Je trouve particulièrement frappant qu’un enseignant vienne parler du « devoir de mémoire ». Le rôle du professeur est de délivrer un savoir objectif, en l’occurrence l’Histoire. On me répondra que l’Histoire n’est jamais objective, mais cela n’empêche pas d’enseigner des faits, car c’est l’interprétation de ces faits et les liens de causalité qu’on établit entre eux qui sont subjectifs, pas les faits en eux-mêmes. Voilà ce qu’est l’Histoire et que devrait transmettre l’école. Mais qu’est-ce que la mémoire ? La mémoire n’est pas une catégorie du savoir, mais appartient au domaine de l’affectif, du ressenti, du vécu. La mémoire est toujours subjective, elle change en fonction des individus, mais également elle change chez un individu au cours de son existence. Il est par conséquent évident que la transmission d’une mémoire se rapproche soit de la propagande, soit d’une conception tribale de la transmission du savoir, où les anciens rapportent aux jeunes leur vision du passé. Dans tous les cas, on est loin de l’universalisme que l’école républicaine est censée représenter. Comment donc un enseignant peut-il prétendre que cela doive faire partie d’un programme ?
On me répondra que c’est afin que les évènements ne se reproduisent pas. C’est justement ainsi que les évènements se reproduisent. Ce qu’il s’agit de savoir pour éviter une répétition de l’Histoire, c’est l’enchaînement des évènements qui ont amené, politiquement, économiquement, socialement, idéologiquement, à un évènement donné. Comment expliquer la montée du nazisme sans parler des conséquences de la première guerre mondiale, du traité de Versailles, de la crise économique de 29 ? Sans cela, la seule explication possible est d’ordre psychologique : c’est la haine, rien que la haine. Une vision affective et irrationnelle de l’Histoire qui empêche de rien comprendre, qui justifie le recours à cette notion de « mémoire », et qui sous-entend qu’il faut formater les esprits et les coeurs de nos citoyens pour leur éviter de sombrer dans cette fameuse haine inexplicable. L’idéologie officielle considère qu’expliquer, c’est excuser, alors que quand on explique, on n’excuse rien : on dit simplement comment les choses se sont passées. Et l’idéologie officielle veut surtout ne jamais pardonner.
Cette remarque de pur bon sens, qui ne contient aucun antisémitisme, justifie les commentaires que vous brocardez dans votre article.
Honte à vous.
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