@ emmanuel muller,
Je réponds d’abord à la conclusion que vous exprimez. RACAMIER n’était pas qu’un psychanalyste, il avait aussi une formation de psychiatre et le principal souci qu’il exprima toute sa vie fut de transposer la théorie à la pratique dans un seul et unique but thérapeutique. Et il faut dire que le traitement qu’il « opérationnalisa » est encore en vigueur aujourd’hui. Il fut à l’origine du « dépoussiérage » de la psychanalyse de papa Freud et c’est un peu la raison pour laquelle il reste encore méconnu et ignoré dans son propre milieu. Je ne peux faire ici sa biographie complète, mais il fut aussi à l’origine de la création d’une psychanalyse groupale et familiale. Il fonda avec ses propres moyens et ceux des familles des malades un hôpital de jour dans lequel il accueillit, avec une équipe de soignants, des patients comme « à la maison ». Cet hôpital existe encore de nos jours près de vingt ans après sa mort et a inspiré de nombreux autres où tous les « malades » sont traités comme des sujets à part entière et participe à la vie de la communauté. Ceci juste pour rappeler le contexte dans lequel il effectua ses recherches et les moyens qu’il s’est donnés pour les développer. Il faut admettre que nous sommes là très loin des idées reçues du simple « psychanalyste de papa ». Par ailleurs, s’il n’y avait qu’un seul critère à retenir, ce serait celui des succès thérapeutiques qu’il a obtenus avec ses méthodes. À lire les remerciements que certaines familles de « malades » adressent à ce type d’hôpital de jour, il faut croire que le type de traitement qu’il a développé à rendu service à beaucoup de monde.
Vous dîtes : « J’ai répondu persuadé que Racamier était un thérapeute familial (issue de l’école Palo Alto et de Watzlawick) et il est question de psychanalyse façon papa Freud. »
J’espère avoir répondu ci-dessus à votre vision de « psychanalyse façon papa Freud ». Il me manque à développer le côté « issu de l’école Palo Alto et de Watzalawick » (que je connais aussi). Paul-Claude RACAMIER (et son groupe de recherche) est allé beaucoup plus loin et de façon bien plus précise que les chercheurs de l’école de Palo Alto et leur théorie de la schizophrénie rattachée au langage et au « double-bind ». C’est-à-dire que, justement, « les difficultés et les contradictions » sont à la base de l’ensemble de sa théorie qui porte sur les conflits et les paradoxes. Je n’ai parlé dans ce dernier article que des conflits, mais concernant les paradoxes, il a érigé un ensemble de concepts qui tourne autour des paradoxes et que je n’ai pas encore mentionné. Il en a écrit un livre en 1980, « les schizophrènes », à la suite d’un long travail qu’il a résumé dans un article intitulé : « Les paradoxes des schizophrènes ».
Si vous êtes un peu informé de la théorie de la double contrainte et de l’importance que lui accordé l’école de Palo Alto dans la genèse de la schizophrénie, vous n’êtes pas sans savoir que cette hypothèse (que je tiens pour plus que hautement recevable) a été plus ou moins abandonné de nos jours. Pourtant, si vous lisez le livre, « La double contrainte », paru en 2008, à l’occasion du « cinquantenaire » de l’article de Grégory BATESON : « Vers une théorie de la schizophrénie » qui fonda les recherches de l’école de Palo Alto, il est dit quelque part (de mémoire) quelque chose comme : « si la théorie de la double contrainte n’avait pas reçu l’accueil qu’elle aurait mérité dans le milieu des sciences humaines, c’est qu’elle n’avait tout simplement pas été suffisamment développée ». Or, c’est la position que P.-C. RACAMIER défendait déjà… dès 1973 (donc avec près de 35 ans d’avances) , puis dans son livre paru en 1980 cité ci-dessus.
La théorie de la double contrainte situe la « communication » au centre de l’explication des phénomènes bio-psycho-sociaux : c’est bien à ce niveau-là que se situent les travaux de Paul-Claude RACAMIER sur la perversion narcissique. Et pour répondre à votre dernier message : « la perversion narcissique traitée comme une théorie sur le groupe => No Problémo. La perversion narcissique traitée comme une théorie sur l’individu => Aie Aie aie ! » permettez-moi d’y apporter une nuance de taille : la perversion narcissique comme une théorie sur le groupe ET sur l’individu dans le sens de la pensée complexe telle que préciser dans la citation suivante : « Donc toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties » [Pascal].
Ainsi, lorsque vous dîtes : « la perversion narcissique traitée comme une théorie sur le groupe => No Problémo » selon moi, vous percevez le tout. Mais lorsque vous dîtes : « la perversion narcissique traitée comme une théorie sur l’individu => Aie Aie aie ! » et toujours d’après ma vision des choses telles que résumées par la citation de Pascal, vous ignorez les parties.
En conclusion, et même si je n’ai pas répondu à tous les points que vous soulevez, lorsque vous dîtes : « je croyais la difficulté a laquelle vous êtes exposée artificielle, née de l’incompréhension des lecteurs » et à la vue des quelques précisions que j’ai pu apporté, vous ne me semblez pas si loin que ça de la vérité. Certains expliquent cette problématique par le tout (« le mouvement perversif ») et déni donc les parties (le pervers et ses victimes) et d’autres expliquent cela par les parties (ou une seule) et déni donc le tout. Dans mes articles, j’aborde bien cette difficulté en présentant le tout (c’est par là que j’ai d’ailleurs commencé) et les parties (même si je n’ai pas encore parlé des victimes), donc du point de vue de la pensée complexe ou de prémisses non-aristotéliciennes (non-A).
Bref, personne n’a fondamentalement tort, sauf que tout le monde ne voit qu’un seul côté de la médaille d’où ma « double contrainte » personnelle : abordant ce fléau « génocidaire » (si vous avez lu l’ensemble de mes échanges avec Christian LABRUNE, j’explique aussi cela assez longuement) du point de vue du tout et des parties, c’est-à-dire en créant des reliances entre ces différents ensembles, je ne peux évoquer le tout qu’avec « parcimonie » au risque de heurter la sensibilité des victimes exacerbée par la relation d’emprise, le « décervelage » et l’état de stress post-traumatique qu’elles vivent ou ont vécue (j’y reviendrais dans d’autres articles) et je ne peux parler des parties sans « provoquer » ceux qui ne voient que le tout. Je caricature, mais grosso modo nous en sommes là.
Donc la question : comment résoudre ce dilemme et existe-t-il une forme de « communication » qui puisse permettre de relier ces deux positions, apparemment antagonistes, mais dans le fond indissociables et complémentaires comme le souligne très bien la référence à Pascal. Je précise au passage pour les grincheux que ce n’est pas se masturber l’esprit que de rechercher la vérité (qui ne peut apparaître que lorsque l’on comprend la pensée de Pascal), car comme le disait déjà George ORWELL : « En ces jours de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire ».
Cordialement,
P.S. :
Est-il utile de préciser ici que la topique
interactive de RACAMIER est un parfait exemple de pensée complexe ???
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13/01 10:12 - emmanuel muller
Je vous comprends _ et je partage le plaisir _ mais je connaissait bien mal ce sujet vous (...)
12/01 21:53 - Philippe VERGNES
@ Gaspard Delanuit, Remarque très intéressante qui traduit bien le fait que, comme nombreux (...)
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