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Je vais plus loin : cette quête, consciente et/ou inconsciente de la personne providentielle, est le prolongement, à l’âge adulte, de notre réflexe infantile de trouver dans la personne de nos parents la réponse adéquate à tous nos problèmes.
Toute
notre enfance, et même durant notre adolescence pour beaucoup d’entre
nous, nous avons été conditionnés (habitués) à la fois à obéir (peu ou
prou) à nos parents et éducateurs, et à trouver en eux les réponses à
nos questions et les solutions à nos problèmes. Dépendant d’eux, nous
avons donc été habitué à reconnaître une autorité supérieure. Et c’est
donc de façon habituelle (je choisis ce mot car, comme le disait avec
justesse Gandhi « Il ne faut pas confondre ce qui est naturel et ce qui est habituel »)
que, même adulte, nous considérions encore que la gestion de notre vie
et de notre destin social soit placé entre des mains « expertes » (ou
prétendues telles).
C’est en cela que Mirbeau voyait dans la
famille, l’école et l’église les trois grands fléaux qui ruinent
l’enfance, et donc la société. Dans Combat pour l’enfant, Pierre Michel (qui réédite les œuvres de Mirbeau aujourd’hui) écrit en introduction ceci : «
Au début était la famille, lieu d’enfermement, de haines, de conflits,
de souffrances multiformes. Il (l’enfant) y est exposé sans défense, et
en permanence, à « une des plus ravalantes oppressions de la vie : l’autorité paternelle » (texte 13). Ses « facultés dominantes »,
il appartient à la sainte famille de les étouffer, afin que l’enfant
puisse se couler sans problème dans le moule grâce auquel on arrive à « contenir l’homme dans un état d’imbécilité complète ». »
Mirbeau
résume et dénonce ainsi parfaitement le mécanisme auto reproducteur du
système social et son caractère déstructurant et avilissant sur
l’enfance, et donc sur la société tout entière, puisque ce sont ces
enfants avilis et déstructurés, aux « facultés dominantes » (= capacité à
être maître de son destin) écrasées pour laisser place à la soumission
et à l’obéissance, au conformisme et au consentement à sa propre
servitude, qui une fois devenus adultes font la société, générations
après générations. Voilà pour l’apathie du peuple.
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