Curieux effet des immenses progrès prétendus de la diffusion de la culture dans le public tels que les décrivent Jack Lang et les autres avocats de l’égalitarisme, tout est décalé d’un écran ou plus vers le bas. De même qu’à l’université les professeurs et étudiants sont obligés d’essayer de rattraper le travail qui n’a pas été fait au lycée, qu’au lycée on s’efforce de compenser les négligences du collège, dans les collèges on calfeutre comme on peut les trous laissés par l’enseignement primaire.
L’insistance sur l’importance du jeu pour apprendre implique que les matières sont ennuyeuses. Devoir apprendre les maths, les sciences, la géo, l’histoire est supposé être une tâche désagréable et contraignante, qu’il faut rendre moins pénible en l’intégrant dans des jeux. Il faut sucrer la pilule. Dans le meilleur des cas l’enfant apprendra sans se rendre compte. L’école devient alors une récréation permanente. C’est un peu ce qu’il est arrivé. Ennuyer, voire blesser irrémédiablement l’enfant avec des dictées et des tables de multiplication à apprendre par cœur est tabou, et, en outre, inutile, puisque l’ordinateur s’occupe de l’orthographe et le calculateur du calcul. Dans cette école ludique l’autorité tyrannique du prof a été éradiquée et les élèves peuvent, enfin, s’épanouir. La discipline carcérale de l’école d’autrefois a disparu, et le prof est devenu copain qu’on tutoie, mais judicieusement surveillé par les parents et par les élèves eux-mêmes. C’est l école démocratique. Les horreurs de la compétition et de la sélection appartiennent au passé, et l’angoisse des épreuves du bac a été adouci par « le bac pour tous », en faisant abstraction du niveau. Le résultat est un abroutissement général dans un programme de ludification intensive et d’imbécilisation festive.