheus, et c’est mon sentiment le plus profond, c’est croire qu’il est des gens capables de s’investir pour le bien commun et de placer celui-ci au-dessus de tout. Ce qui ne veut absolument pas dire que tous les hommes en soient capables. Je crois en l’Homme, pas en TOUS les homes. Et l’art politique consiste alors à dénicher les perles rares pour les porter au pouvoir, au VRAI pouvoir, pas au pouvoir timoré. Je ne suis pas en train de vous dire que je prône la tyrannie, rassurez-vous, et je répète que la rotation des charges et la reddition de compte sont deux choses fon-da-men-tales. Mais dans cette peur du pourvoir, nous visons avant tout le fait qu’un individu puisse se saisir du flingue sur la table pour son intérêt personnel. D’une part, il n’y a pas qu’un flingue au milieu de cette table, il y a aussi une balance ; d’autre part, il me semble que bon nombre d’entre vous faites erreur en incriminant le pouvoir, car, en définitive, le vrai combat, à mes yeux, est de trouver les moyens de faire en sorte que celui qui est investi du pouvoir s’en serve POUR l’intérêt général (auquel je préfère la notion de bien commun, comme vous avez pu le constater). Là est pour moi tout l’intérêt d’une véritable philosophie politique.
Et à ceux qui me répondent « impossible », je répondrai « personne n’a jamais essayé ».

PS : je ne me souvenais plus de l’exemple pris par Hansen, mais il me semble biaisé, avec du recul. On ne peut nullement comparer les citoyens assemblés sur la Pnyx et des coureurs sur une ligne de départ. Il est demandé au coureurs de franchir la ligne d’arrivée en un temps record. Qu’est-il demandé aux citoyens ? Rien. Le fait de leur octroyer le droit de décider ne correspond pas à la ligne de départ dans notre exemple... mais directement à la ligne d’arrivée !!! L’égalité dans les moyens OUI, mais l’égalité dans les fins, vous ne l’aurez jamais, sauf à l’imposer, quitte à le payer tôt ou tard, comme avec le suffrage universel.

Merci d’avoir lu mon « pensum » en entier.
Bien à vous.
EG


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès