Désolé pour le retard, Onecinikiou, mais vos arguments méritent attention, alors voici quelques éléments tardifs de réponses :
Je comprends parfaitement votre rhétorique qui consiste à faire passer le déplacement d’une barrière pour une abolition de toute barrière, et qui par contrecoup, inciterait au conservatisme et à l’immobilisme. L’ouverture de la porte des enfers est un argument que j’essaye le plus souvent d’éviter pour ses exagérations dramatiques, ses outrances, les rouages de terreur sur lesquels il joue. Et aussi pour le fait qu’à pousser trop loin le raisonnement par l’absurde, on finit par l’atteindre aux dépends des nuances et des subtilités.
Dans le contexte où je dis effectivement que « Seul importe que des gens consentent mutuellement à se prendre pour époux », il s’agit précisément d’éviter toute dérive du débat dasn la prise en compte des sentiments. Je maintiens qu’il importe peu que les gens s’aiment ou aient n’importe quel autre motif de s’unir : les motifs de l’union ne regardent qu’eux. L’union elle-même, ce que je m’emploie à démontrer, concerne, à l’inverse, la société en tant qu’elle appporte sa caution publique à cette instituttion destinée, à l’inverse d’un simple contrat, à produire des effets aurpès de tiers (c’est en cela que c’est une « institution »).
Sorti de son contexte, je vois bien que cette phrase vous donne une prise pour placer efficacement votre rhétorique et je comprends que vous en profitiez. Et puisque vous m’invitez à entendre vos arguments, je me fais un plaisir d’y répondre.
La réponse est d’abord juridique. On a affaire à un projet de loi qui autorise le mariage entre deux personnes sans considération de leur sexe. J’ai beau relire et triturer le texte dans tous les sens, je ne vois pas que le code civil, une fois réformé, puisse autoriser ni le mariage incestueux, interdit par ailleurs par des dispositions civiles et pénales laissées intactes par la réforme, ni le mariage à trois, à quatre, ou plus, les dispositions modifiées conservant expressément la limite de deux.
La question de savoir si une modification des textes est, un jour, possible pour autoriser ces types de mariages est une question intéressante, certes, mais en dehors du débat sur ce projet de loi. Mais puisque vous tenez absolument à ce que je vous accompagne dans ce hors sujet, allons-y le coeur vaillant.
Sur l’inceste, il y a beaucoup à dire. Sans partager vos points de vue, je vous porte haut dans mon estime pour avoir cité à propos cet article : http://www.lemonde.fr/societe/artic...
Donc, oui, l’inceste existe, de même que la polygamie, l’adultère, l’échangisme et d’autres formes de vies familiales peu rroutinières. Ca existe dans le monde, ça existe dans l’histoire, et oui, ça existe même ici et maintenant, dans notre beau pays.
Ce qui n’existe pas, c’est que ces personnes puissent bénéficier de l’officialisation de leur relation par un officier d’état civil, par une cérémonie que la loi qualifie de mariage. Si vous voulez qu’on ait ce débat, soyons au moins conscient qu’on c’est à cette officilalisation qu’il faudra revenir en fin de raisonnement.
Mais partons de plus loin, puisque vous m’inviter à me pencher, presque en philosophe, sur les traditions séculaires. En la matière, il y a bien un interdit social, historique, moral, culturel, civilisationnel très puissant. On sait tellement que « c’est mal » qu’on n’est plus totalement capable de dire pourquoi. On parle de lutte contre la consanguinité, mais ça n’explique pas tout : l’inceste n’est pas plus acceptable quand il concerne des personnes stériles.
On parlerait, à mon avis, plus justement d’une protection de l’enfant contre les éventuelles tentations incestueuses de ses ascendants. Il y a effectivement là non seulement un abus manifeste d’autorité, un détournement du pouvoir que donne l’exercice de l’autorité parentale, une suspicion d’influence malsaine... Mais là encore, l’argument ne suffit pas pour expliquer qu’on n’admet pas plus l’inceste quand l’enfant est majeur, autonome dans son jugement et, en principe, capable de résister aux influences.
On peut peut-être rétablir une logique argumentaire dans ce qui précède, en disant que rien que la différence d’âge suffit à faire présumer une influence et un abus d’autorité, oui, mais l’inceste reste prohibés entre frères et soeurs, même jumeaux, comme vous l’avez aussi noté.
Se contenter de dire que « c’est la tradition », et que « ça s’est toujours fait », voire de prétendre - à tort, comme toujours - que c’est une règle qui existerait « de tous temps et en tous lieu » est également insuffisant : d’abord parce qu’on n’en a pas la preuve, et ensuite parce que reconnaître un caractère normatif aux traditions reviendrait à priver les élus démocratiquement élus par le peuple, de légiférer en toute liberté dans des domaines qui dérangent une minorité néophobe.
Entre parenthèses, je dois vous remercier pour ça : « En réalité je vais vous dire : il n’y a logiquement pas de limite aux revendications des uns ou des autres, puisque dès lors le produit non pas de principes moraux ou naturels prédéfinis, mais de rapport de force idéologique fonction d’un contexte particulier, dans le temps et dans l’espace. ». Alors là, bravo, je n’aurais pas mieux défini le principe de la souverainté démocratique, les seules vrais limites du pouvoir légale ne devant se trouver que dans la constitution et dans l’obligation de réunir une majorité parlementaire (deux majorités, si l’on veut être plus précis, et avec le référendum pour alternative et seulement pour alternative).
Pour en revenir à l’inceste, une attitude rationelle serait alors de se demander : pourquoi la tradition est-elle née ? quel problème entendait-elle résoudre ? est-ce que ce problème existe toujours ? se pose-il toujours dans les mêmes termes ? et nécessite-il toujours d’être résolu de cette manière ?
Dans cette démarche, mon imagination suppléera mes carences paléoantrhopologiques : je peux croire (mais difficilement prouver) que la prohibition de l’inceste découle probablement d’une coutume tribale immémoriale, en un temps où l’Homme aurait pris conscience que l’endogamie tribale privait le clan de nombreuses possibilités de partager l’expérience et le savoir des autres clans.
C’était probablement un temps où l’exogamie se résolvait potentiellement aussi par le rapt des épouses, et je crois pouvoir inscrire le mariage, dans cette histoire reconstituée, comme l’invention d’un traité de paix par lequel les deux clans acceptait de ne pas s’entretuer à cause de ce rapt. Si j’ai raison - et il y a des indices dans les rites et traditions maritales qui peuvent le laisser penser - alors le mariage était, à l’origine, bien un accord collectif bien avant une histoire de couple, et l’assentiment familial devait largement prévaloir sur ceux des futurs conjoints.
Ne hurlez pas, mais c’était ainsi, il y a peu encore, en France et en Europe, particulièrement quand l’ordre de succession impliquait des terres et des titres voire des pays, et ensuite également, quand il s’est mis à ne plus concerner que des fortunes et des usines. Si l’argument du progrès pourrait, quelle horreur, profiter aux polygames, prenez garde que celui du retour à la tradition ne restaure le mariage arrangé par les familles... (pour ne rien dire du droit de cuissage).
Une autre piste de ma paléoanthropologie fantasmatique serait peut-être de dire qu’il fut un temps où, dans les négociations entre tribus exogames, la virginité des filles nubiles fut considérée comme précieuse, et que des dispositions impératives furent prises au sein de chaque famille pour que ni les ascendants ni les frères et soeurs n’y portassent atteinte.
C’est peut-être, finalement, cet argument qui l’emporte et, mutatis mutandis, qui conserve encore son actualité. Non pas parce que la virginité et la pureté reviendraient à la mode (ce ne serait pas un très bon signe vu les tyranies domestiques que cela justifie dans certaines communautés), mais bien plus sûrement parce que l’acceptation de l’inceste ou sa dépénalisation aboutiraient à décomplexer toutes les personnes qui cohabitent avec une jeune fille dans leurs élans... initiatiques. Il se trouve que la famille est un espace sanctuarisé où la force publique elle-même s’interdit en principe d’intervenir (c’est une garantie de démocratie !), et que c’est par conséquent, un lieu qui pourrait s’avérer rapidement « à risque » si la loi ne se joignait pas aux traditions pour souligner l’interdit, et préserver les enfants d’une découverte trop précoce de la sexualité. On interdirait donc toute forme d’inceste, sans considération d’âge, de sexe, de consentement, juste parce qu’en autoriser un seul laisserait tous les autres se dérouler, dans un milieu préservé de tout contrôle extérieur.
Oh, je vois bien que j’emploie ici l’argument « de l’ouverture de la porte des enfers », que je sais si bien dénoncer chez les autres... mais notez que je ne présente pas ici mes propres arguments mais ceux par lesquels je tente de justifier une tradition. Ca ne présage qu’imparfaitement de la validité que je leur reconnais.
Est-ce encore d’actualité ? Il me semble. Est-ce adapté ? N’est-ce pas excessif ? Peut-être que si. Je n’en sais rien. Peut-être effectivement que deux personnes majeurs, libres, conscientes, amoureuses l’une de l’autre, et dont l’enfance peut parfaitement avoir été préservée , devraient avoir le droit d’officilaliser leur relation...
D’un autre côté, puisque le mariage n’est qu’une officialisation qui permet notamment la transmission du nom, la solidarité patrimoniale et le règlement de l’ordre successoral, on peut remarquer sans cynisme que dans le cas de l’inceste, la plupart de ces questions sont déjà réglées puisque les membres du couple sont déjà de la même famille... Si ce n’est pas une raison pour excuser l’inceste, c’en est une pour trouver idiote la revendication d’un mariage incestueux (en plus d’être très vilain !).
En tout état de cause, l’inceste conserve bein des spécificités qui justifient qu’un mariage puisse s’appeler « pour tous » sans être aussi « pour eux ». La règle peut changer, mais il en resteront l’exception pour encore un bon bout de temps.
Le cas de la bigamie me paraît particulièrement simple, en comparaison. Le mariage emporte des conséquences patrimoniales et successorales importantes. Pour preuve : la publication des bancs ne comporte pas obligatoirement des jolis petits coeurs de partout, mais il doit comporter une mention du régime matrimonial et mentionner, le cas échéant, le contrat de mariage et, il me semble, le lieu où les intéressés peuvent le consulter. Ce n’est pas rien !
Or, d’une part, la solidarité des époux vaut pour les avoirs, mais aussi pour les dettes. D’autre part, le mariage reste l’union de deux personnes qui échangent leurs consentements, lequel s’impose aux tiers. Il est évident que le second mariage avec une personne endettée lèserait très anormalement le conjoint du premier mariage si celui-ci était encore valide, rendant le premier compagnon, au surplus assez dépourvu de recours si son consentement au second mariage n’est pas requis. Et il ne suffit pas de le requérir pour résoudre la question : les risques patrimoniaux sont tels que les créanciers garantis par le patrimoine du premier mariage devraient pouvoir s’opposer au second, où du moins prendre des garanties... Rassurez-vous : même si le peuple y était un jour favorable, ce sont les banques et les société de crédit à la consommation qui s’y opposeront.
Il me semble que cet argument seul justifia pleinement la lutte contre la bigamie, particulièrement dans le contexte bourgeois de l’époque où les textes ont été conçus, alors que les fortunes se faisait par l’accumulation du capital et se défaisait par l’entretien de quelque coûteuse maîtresse.
A examiner cela de plus près, l’argument n’a pas tout perdu de sa pertinence, quoi qu’en puissent penser les naïfs - nous somme d’accord sur ce point - qui ne voient du mariage qu’une promesse romantique d’amour éternel et prétendent que ça ne concerne pas la société.
Parallèlement, l’admission du divorce pour faute, puis par consentement mutuel aura fourrni aux adeptes des relations multiples, la possibilité de les officialiser assez librement, sous réserve qu’elles soient successives et non plus simultanées. Ainsi, les éventuelles pressions culturelles pour une évolution du mariage dans le sens de la bigamie auront connu une importante soupape de sécurité.
En tout état de cause, le mariage de deux personnes « qui s’aiment » (à le supposer) et qui remplissent par ailleurs toutes les conditions du mariage, à l’exception du fait que l’un soit déjà engagé dans un précédent mariage, suffit à faire de ce nouveau mariage, non plus une affaire d’échange de consentement entre deux personnes, mais entre trois. Et à quatre, pour que tous s’agréent mutuellement, c’est six échanges de consentement qu’il faut considérer. A cinq, il faut (sauf erreur) dix consentements bilatéraux qui sont aussi dix probabilités de divorces. Sachant qu’un maraige sur deux finit par un divorce, vous allez devoir gérer au moins cinq ruptures, sachant qu’elles ne sont pas nécessairement simultanées... Je vous laisse rédiger les contrats de mariage et régler le partage des biens en cas de divorce, sans compter la garde alternée du canari... bon courage et amusez-vous bien !
Là aussi, donc, il y a des raisons absolument objectives de considérer que si le triolisme et l’échangisme sont des activités parfaitement libres, leur officialisation par un mariage bigame, polygame, polyandre, ou libertino-communautaire ne correspondent en rien à un intérêt général, et pour des raisons qui sont objectivement distinctes de celles invoquées à propos du mariage « pour tous ».
Je rappelle que la notion d’égalité, au moins en droit français, consiste juste à traiter de façon identique des personnes qui sont dans des situations identiques. A partir du moment qu’on ne veut plus de discrimination fondée sur le sexe et que la puissance publique renonce à farfouiller dans les culottes de ses ressortissants, tout comme elle a admis en son temps qu’il ne lui appartenait pas de leur donner la mort, alors deux personnes, fussent-elle de même sexe, sont, devant le mariage, dans la même sittuation que deux personnes de sexe opposés. Il en va objectivementt autrement de personnes qui s’y présentent à trois, entre proches parents ou en compagnie d’un ours polaire : étant dans une situation objectivement différente cela justifie un traitement différent.
S’il y a « un fait incontournable et une réalité irréductible », ils sont dans cette juste compréhension des principes républicains de liberté et d’égalité (réserve faite de la fraternité, plutôt déplacée en matière d’inceste...).
Je ne vois donc absolument aucune contradiction insoluble, et pour reprendre exactement vos termes, on peut bien dire « c’est une question d’égalité de droits », de « non-discrimination ».
Par ailleurs s’il n’est - je le maintiens - pas d’actualité, le débat sur la polygamie et l’inceste pourrait, je l’admets, se poser. Je pense que nous nous retrouverions alors dans le même camp, ce qui ne m’offusque pas. a toutes fins utiles, je vous suggère de préférer ma démarche fondée sur la pertinence du changement dans une optique future, plutôt que l’argument d’un retour au passé ou de traditions multiséculaires, qu’on prétend valables « en tous temps et en tous lieux » (en se contredisant soi-même quelques lignes plus bas, par les contre-exemples qu’on examine).
Vous remarquerez, à cet égard que je n’ai pas eu besoin d’invoquer une quelconque morale, ce qui serait, selon vous, « un comble argumentatif des partisans du « mariage pour tous » ! »
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