Au ‟Malistan” aussi, la raison du plus
fort est toujours la meilleure.
Ainsi
s’exprimait Jean de La Fontaine, fin connaisseur de l’âme humaine, déjà au 17ème
siècle. La validité de son enseignement, à travers cette fable, se vérifiant
aisément dans les rapports Nord-Sud, constitue une belle occasion pour lui
rendre hommage.
Le discours
officiel, quant aux événements du Mali, ne va pas sans jeter l’opprobre sur ses
thuriféraires, tant l’impudence du mensonge est insoutenable. Que révèle-t-il
en réalité lorsque l’on essaye de passer sous les fourches Caudines de l’examen
critique sa principale thèse, celle consistant à présenter l’intervention
au Mali comme une guerre contre le terrorisme et l’obscurantisme musulmans ?
D’abord, si l’action française au Mali était mue par une volonté de lutter
contre l’obscurantisme et le terrorisme musulmans, pourquoi la France
entretient-elle des relations plus que amicales avec son pourvoyeur de
fonds, l’Arabie Saoudite, cet État qui fait ouvertement du Wahhabisme, mouvance
on ne peut plus obscurantiste, son idéologie officielle ? Comment
s’explique cette attitude des pays occidentaux, dont la France bien entendu,
caractérisée par une promptitude pavlovienne à caresser l’obscurantisme dans le
sens du poil de la barbe wahhabo-fasciste, quand il s’agit de pays comme la
Libye, hier, et la Syrie aujourd’hui ?
Peut-on encore douter que la prédation entreprise sur l’Irak par l’administration Bush et ses alliés
occidentaux était fondée sur un tissu de mensonges fait d’un montage de fausses
“preuves” de l’existence d’armes de destruction massive –saluons, au
passage, la France d’un Chirac pour son refus de participer à la
pantalonnade- et dont le but non avoué consistait à s’emparer du pétrole
irakien ? N’est-il pas aujourd’hui permis, eu égard aux récentes déclarations
de Ziyad Takkeddine, cet autre poisson de l’ombre rompu à l’art des opérations
secrètes en matière de trafic d’armes entre autres, de douter des arguments
sarkoziens quant à sa campagne libyenne et ses intentions indicibles d’enterrer
ses histoires de financement de campagne électorale et, d’une pierre deux coup,
récupérer tout ce qui pourrait traîner dans le sous-sol Libyen ?
Justement, comment ne pas voir un lien entre les événements actuels du Mali et
cet épisode libyen, dont les effets secondaires étaient la transition de
tout un pan de l’arsenal militaire libyen vers des mains dont on ne pouvait
ignorer l’estampille barbue ?
Or, il est à noter que la compréhension de ces événements et de leurs
réelles motivations peut être aisée si l’on songe à ce qui suit : la
stratégie de la prédation est bien rôdée et les événements favorisant son
entrée en action agissent sempiternellement tel un éternel recommencement. On
commence par provoquer la déstabilisation et le chaos, on agite le spectre de
la Charia et, in fine, on favorise l’accaparement à bon compte des ressources
locales par les représentants des industries du pétrole et de l’armement,
pendant que les populations locales achèvent de crever. Et pour garantir
la pérennité de ce statuquo, rien de tel que l’installation d’un régime
complice et nécessairement faussement légitime. Il faut reconnaître au
néocolonialisme une certaine ingéniosité. Ce que les prédateurs obtenaient, à
savoir l’accaparement des richesses des populations sans défense, à des frais
non négligeables, à l’époque de l’ère coloniale (entretiens des forces armées
en place pour réprimer d’éventuels risques de soulèvement populaire ou
d’opposition armée, installations d’infrastructures en vue de l’exploitation
des richesses locales, etc.) peuvent l’obtenir aujourd’hui avec la stratégie du
néocolonialisme à moindres frais, puisque les basses manœuvres, d’étouffement
et d’oppression de toutes velléités d’aspiration à la démocratie et à la
justice, sont assurées par les régimes corrompus et complices.
Alors, si, comme on veut bien nous le faire croire, la guerre au Mali est
une guerre contre l’obscurantisme et le terrorisme musulmans, une simple
analyse rationnelle ne peut pas nous empêcher de constater ce qui suit :
de deux choses l’une, ou bien les chantres de ce genre d’intervention –et,
au-delà, de toutes les guerres menées par l’Occident au nom de ces principes-
sont dans une ignorance telle que la haine, l’intolérance et l’obscurantisme prônés
par une religion autre que l’Islam et dont le représentant officiel est passé
maître dans l’art de pratiquer le terrorisme d’État, leur échappent totalement
ou bien il s’agit d’une ignorance feinte et entretenue, où le « deux poids
deux mesures » n’en demeure pas moins leur pis-aller. Mais, les deux
positions sont malheureusement insoutenables.
Alors que
d’aucuns se laissent berner par la fable servie par les officiels que l’intervention
au Mali est une guerre contre l’obscurantisme et le terrorisme musulmans, y
croire c’est faire preuve d’une naïveté caricaturale, tant sont passées sous
silence les réelles motivations géostratégiques et économiques qui sous-tendent
le déploiement de cette armada française dans cette région du monde. Si servir ces
contes pour enfants sages vise à susciter l’adhésion des plèbes incultes, de
grâce, il est temps pour un citoyen éclairé de comprendre que le mensonge ne
peut plus s’ériger en dogme.