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Commentaire de Courouve

sur Préservons notre liberté d'expression, soutenons Charlie Hebdo


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Senatus populusque (Courouve) Courouve 11 février 2007 19:57

La banalisation des procédures arbitraires

Extrait d’un texte d’Anne-Marie Le Pourhiet, ouvrage collectif à paraître

On doit admettre que ce sont tous les grands principes libéraux du droit répressif qui sont actuellement malmenés. De la présomption d’innocence, à la charge de la preuve, en passant par le secret de l’instruction, l’interprétation stricte de la loi pénale, l’immunité parlementaire, la proportionnalité des peines, ou la règle selon laquelle le doute bénéficie à l’accusé, tous les grands principes intangibles qui gouvernaient la protection de nos libertés sont altérés et méprisés au nom des nouveaux droits des groupes et de leur prétendue dignité.

La protection des libertés ne passe pas seulement par la limitation des incriminations pénales, elle repose aussi très largement sur les garanties de procédure du droit répressif. Or, il faut bien admettre que le législateur français, semble également, sous la pression des lobbies de toutes sortes qui ne trouvent jamais l’arsenal pénal suffisant et réclament toujours plus d’efficacité dans la répression, ne plus savoir trouver de limites. L’« envie du pénal » ne s’arrête pas à la multiplication des délits mais s’étend à leur sanction effective par les tribunaux de l’inquisition chargés de nous éduquer au « pas de loi » (1).

L’on rencontre déjà, dans des procédés extra-judiciaires, l’intimidation, la menace et l’injure qui révèlent la violence psychique des militants et l’intolérance de ceux-là mêmes qui, sous prétexte de prêcher la tolérance, utilisent des méthodes dignes du maccarthysme. L’outing pratiqué par les associations homosexuelles qui ne supportent plus qu’un seul membre du groupe se permette encore de distinguer la sphère privée de la sphère publique, ou le procédé sournois et délateur du testing, tristement validé par la Cour de cassation, révèlent une évidente perte de morale et de repères dans les mœurs collectives.

L’utilisation systématique du suffixe « phobie » pour désigner l’opinion coupable suffit à illustrer la « tentation totalitaire » de traiter le dissident en malade mental, auquel une rééducation psychiatrique devrait sans doute être prescrite en sus de la sanction pénale (2).

Mais on doit admettre que ce sont tous les grands principes libéraux du droit répressif qui sont actuellement malmenés. De la présomption d’innocence, à la charge de la preuve, en passant par le secret de l’instruction, l’interprétation stricte de la loi pénale, l’immunité parlementaire, la proportionnalité des peines, ou la règle selon laquelle le doute bénéficie à l’accusé, tous les grands principes intangibles qui gouvernaient la protection de nos libertés sont altérés et méprisés au nom des nouveaux droits des groupes et de leur prétendue dignité.

La manie du législateur français d’assortir toutes ses nouvelles incriminations pénales de la possibilité pour les associations qui se proposent par leur statuts de « combattre » ou de « lutter contre » une phobie quelconque, d’exercer les droits reconnus à la partie civile, c’est-à-dire de déclencher les poursuites pénales, est la principale cause du terrorisme judiciaire qui se répand en France. A l’auto-censure que provoque la menace militante permanente, il faut ajouter la multiplication des actions manifestement mal fondées (contre Max Gallo ou Olivier Pétré-Grenouilleau, par exemple) que les associations ont sans doute les moyens de s’offrir, en partie grâce aux subventions publiques dont elles bénéficient, mais qui causent à la personne poursuivie puis relaxée un tracas judiciaire et financier très grave mal indemnisé par la justice qui hésite toujours à sanctionner les procédures abusives. N’importe quelle association composée de militants parfois incultes et souvent hystériques, simplement déclarée depuis cinq ans, détient ainsi le pouvoir exorbitant de menacer de procès pénal aussi bien les citoyens ordinaires que les intellectuels, journalistes, universitaires ou même les élus de la Nation. Le danger est d’autant plus réel que la formation juridique et la rigueur intellectuelle de certains magistrats siégeant en correctionnelle laissent à désirer, de telle sorte qu’il faut souvent envisager de faire appel pour tenter de se libérer des « groupes d’oppression ». A la violation de la liberté s’ajoute aussi celle du principe d’égalité puisque des catégories d’individus sont ainsi munies de véritables privilèges, au sens étymologique de lois privées, tandis que la sélection qu’opèrent les associations entre les personnes qu’elles décident de poursuivre et celles qu’elles préfèrent ignorer crée une rupture manifeste de l’égalité des citoyens devant la loi.

Non content de privatiser ainsi le ministère public en livrant les citoyens à l’arbitraire et au sectarisme associatifs, le législateur assortit de surcroît ses multiples incriminations de sanctions manifestement disproportionnées. Un an de prison et 45 000 € d’amende (six mois et 22 500 € « seulement » pour l’injure) constituent ainsi le droit commun de la sanction de la mal-pensance ! La Commission nationale consultative des droits de l’homme a beau s’insurger régulièrement contre l’infliction de peines d’emprisonnement pour les délits de presse, le législateur ne veut pas entendre la voix de la raison et préfère réserver son oreille complaisante aux sirènes hurlantes des assoiffés de « fierté ».

La même commission peut aussi s’échiner à expliquer que le libre débat et la libre communication des idées et des opinions sont précisément les meilleurs garants de la tolérance, et qu’une presse libre, informative, contestataire et pluraliste est indispensable à la démocratie, rien n’y fait, la clientèle électorale et le protocole compassionnel comptent désormais davantage que les principes.

On a ainsi assisté récemment au cas extrêmement choquant de la condamnation pénale d’un député coupable de s’être opposé à l’une de ces « loi scélérates ». L’hostilité du député du Nord, M. Christian Vanneste au projet de loi réprimant les propos dits « homophobes » a, en effet, provoqué l’organisation à Tourcoing d’une manifestation d’homosexuels. Invité, pour cette circonstance, à s’expliquer dans la presse locale, le député a simplement répété les arguments qu’il avait développés à l’Assemblée nationale selon lesquels l’homosexualité serait inférieure à l’hétérosexualité et qu’il serait dangereux pour l’humanité de la pousser à l’universel. Le Tribunal correctionnel de Lille l’a condamné le 24 janvier 2006 à une amende de 3000 euros, aux termes d’un jugement médiocre et partial, dans lequel les magistrats ont délibérément tronqué aussi bien les termes de l’avis négatif de la Commission nationale consultative des droits de l’homme sur la loi en cause que ceux de l’arrêt Handyside rendu par la Cour européenne des droits de l’homme en 1976. Non seulement les juges n’ont pas, une fois de plus, respecté le principe d’interprétation libéral selon lequel la liberté est le principe et sa restriction l’exception, mais ils ont, bien au contraire, forcé sur l’interprétation contraire à partir d’arguments impressionnistes assez indigents. Pis encore, le tribunal a reproché au député d’avoir imputé aux organisateurs de la manifestation un « comportement sectaire » et de s’être ainsi rendu coupable d’une « expression désobligeante » ... sans doute désormais également interdite par la loi ! Il serait toutefois injuste de s’en prendre exclusivement à des magistrats maladroits et dépourvus de hauteur de vue, contraints d’appliquer ces lois iniques alors que la responsabilité exclusive en incombe à une classe politique tombée, dans sa quasi-totalité, dans la lâcheté, le clientélisme et la compassion à vocation électoraliste.

Il est déjà inacceptable qu’en démocratie une majorité politique puisse interdire à une minorité d’exprimer une opinion contraire puisque cela revient à anéantir l’opposition et donc la démocratie elle-même qui ne se conçoit pas sans pluralisme. Mais il est encore plus grave de constater que des élus en sont arrivés à réprimer l’expression de sentiments et convictions, voire de simples constats d’évidences, partagés, cette fois, par une majorité de citoyens !

http://www.communautarisme.net


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