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Commentaire de Morpheus

sur ACTIO POPULI


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Morpheus Morpheus 30 octobre 2012 16:51

Bonjour micnet, et merci de vos interventions qui sont l’occasion d’approfondir le sujet et la réflexion smiley

Je vous lis, et en tous cas, même si nous ne sommes pas (pas encore) d’accord sur la solution, je vois que nous sommes pratiquement d’accord sur le diagnostic, bien que nous l’exprimions chacun à notre manière. Alors, c’est sans doute ennuyeux mais cela m’incite à donner plus de précision aux mots que j’utilise, à mieux exprimer le fond de ma pensée.

Lorsque je parle de l’oligarchie, il faudrait que je précise comment elle s’articule dans notre système, telle que je le perçois. Je suis entièrement d’accord avec ce que vous dites : les politiciens sont au service des intérêts particuliers d’une petite poignée d’ultra riches (banquiers, affairistes et industriels) et ils n’ont que très peu de pouvoir s’il s’agit de s’opposer aux intérêts de ces ultra-riches. C’est ce que je dis dans l’une de mes réponses à Éric Guéghen.

Quand j’utilise le mot oligarchie, j’entends donc l’articulation entre ces puissances de l’argent (appelons-les ploutocrates) et le monde politique (les élus). Ils ont besoins les uns des autres : les ploutocrates ont besoin des élus pour imposer leurs lois aux peuples, tout en faisant passer leur dictature oligarchique pour une démocratie ; et les élus ont besoin des ploutocrates pour financer leurs campagnes électorales et rester le plus longtemps possible dans les arcanes du pouvoir.

Dites-moi si je me trompe, mais il me semble que nous sommes bien d’accord sur ce constat. Si la réponse est oui, alors peut-être pourrons-nous nous accorder sur cette définition : j’appelle « oligarchie » le pouvoir dominant qui s’articule autour de l’alliance d’intérêts entre les ploutocrates et les élus des différents gouvernement prétendument représentatifs, ou si vous préférez : OLIGARCHIE = PLOUTOCRATES + ÉLUS.

Alors, revenons juste un instant sur ces figures autoritaires qui ont marqué l’histoire de la France. D’abord, il faut tout de même relativiser les choses en rappelant que l’histoire « avec un grand H » comme vous dites, est toujours écrite par les vainqueurs. Cela signifie que l’histoire ne correspond pas à la vérité, mais à une interprétation flatteuse des vainqueurs et de leur rôle, en parallèle avec une interprétation calomnieuse des vaincus et de leur rôle. Ce faux frère de Voltaire était honnête lorsqu’il a écrit que « L’histoire est un mensonge dont nous convenons ». Gardons-nous donc de prendre pour argent comptant tout ce que les manuels d’histoire et les manuels scolaires nous disent à propos de telle ou telle figure historique, en particulier si son rôle est décrit comme « essentiel », « majeur », « fondamental » : il y a de grandes chances pour que les faits réels ne coïncide pas avec la réalité.

Ce que je veux dire, le point sur lequel j’insiste, c’est que les « figures de l’Histoire » sont récupérée, très souvent (toujours ?) dans un but de « story telling » : on en fait des figures historiques dans le but de construire un mythe. « Un mythe - explique David Ray Griffin, professeur de théologie et de philosophie des religions - est une idée qui, même si elle est communément admise, est fausse. Dans un sens plus subtil, un mythe est une histoire qui sert à orienter et à mobiliser le peuple ».

Je ne suis pas convaincu que les époques et les actions de figures telles que Richelieu, Mazarin, Louis XIV ou Napoléon soient si glorieuses que cela. Que ces individus aient cherché à se couvrir de gloire et marquer leur temps, peut-être, mais cela ne signifie pas pour autant que leur époque et leurs actions fussent glorieuses.

Il en va peut-être différemment d’un De Gaulle, mais De Gaulle n’était pas un conquérant, ni un monarque, ni un oligarque. De Gaulle a marqué l’histoire essentiellement par une série de résistances qui ont, en effet, protégé la France contre les visées hégémoniques diverses, qu’il s’agisse de celles des anglais, des américains, des atlantistes, des sionistes ou des banquiers. De Gaulle n’aimait pas et se méfiait de ces gouvernements, de ces affairistes et de ces lobbys divers. Qui plus est, cerise sur le gâteau, De Gaulle (comme Simone Weil), n’aimait pas et dénonçait les partis politiques. Il a véritablement incarné la figure de l’Homme d’État, cela je le concède volontiers (pour Napoléon et les autres, par contre, ...).

Pourtant, en dépit de son envergure et de la valeur (réelle selon moi) de son action politique dans la défense des intérêts de la France, il a laissé derrière lui une >Constitution< qui est véritablement calamiteuse, une anti-constitution qui n’a eut d’intérêt et de valeur que pour permettre à une figure politique d’envergure telle que lui de sortir la France de l’impasse de la guerre d’Algérie. Cette anti-constitution, qui sacralise le pouvoir du Président en lui confèrent pratiquement tous les pouvoirs, est un affront à tous les principes de démocratie et de séparation des pouvoirs ; on pourrait dire que cette « constitution » est bonne si et seulement si c’est De Gaulle qui est président... On voit bien que seul une personnalité de cette envergure, véritable exception qui confirme la règle, était à même d’user de tels pouvoirs dans l’intérêt de la majorité sans en abuser. Mais dès qu’un autre s’empare de la Ve République, cela devient une république bananière. Je ne vois pas d’autre qualificatif pour décrire la France de la Ve.

Je comprends ce que vous voulez dire en affirmant que l’on a besoin d’un « homme fort » pour nous sortir de ce trou à rat qu’est l’oligarchie, pour nous tirer des pattes des ploutocrates. Croyez-le, je comprends très bien ce raisonnement. Mais, de vous à moi, ne trouvez-vous pas que c’est un peu une résurgence du mythe du Sauveur ? Vous savez, ce n’est pas par hasard si j’ai fais le rapprochement entre le caractère quelque peu « religieux » de la figure présidentielle en France : j’y vois comme une transposition, sur le Chef de la République, de la figure très chrétienne du Sauveur.

Alors, évidemment, comme je suis plutôt un opposant des religions monothéistes, comme j’ai analysé et démythifié (et démystifié) la figure du Sauveur, comme je suis anarchiste dans l’âme (contre les principes hiérarchiques d’organisation sociale, contre les figures autoritaires, contre la verticalité des pouvoirs), il est assez logique que je ne sois pas favorable (du tout) à une solution passant par un hypothétique Sauveur.

Mais comprenez-moi bien : si je n’y suis pas favorable, ce n’est pas par principe, mais par raison. Je vois dans cette « solution » une forme de piège qui perpétue un système dont je considère que c’est justement lui qui nous enferme, qui nous enchaîne, qui nous déresponsabilise et nous infantilise. Il m’apparait que si nous en appelions à une telle personnalité (je ne sais pas si vous pensez à une personne en particulier, mais je vais prendre François Asselineau pour l’exemple), si nous en appelions par exemple, donc, à Mr Asselineau, et que celui-ci arrivait - par quelque miracle - à la tête de l’État (il en faudrait un, tant le système politico-médiatico-financier est verrouillé pour empêcher que des personnes comme lui parviennent à la présidence), si nous faisions de lui notre sauveur (je me met volontairement, pour le débat, dans la peau d’un Français), nous refermerions sur nous le même piège qu’avec le Général De Gaulle : lorsqu’il aura disparu, que ferons-nous ?

Retour à la case départ ... Car rien ne nous dit que son successeur ne sera pas un traître, comme Pompidou et Giscard, qui nous remettra illico presto dans les griffes des banquiers et des atlantistes, ou d’autres affreux.

Cela dit, cela ne nous empêche pas de chercher une solution alternative, ou médiane : une personnalité forte et charismatique, capable de résister aux pressions et aux roueries des oligarques, mais qui reste sous la surveillance du peuple, d’une part pour soutenir son action, d’autre part pour empêcher qu’il n’abuse du pouvoir que le peuple lui cède dans un but bien précis (l’objectif de nous sortir des pattes de l’UE et de l’Euro, par exemple). Si nous parvenons à nous assurer que le pouvoir que nous confions à ce représentant charismatique ne se retourne contre nos intérêts, peut-être pourrions-nous envisager cette solution. Je ne vous cache pas qu’en les circonstances actuelles, je suis a priori sceptique, mais sceptique n’est pas fermé.

J’en conclu provisoirement ceci, c’est que nous ne sommes pas forcément en désaccord de principe, et qu’il serait sans doute possible d’associer nos approches divergentes en admettant chacun qu’il y a quelque chose de censé dans ce que dit l’autre (ce que je pense avoir fais présentement - je crois).

Cordialement,
Morpheus

 smiley


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