"A force de marcher dans les bouses laissées nonchalamment par la droite dans le débat public comme « les frontières », « l’identité nationale », la « souveraineté », la gauche a oublié qu’il fut un temps où elle était internationaliste.
Comme Ségolène Royal en 2007, elle préfère désormais la Marseillaise à l’Internationale : c’est le socialisme national, une ficelle aussi puissante intellectuellement que l’horoscope du Républicain Lorrain. On sent bien que les gars sont quand même au bout du rouleau pour sortir des âneries pareilles. Sérieusement, qui en a quoi que ce soit à talquer d’être français, belge, fidjien du moment que la tirelire est au chaud ? Pensent-ils vraiment que Depardieu va revenir, la queue entre les jambes cachée sous son gros ventre et plein de contrition parce qu’il a peur que Marianne refuse de le reconnaître comme un de ses enfants ? Les bourgeois ont inventé la nationalité pour que les péquenots fassent un rempart de leurs corps autour de leur propriété, ils y renonceront aussi facilement si les péquenots veulent une part du gâteau.
Et puis quand on y pense bien, puisqu’on parle de déchoir de la nationalité les richards qui se font la belle, pourquoi ne pas accorder automatiquement la citoyenneté française aux immigrés qui payent leurs impôts chez nous ? Certes, Manuel Valls pourrait en faire une crise d’urticaire, mais puisque les socialistes ont décidé subitement de remettre les questions de patriotisme au goût du jour, c’est au moins une idée que Marine Le Pen ne leur piquera pas. D’ailleurs, je suis à peu près certain que si la Palestine se dotait d’un régime fiscal aussi avantageux que celui du Liechtenstein, l’ONU serait moins radine sur les modalités d’adhésion au club. Si vraiment on veut finasser, on peut aussi rappeler à nos éminents patriotes gouvernementaux qu’on attend toujours la grande réforme fiscale marquée du sceau de la justice que le candidat Hollande a promise pendant la campagne électorale. Une bande de pigeons mesquins et apatrides prêts à crever pour leur plus-values peut-elle légitimement se mettre en travers du chemin de la prestigieuse patrie-des-droits-de-l’Homme- que-si-elle-existait-pas-le-monde-serait-moins-beau ? Et Madame Parisot, qui soutient Mittal contre l’État, ne devrait-elle pas être déchue de la nationalité et renvoyée manu militari au Luxembourg ou aux îles Caïman ? Le comique Maurice Lévy, qui cumule les jetons de présence pour des activités qui ne produisent que dalle, est-ce vraiment un patriote ? Non, mais Depardieu est plus gros et plus visible, tant il est vrai qu’un sanglier est plus facile à viser qu’un pigeon.
(Jonathan Hoesch - Le Graoully Déchaîné)