Cher Gérard,
un usurpateur ayant cru intelligent
de t’adresser une lettre publique en mon nom je voulais au contraire te
remercier d’avoir, en quarante années de carrière, consenti à financer
par tes impôts les myriades de comédiens qui se produisent trois mois
par an dans des collèges de banlieue, dans des spectacles de rue, des
productions à la noix soutenues par le Conseil général du Puy de Dôme,
des travaux en tout genre, sur le Corps, sur l’Autre, sur la notion de
vivre ensemble, sur la Ville, l’acteur et son double, le rapport au
Lieu, le rapport au Temps, le rapport au Rapport, enfin toutes ces
sottises que débitent les comédiens quand ils parlent de ce qu’ils
voudraient faire, alors que toi, tu n’as jamais ennuyé personne en
expliquant ce que tu faisais. Tu as contribué à nous permettre de gagner
un salaire toute l’année sur moins de six mois d’activité réelle, tu
nous as diverti par des frasques somme toute moins sinistres que celles
de Gainsbourg, tu es devenu l’emblème du pays partout dans le monde et
tu m’as permis de passer pour un intellectuel en endossant, avec
obligeance, à la place de mes amis du théâtre Français, et de tous les
comédiens en général qui se prennent le chou, façon Arditi ou Giraudeau,
la défroque de l’acteur à la Michel Simon, à la Galabru, qui tourne
n’importe quoi pour payer ses impôts, tandis que nous , quand nous
tournons, c’est pour dépenser ce que tu verses à l’état, en participant à
des productions vouées à la trappe dès le mercredi midi . Alors, sois
gentil , continue de verser tout cet argent, où le gouvernement, le
ministre de la culture et le théâtre subventionné puisent de quoi rendre
hommage à Peter Brooks, en te tournant le dos avec dégoût le soir des
Molières. Je connais quelqu’un au gouvernement qui t’aurait trouvé
quelque chose pour payer un peu moins, mais essaie de payer quand même,
pour le principe, comme ça, par solidarité avec les vrais acteurs qui te
méprisent parce qu’ils ne peuvent pas s’en empêcher, allez montre-leur
que tu es plus intelligent et reviens, avec le sourire, sans rancune,
te faire insulter par ta vraie famille, celle du cinéma et du théâtre
français.
Je reste, cher Gérard, ton obligé
Philippe