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Commentaire de

sur Le candidat José Bové court-circuite royalement le courant alternatif


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(---.---.14.223) 7 février 2007 09:58

Bové semble « ne pas se souvenir » du rôle joué par le gouvernement Jospin, dont Royal faisait partie, dans les plaintes qui ont été à l’origine de sa condamnation à des peines de prison en 2001.

Non seulement le gouvernement Jospin a affiché via Allègre et Scwhwartzenberg une position très « pro-OGM » et anti-Bové, mais les plaintes sont venues du ministère public et d’un organisme de recherche public, le CIRAD.

Pour rappel, cet article du 3 juillet du même auteur :

Les OGM, entre la « nécessité écologique » et la « nécessité alimentaire » ?

La condamnation récente d’une cinquantaine de faucheurs volontaires de champs d’organismes génétiquement modifiés appelle une constatation : la Justice est censée agir sur la base des lois et des règlements existants, mais elle n’en est pas l’auteur. Les lois sont du ressort des parlementaires ou, parfois, du gouvernement. Ce dernier est l’auteur des décrets, qui doivent se conformer aux lois. C’est pourquoi, à différence de l’affaire d’Outreau, les problèmes que peut soulever l’arrêt de la Cour d’Appel d’Orléans du 27 juin, précédé par celui de la Cour d’Appel de Toulouse du 15 novembre, sont à rechercher dans la gestion politique du pays tout au long de la dernière décennie, et pas au niveau du fonctionnement de la Justice. Il en est de même en ce qui concerne les dérives des institutions scientifiques : le problème est politique, et pas d’une autre nature.

Le 27 juin, la Justice française a condamné en appel l’ancien porte-parole de la Confédération paysanne Jean-Emile Sanchez et 48 autres faucheurs volontaires, pour avoir participé à des fauchages sur des parcelles de maïs transgénique de Monsanto en 2004. Ils avaient été relaxés en première instance, mais l’ « état de nécessité » admis par le Tribunal correctionnel d’Orléans n’a pas été confirmé par la Cour d’appel de la même ville. France3 a aussitôt fait savoir que l’UIPP (Union des industries de la protection des plantes), le GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences et plants), l’AMSOL (association de l’industrie des semences de plantes oléoprotéagineuses) et la SEPROMA (Chambre syndicale des entreprises françaises de semences de maïs) se félicitaient, dans un communiqué, que le « droit à la recherche » ait finalement prévalu. Cette condamnation fait suite à celle de José Bové à quatre mois de prison ferme (et de sept autres militants, à des peines de prison avec sursis) par la Cour d’appel de Toulouse le 15 novembre dernier. A cette occasion l’ « état de nécessité » avait également été plaidé sans succès par les faucheurs d’OGM.

Une site de défense des OGM, portant les sigles GNIS, OLEOSEM, SEPROMA et UIPP, diffuse notamment une brochure signée CFS (Confédération française des semenciers)-GNIS-UIPP, consacrée à « cette nouvelle technologie à fort potentiel d’innovation et de progrès » jugée indispensable « dans un contexte de crise alimentaire ». C’est donc la nécessité supérieure générée par la « crise alimentaire » qui l’aurait emporté sur l’état de nécessité plaidé par les faucheurs volontaires.

Mais a-t-on vraiment besoin des organismes génétiquement modifiés (OGM) pour nourrir la population mondiale ? Dans l’esprit de ceux qui évoquent une telle nécessité, s’agit-il de nourrir ou de nourrir pour pas cher ? Car, à entendre banquiers et industriels, les délocalisations seraient une autre nécessité. « Nécessité » de réaliser un maximum de bénéfices par le recours à la main-d’œuvre la moins chère disponible sur la planète. Tout compte fait, la mondialisation n’est pas autre chose, et les « élites » françaises se sont bien impliquées depuis trois décennies. Toutes les évidences portent à penser que l’on cherche à « optimiser », c’est la différence entre le coût de ce qu’on nous donnera à manger et la valeur de ce qu’on produira. Pour le reste, on a toujours réussi à nourrir la population de la planète sans OGM et les famines ont eu pour origine des dysfonctionnements politiques et sociaux, des guerres, des imprévisions...

Quant aux « précautions » par rapport aux nouvelles technologies, on pourra nous en mettre plein la vue avec des « journées portes ouvertes », mais la vie réelle est infiniment plus compliquée. Par exemple, borné comme je suis, je ne parviens pas à éliminer cette simple objection : quelle précaution absolue peut-il y avoir en matière de pollen, de semences, d’hybridations... alors qu’il est reconnu que les OGM comportent des dangers certains pour l’environnement ? Même dans un « scénario de précaution » théoriquement parfait, qui risquerait de relever de la science-fiction, l’accident, l’erreur humaine, l’imprévu... restent toujours possibles. Et ne nous avait-on pas vendu la « grande sécurité » de l’énergie nucléaire avant l’accident de Tchernobyl ? Avec ce qui m’apparaît comme une circonstance aggravante, dans le cas des OGM. On a beaucoup parlé, écrit, légiféré, menacé, voire même guerroyé... à propos de risques réels ou inventés de prolifération de technologies du nucléaire. Mais la prolifération des OGM est très rapidement devenue un réalité banale.

Les politiques votent et promulguent les lois que les juges sont tenus faire appliquer. La Cour d’appel d’Orléans est donc censée avoir rendu un arrêt conforme à la volonté exprimée par le législateur à travers ses lois et traduite par les différents gouvernements dans des décrets d’application. Par exemple, si le gouvernement déclare avoir pris toutes les dispositions nécessaires en matière de précaution, et qu’il brandit à l’appui de son discours des lois votées par le Parlement ou des décrets pris en Conseil d’Etat, le juge pourra très difficilement émettre un considérant dans le sens opposé. Et si une multinationale plaide s’en être tenue à ces lois et décrets, c’est à celui qui plaide l’état de nécessité de prouver, non seulement le contraire, mais de surcroît l’évidence de conséquences très graves des carences constatées. Ce qui peut s’avérer très difficile. Il reste à voir ce que dira la Cour de cassation si elle est saisie de pourvois contre l’arrêt de la Cour d’appel d’Orléans, ce qui semble être le cas. Mais d’ores et déjà, sur le plan politique, quelques constatations s’imposent. Notamment, tous les ministres concernés, de « droite » , de « gauche » et de « centre », nommés avec l’aval des parlementaires à la suite d’élections tenues en bonne et due forme, ont invariablement été, depuis les années 1990, des défenseurs intransigeants des OGM. 

Si l’actuel gouvernement s’exprime très clairement dans son site officiel sur les OGM, avec des communiqués qui ne laissent la place au moindre doute sur ses prises de position, la période Jospin s’est caractérisée par la même politique. Il en fut de même, déjà avant le quinquennat 1997-2002, de l’ensemble des gouvernements précédents.

José Bové avait déjà été condamné en février 1998 pour la destruction d’un stock de semences transgéniques (8 mois de prison avec sursis). Le 13 septembre 2000, il était condamné à trois mois de prison fermes dans l’affaire du McDonald’s de Millau, peine confirmée en appel le 22 mars 2001. Il a été condamné en 2001 à des peines de prison en première instance (15 mars) et en appel (20 décembre), à la suite de plaintes déposées par le CIRAD établissement public à caractère industriel et commercial), deux de ses membres (des thésards) et le procureur de la République. Les faits étaient survenus en 1999 alors que Claude Allègre était ministre de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (il a dû quitter cette fonction en mars 2000).

La même année 2001 de cette condamnation déclenchée par la plainte d’un organisme public, le ministre de la Recherche Roger-Gérard Schwartzenberg faisait diffuser une brochure intitulée : « OGM - Enjeux des recherches » très favorable aux OGM et portant à la fin les sigles du ministère de la Recherche, du CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et de l’IRD (Institut de recherche pour le développement). Le 26 août 2001, dans un communiqué au titre fort parlant : « Réaction aux destructions de parcelles OGM », Roger-Gérard Schwartzenberg déclarera notamment : « Le discours des militants anti-OGM est partiel et fragmentaire quand il fait silence sur les perspectives ouvertes par les cultures transgéniques... On ne peut comprendre le refus de savoir, le refus de l’acquisition des connaissances. Cette attitude anti-rationaliste doit être déplorée... ».

Son prédécesseur Claude Allègre, qui avait été directement concerné par les faits et les plaintes institutionnelles, aura le mérite d’être un peu plus franc lorsque le 15 janvier 2004, dans un article paru dans l’Express intitulé « A quoi sert José Bové ? », il présentera ce dernier comme une sorte d’agent objectif des multinationales américaines face à leurs concurrentes européennes et écrira littéralement : « L’extrémisme de Bové est la meilleure garantie du statu quo. Quant aux OGM, qui sont les gagnants face à lui ? Les multinationales américaines, évidemment. Découragés, les semenciers européens abandonnent les uns après les autres. Aventis, Novartis, maintenant sans doute Bayer. Il reste Limagrain pour le maïs, mais pendant combien de temps encore ? La route est désormais libre devant Monsanto et DuPont de Nemours, les deux semenciers géants américains... en attendant les chinois. Bravo, monsieur Bové, beau travail ! ». Et l’ancien ministre « dégraisseur de mammouths » terminera son article par la question : « Les citoyens aimeraient savoir qui finance M. Bové ». Le grand avantage de la prose de Claude Allègre, c’est qu’en posant brutalement la question de la concurrence entre les multinationales européennes et américaines, il exprime avec une certaine sincérité la contenu réel du fil directeur de la politique de tous les gouvernements français depuis 1995, voire bien avant. La « nécessité alimentaire » a bon dos...

C’est sans doute que les « élites » françaises forment un groupe compact, avec une stratégie globale cohérente sur le plan national mais aussi à l’échelle européenne et internationale. Leur participation à la Trilatérale est permanente depuis les années 1970, « droite », « gauche » et « centre » confondus. Elles sont également très présentes au sein du Groupe de Bilderberg. La France a d’ailleurs été l’un des initiateurs du processus qui a conduit à la mise en place de l’Organisation mondiale du commerce. L’actuel directeur général de l’OMC est un Français, militant de la SFIO dès 1970 et de la section CFDT de l’ENA, sorti deuxième de sa promo et nommé inspecteur des finances en 1975, appelé à d’importantes responsabilités « techniques » sous Giscard avant de devenir, après les élections de 1981, conseiller de Jacques Delors, directeur de son cabinet, directeur adjoint de Pierre Mauroy et l’un des créateurs de la politique dite « d’austérité ». Un parcours qui lui a permis de suivre en 1985 Jacques Delors à Bruxelles pour une « carrière européenne » l’amenant à jouer un rôle de plus en plus important au sein de l’Union européenne, où il a assumé les plus hautes fonctions (commissaire chargé du commerce international depuis septembre 1999, après un « passage » à la direction du Crédit Lyonnais en 1994-99), mais aussi de l’OMC où il a été le « négociateur européen » du Millennium Round avant d’en devenir le directeur général.

Vice-président du Siècle en 1996 comme le directeur de sociétés Jean Dromer et le vice-président du Conseil d’Etat et ancien secrétaire général du gouvernement Renaud Denoix de Saint Marc, alors que Jacques Rigaud présidait cette association, Pascal Lamy est certainement un bon représentant de la pensée et des choix stratégiques des « élites » françaises, toutes tendances politiques confondues. Ce n’est qu’un exemple.

Samedi, peu avant le match de foot France-Brésil, une dépêche AP de 18h28 faisait état de l’interpellation de Pascal Clément dans la Loire par des militants de la Confédération paysanne à propos de poursuites qu’ils considèrent comme relevant de la répression antisyndicale. Le garde des Sceaux leur a répondu, d’après AP : « En alertant l’opinion publique sur les dangers présentés par les OGM, vous nous avez rendu service [...], je vous en remercie. Mais quand les précautions sont prises, il n’est pas acceptable d’empêcher l’expérimentation de ces cultures », et ajouté : « Nous souhaitons des sanctions assez fermes pour montrer qu’il est illégal d’empêcher la production d’OGM dans ce pays. » On pourrait s’étonner de voir un ministre adresser des « souhaits » à une Justice réputée indépendante, d’autant plus que cette indépendance a été mille fois invoquée pour limiter la portée et les effets de l’enquête parlementaire sur l’affaire d’Outreau. Mais la réponse du garde des Sceaux est celle qu’aurait pu faire tout autre ministre, et correspond fort exactement au message invariablement délivré par tous les gouvernements de la dernière décennie.

C’est donc sur le terrain politique, et pas judiciaire, qu’il convient de rechercher les origines des problèmes de fond que peut soulever la condamnation récente d’une cinquantaine de faucheurs volontaires.

Avec une autre question en toile de fond : les institutions scientifiques sont-elles bien placées pour se présenter comme des garantes des mesures de précaution ? Les mises en examen intervenues dans l’affaire de l’amiante du campus de Jussieu peuvent jeter un doute sur la capacité de ces entités à garantir la sécurité de leurs propres personnels. Celle de l’ancien directeur du Service central de protection contre les rayonnements ionisants (SCPRI), une prestigieuse personnalité du monde universitaire, scientifique et académique, comporte une sévère mise en cause de la transparence institutionnelle. L’accident de Tchernobyl lui-même paraît de nature à soulever de graves interrogations sur la question de la fiabilité des mesures de précaution qu’on nous annonce. L’affaire des résultats falsifiés sur les cellules souches humaines, mais aussi ailleurs, ne saurait en aucun cas ne pas amener le constat de la nécessite impérative d’un réel débat sur le fonctionnement de l’ensemble de cet univers fermé. Et que penser de la débâcle des experts du procès d’Outreau de première instance ? Autant de questions qui concernent et intéressent l’ensemble des citoyens, et sur lesquelles ces derniers ont le droit d’être bien informés, de pouvoir s’exprimer et de recevoir des engagements clairs de la part des politiques. De préférence, avant les élections de 2007.


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