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Commentaire de Éric Guéguen

sur ACTIO POPULI


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Éric Guéguen Éric Guéguen 1er novembre 2012 20:59

@ Morpheus :

Croyez-moi, je prends tout à fait en compte que les gens peuvent changer, sinon je vous garantis que je ne passerai pas autant de temps à me poser toutes ces questions, je serai bien plus pessimiste encore.
Mais à partir du moment où l’on souhaite que tout le monde change, on est contraint d’en rabattre sur le niveau d’exigence, on n’en sort pas.
Dites-vous, Morpheus - je suis plus jeune que vous, ai peut-être côtoyé moins de spécimens humains me direz-vous - que les efforts que vous faites pour comprendre le monde qui est le nôtre, la majorité de nos congénères rechignent à les faire. Et ça, c’est du pain béni pour tous les bonimenteurs de la planète.

Faites un micro-trottoir, en plein Paris, posez au tout-venant 20 questions en histoire et en science civique notamment. Vous seriez, je pense, abasourdi de constater le niveau d’inculture générale dans lequel nous baignons. Ne voyez pas dans cette remarque un relent d’élitisme ; je vous garantis qu’il y a de quoi avoir peur.

OR : comment comprendre ce qui est en train de se passer sans lire, lire et lire encore, sans se plonger dans des textes parfois longs et difficiles, de manière individuelle, quitte à venir partager ensuite, sur de tels fora, le fruit de ses humbles recherches ? Regardez nos programmes télé, regardez quels genres de revues tapissent chaque semaine les étals de nos marchands de journaux, regardez les livres qui se vendent le plus (mangas pour les hommes, histoires à l’eau de rose pour les femmes), regardez, en bref, ce qui intéresse massivement nos concitoyens, et ce sans que l’on vienne leur mettre le couteau sous la gorge... Et dites-moi ensuite si nos « affreux » au somment ont besoin de beaucoup d’efforts pour prendre les gens pour des cons.

Morpheus, je vous le demande, pourquoi VOUS vous êtes-vous intéressé à la politique et pas votre voisin de palier ? Avez-vous bénéficié d’une formation particulière ? Non. Mais vous êtes-vous contenté du prémâché et de la culture de masse ? Non plus. Alors pourquoi vous et pas votre voisin ? Et si vous alliez tout de suite frapper chez lui en lui demandant d’éteindre sa télé, et de prendre un bon bouquin, comment vous recevrait-il ?

Même sur ce site je remarque quelque chose qui, à la fois me ravis, et m’intrigue un peu. Les uns et les autres, tous intervenants confondus, ont l’air en train de lire OU Manin, OU Hansen, OU les ont lu dernièrement, sur les recommandations de Chouard ou de ses « disciples ». Ce sont deux très bons livres, la question n’est pas là, et je suis bien content que Chouard en ait fait la pub. Mais j’ai l’impression que beaucoup, du coup, les prennent pour parole d’évangile. Or, il ne faut surtout pas s’imaginer que l’on a fait le tour de la question antique parvenu au bout des 320 pages du bouquin de Hansen. Ce dernier traite des institutions, mais ne permet nullement de se mettre à la place d’un Grec de l’époque. Pour ce faire, il faut lire Platon, Aristote, il faut lire Démocrite, Lucrère, mais aussi Thucydide, Aristophane ou Sophocle. Et déjà vous verrez les bonnes volontés s’étioler, par manque de temps, de courage, d’envie, (d’argent non, ces textes sont libres de droit, les marxistes ne nous aurons pas là-dessus...).
Pareil pour Rousseau : cet auteur est incontournable et il écrit magnifiquement, ce qui est rare chez un philosophe. Le problème, c’est qu’il y a dans Rousseau l’anti-Rousseau, que ce dernier a tout dit et son contraire. Alors pourquoi ne pas se référer à Spinoza ?à Hobbes ? à Locke, Kant ou Hegel ? à Mill ou encore à Hume ? Eux aussi ont des choses intéressantes à nous dire. Mais le temps que cela demande découragera la plupart. Pourtant, à mes yeux, pour comprendre au mieux ce qui nous arrive et trouver la parade, ces efforts individuels sont primordiaux.

Le facteur temps sera la richesse du siècle à venir. Et le facteur temps révulse les sociétés du zapping et de l’éphémère.


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