@ emmanuel muller,
Ce que vous me demandez là est bel et bien une thèse au sens propre du terme et non pas un article de vulgarisation. Je comprends votre exigence, mais vous placez la barre bien haute et j’ai bien peur que quelques lignes ne puissent vous satisfaire pleinement. Je vais cependant essayer d’y répondre sans toutefois prendre le temps de recopier intégralement les sources sur lesquelles je fonde mon opinion, car considérant leur longueur, cela nécessiterait des extraits de textes plus longs encore que cet article.
Vous avez
toutefois un lien dans cet article vers le texte de Jean-Pierre
CHARETIER : « Psychopathe pervers, le faux débat ? » qui
est déjà très explicite (assez court, 4 pages seulement) et apporte un premier élément d’information.
Ensuite, pour établir les liens que font certains auteurs entre perversion narcissique et psychopathie, il faut d’une part avoir connaissance de l’intégralité de la théorie de Paul-Claude RACAMIER très bien résumé dans un seul ouvrage « Le génie des origines » ; et d’autre part, il faut aussi connaître les théories du courant psychodynamique concernant la psychopathie tel qu’illustré par J. Reid MELOY, l’un des plus grands spécialistes de cette approche, dans son ouvrage : « Les psychopathes – Essai de psychopathologie dynamique ».
Une fois « avalée » cette « curée » (au sens figuré ou métaphorique du terme) quelque peu indigeste il est très difficile de ne pas faire le rapprochement entre les descriptions de Paul-Claude RACAMIER et celle de J. Reid MELOY comme le précise pertinemment bien Daniel ZAGURY, l’auteur de la préface du livre de J. Reid MELOY, psychiatre des Hôpitaux et l’un des intervenants du rapport d’audition publique de la HAS sur la prise en charge de la psychopathie. Sous condition toutefois d’être parvenu à « pénétrer » le code lexical de ses auteurs ce qui soit dit en passant, n’est même pas du ressort de certains « spécialistes » se revendiquant « expert » en la matière et qui font profession du sujet.
Les comparaisons entre ces deux théories n’ayant jamais été faîtes par écrit (excepté à titre individuel comme pour Daniel ZAGURY), il va de soit qu’il serait effectivement très instructif d’effectuer ce travail-là. Quoi qu’il en soit, difficile de ne pas voir dans ces différentes approches que le sujet abordé ne présente pas que de simple similitude : « Nul doute que cet ouvrage particulièrement riche suscitera un débat dans les pays de langue française. Je pense en particulier à la confrontation des thèses de MELOY – dans la lignée de Mélanie KLEIN et Otto KERNBERG – avec les travaux de Paul-Claude RACAMIER sur la perversion narcissique et ceux de Claude BALIER sur la perversité sexuelle » (préface de Daniel ZAGURY au sujet du livre « Les psychopathes » de J. Reid MELOY).
Claude BALIER étant l’une des références françaises actuelles en matière de « Psychanalyse des comportements violents » cité par plusieurs auteurs du rapport de la HAS pour l’étude de la psychopathie. Il fut fortement influencé par S. LEBOVICI et R. DIATKINE avec qui Paul-Claude RACAMIER coécrivit son livre « Le psychanalyste sans divan ».
Par ailleurs, à partir du « signifiant » vampire, il existe un excellent ouvrage de Gérard LOPEZ, neuropsychiatre et victimologue appartenant au courant biologisant que je n’ai pas encore développé (si c’est le plus intéressant, c’est tout de même le plus complexe), qui traite remarquablement le sujet : « Le vampirisme au quotidien – réflexion sur Dracula et la psychologie des vampires ». À partir de l’ouvrage de Bram STOCKER, Gérard LOPEZ illustre la prédation à laquelle se livre les « vampires » tant sur le plan individuel, que familial ou social.
Extraits : « Tout un chacun peut utiliser à l’occasion une stratégie de vampire pour tenter d’embrouiller un proche ou un adversaire, mais les vampires ne sont pas si nombreux » (ce que je dis aussi différemment dans mon premier article). « Le vampirisme psychique est un processus, l’unique façon de fonctionner de certains malfaisants qui ne connaissent que ce mode de relation aux autres, appris le plus souvent dans l’enfance. Le roman de Bram STOCKER constitue à cet égard une admirable métaphore de la problématique perverse, familiale, politique et sociale. Au-delà de l’incertain combat entre le Bien et le Mal, STOCKER se livre à une analyse brillante de différents systèmes de dominations sacrificiels. Le comte est désireux de “créer un cercle nouveau, un cercle de plus en plus élargi de créatures à demi démoniaques qui se gorgeraient du sang des faibles". Il a des ambitions planétaires qui annoncent le sang versé par les monstrueux régimes totalitaires et du XXe siècle à venir » (page 7 et 8 de la nouvelle édition parue sous le titre « Comment ne plus être victime »)…
« Lorsque l’on est confronté à un vampire, archétype du pervers, la séduction ne constitue pas son mode habituel d’entrée en relation. Le Comte et ses comparses ne cherchent pas l’harmonie, mais la destruction. Ils utilisent, instrumentalisent l’autre. Certains parlent d’objet fétiche, au sens littéral d’homme ou de femme-objet, inanimé, par conséquent sans âme. L’incompréhension atteint des paroxysmes tragiques lorsqu’un(e) névrosé€ rencontre un pervers. Comment imaginer en effet que la haine et la destruction soient l’unique ressort relationnel de ces sortes de vampires que la psychiatrie appelle pervers narcissique. Le Comte en constitue un archétype remarquable » (page 16, ibidem)…
« Le vampire et condamné à une éternelle fuite en avant qui lui permet de lutter contre les graves troubles psychologiques qui le menacent en permanence. Ces troubles ne sont jamais très élaborés sur le plan psychique. Il n’est pas un névrosé ! La névrose est un trouble trop élaboré. Il présente des troubles plus archaïques, adaptés à ses faibles capacités de mentalisation. On le classe actuellement, dans la vaste catégorie des états limites, encore appelés borderline, termes synonymes pour moi. La psychiatrie classique française le classe dans la catégorie : psychopathie, qui, pour moi, est un diagnostic qui stigmatise celui sur qui il est posé, comme une étiquette qui lui reste collée à la peau. Le psychopathe est dit impulsif, immature, inamendable, irrécupérable… Pour ma part, le vampire est un borderline qui remet littéralement en acte les sévices subis dans l’enfance de la part de celui ou celle qui était censé représenté la Loi » (page 51, ibidem)… Etc., etc., etc.
Si elles sont plutôt rares, les références ne manquent cependant pas. Mais si « le gratouillage sur wikipédia » qui vous a appris à penser que « quant on n’a pas tord on trouve des échos dans d’autres pensées, sous différentes formes » trouver ce type de correspondance demande des recherches un peu plus complexes qu’un simple « gratouillage sur wikipédia » (j’aimerais pourtant bien que cela soit un peu plus simple).
Il existe encore d’autres références que j’ai par ailleurs déjà citées dans un commentaire tel que celle de Gérard BONNET et son essai sur « La perversion, se venger pour survivre » d’où j’ai pu préciser ma position par rapport à cette problématique telle que la résume cet auteur : « On ne progressera pas d’un pouce dans la prise en charge et le traitement des délinquants sexuels, tant qu’on les considérera comme des débiles, des idiots ou de simples fauteurs de troubles. L’acte pervers n’a rien à voir avec le comportement bestial, brutal ou instinctif auquel on le réduit souvent. C’est un acte humain d’une richesse et d’une complexité diabolique, et d’une logique à toute épreuve. […] On éviterait bien des erreurs, policières, judiciaires, politiques, thérapeutiques, si l’on écoutait ce message, en tenant compte des ses éclaircissements. Car la perversion se nourrit de vengeance, et plus l’on se méprend plus elle s’en prend à ceux qui ne l’ont pas compris. Pour le pervers, c’est une question de survie ». A la lecture de cet ouvrage et bien que ne se connaissant pas l’un l’autre, il est très difficile de ne pas faire le rapprochement entre la thèse développée par cet auteur et celle de Paul-Claude RACAMIER bien qu’elle touche deux domaines théoriques qui sont actuellement disjoints (celui de la perversion sexuelle et de la perversité).
Une remarque sur la temporalité avant de terminer ce long post qui ne peut toutefois pas répondre à tous les points que vous souhaitez que je développe. Dans la grille de lecture de mon précédent article, j’ai précisé le terme « présentisme » pressentant la confusion que pouvait entraîner l’expression « temporalité ». La définition simplifiée de la HAS qui ne correspond pas au sens que vous lui attribuez est celle-ci : « vouloir tout, tout de suite, et ne pas supporter la frustration » (page 19 du rapport d’audience publique sur la prise en charge de la psychopathie).
En conclusion, si l’on analyse ces deux approches en tenant compte de leur spécificité au regard de l’interdépendance de l’observateur et de la chose observée, on parvient facilement à la conclusion que le pervers narcissique et le psychopathe désignent un seul et même champ d’études. Les rares différences que l’on peut trouver dans l’une ou l’autre de ces deux théories dépendent du point d’observation de ce domaine d’investigation et du degré d’évolution de ce processus observé chez un individu. Au stade ultime de sa réalisation, qu’on le nomme pervers narcissique ou bien psychopathe, les deux définitions données dans cet article peuvent s’appliquer à l’un ou l’autre des sujets désignés sous les termes de pervers narcissique ou de psychopathe (ou vampire, il existe un nombre incroyable de désignations dans la littérature), mais le phénomène que ces diverses appellations recouvrent est bel et bien le même. N’oublions pas que pour tous ces auteurs cités, cette problématique est tout à la fois un processus ou mouvement ET un trouble de la personnalité. C’est indissociable, mais c’est bien ce qui paraît poser problème. Au petit jeu des différences, chacun voit midi à sa porte.
Il faudrait également développer, ce qui serait intéressant aussi, le sujet du mouvement perversif. Dans ma série d’articles, il n’y en a eu qu’un. Mon historique et vos demandes d’éclaircissements n’en sont pas tant qu’elles prennent l’aspect d’une confusion qui peut être facilement levée par le dialogue. D’où l’intérêt des échanges d’opinions et du questionnement. Ceci serait toutefois à développer au regard de l’agressivité telle qu’abordée dans cet article et de ce que vous évoquez en déclarant : « ça deviens pervers quant on bouscule les bornes des limites factuelles pour aller plus efficacement au but : convaincre ».
Comme quoi, le débat sur cette problématique est loin d’être clôt. D’autant plus, que même parmi les professionnels, la confusion règne en maître. J’en ai encore repéré une grâce à votre questionnement. Mais chut… On finit à force par faire leur boulot.
26/01 12:31 - JL
Moi ce qui me fascine, c’est qu’on puisse écrire dans le même post, je cite : (...)
26/01 12:01 - Philippe VERGNES
@ emmanuel muller, Je ne sais comment vous le dire afin que vous ne vous mépreniez pas sur (...)
22/01 15:45 - emmanuel muller
J’ai ma réponse, merci. En fait vous ne parlez pas, vous parlez de ce dont les autres (...)
20/01 17:54 - JL
Fergus, ce n’est pas à votre compétence sur le sujet que j’en appelais (*) mais à (...)
20/01 15:59 - Fergus
Bonjour, JL. Faute de réelles compétences dans le domaine, je me garderai bien d’entrer (...)
20/01 15:51 - Fergus
Bonjour, Philippe. Je crains que vous ne me prêtiez plus de talent que je n’en possède. (...)
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