D’après Jules Isaac1 les violences égyptiennes n’étaient pas spécifiquement anti-hébraïques mais relevaient d’une hostilité plus générale contre les ennemis de l’Egypte du Nord et de l’Est. Les hostilités entre colonies grecques et juives, en particulier dans les grandes métropoles comme Alexandrie2, Antioche, Cyrène, relevaient en général de banales rivalités, de luttes d’influence, de particularismes identitaires. La célèbre révolte des Maccabées résulta d’une série de fautes politiques d’Antiochos IV3. Les guerres de Palestine conduites par les Romains en 70 et en 135 furent déclenchées par les révoltes juives contre l’occupant. Les Romains reprochaient aux Juifs « d’être élevés dans le mépris des lois romaines, de n’observer que la loi judaïque »4. Ces violences entre Juifs et non-Juifs « traduisaient le plus souvent une réaction spontanée, exceptionnellement dirigée et organisée […], une réaction élémentaire et instinctive de défense sociale plutôt qu’une préoccupation réfléchie de défense religieuse »5 : il s’agissait de violences non pas « idéologiques », mais « réactionnelles »6 par rapport au particularisme juif7. La rivalité économique et sociale et les questions d’occupation en furent les principaux mobiles ; « la religion n’est en cause que parce qu’elle isole, singularise, oppose au monde environnant. » Rome accorda d’ailleurs au judaïsme le privilège de « religio licita », en raison de son caractère ethnique, qui la rendait comparable aux religions polythéistes, et de son ancienneté, gage de respectabilité.
1 D’après Jules Isaac.
2 Ainsi en 39-40 deux délégations alexandrines, la juive conduite par Philon, la grecque conduite par Apion, allèrent plaider leurs causes respectives auprès de Caligula.
3
4 Satires IV, Juvénal.
5 Verus Israël, les relations entre juifs et chrétiens dans l’empire romain (135-425), Marcel Simon, 1983, et Genèse de l’antisémitisme et L’Enseignement du mépris, Jules Isaac, 1956 et 1962. J. Isaac recense et fait une analyse critique de toutes les occurrences susceptibles de relever de l’antisémitisme dans les conflits et la littérature gréco-romaine..
6 D’après la terminologie proposée par André Gaillard, auteur de Les racines judaïques de l’antisémitisme,