****La quête ultime — selon moi — en serait un désir archaïque de consensus****
Le moindre mot, même Ouille, est fruit de consensus
Parler est donc pétrir de la matière consensuelle
Mais chaque mot n’exprime que le point pertinent-saillant d’un sentiment ou d’une sensation qui est en réalité bien plus précise
Quand je touche mon pied, j’ai une sensation pensée très précise -je le reconnaîtrais entre mille- mais pour le dire, je vais utiliser des mots d’allure précise, d’acception précise, qui ne colleront pas et de loin, avec mes sensations
Comme le recours à des mots précis ne permet d’exprimer que des imprécisions, peut-être recherchons nous à dire nos sentiments et sensations précises en combinant les mots (ce que fait un oenologue)
Nous voilà donc à parler pour dire les non-mots avec les mots
Or, si les mots sont automatiquement consensuels, s’ils disent les points saillants et que ces pointes ont le droit d’être dites, tout ce que nous voulons dire d’autre, tout ce que nous ressentons vraiment et qui est donc hors-les mots, nous semble être hors-la-loi
La recherche du consensus serait la recherche d’un consensus non pas sur les pointes que représentent les mots existants mais uniquement sur les non-mots que nous essayons de cerner en jouant de combinaisons de mots
Pour dire le centre de gravité d’un triangle, que je sens ou pressens mais dont aucune convention n’a encore dit le mot, je vais en parler en parlant des côtés, des médianes. Je vais parvenir à dire un tabou en tournant autour
Et bien il me semble que s’il y a des raisons de croire que nous cherchons tous le consensus pour dire enfin des jusque là non nommés, je vois aussi de grandes angoisses à oser cette démarche.
Là intervient la construction psy de l’individu.
Sur le point de son autorité
J’ai le courage de dire un non-dit à condition de n’être suivi que par très peu de gens
(Sur le plan privé, il n’y a que la vie hors-les-mots qui m’excite)
J’aurais paniqué si, en disant ce que Hitler, Copernic, Lincoln, Darwin, ont osé dire, j’avais vu les gens y coaguler
Je suis très Viet sur ce plan.
Un Viet tremble à l’idée de nommer lui-même un animal jusque là inconnu.
Ici, un savant découvre quelque chose et ne voit aucun problème à lui coller un nom depuis son labo, sans consulter la masse. Ici, chacun se permet d’inventer des mots
"Tiens, ce matin je vais nommer universellement La Mer de la Tranquillitéé
Je veux bien que quelqu’un reprenne une minuscule idée de moi mais je panique quand trop de gens la reprennent car je vois le risque qu’elle se réalise et que par effet de dominos, la situation soit chambloulée.
Je veux bien avoir des amis d’accord avec moi mais surtout pas plus de monde
Je ne suis donc jamais monté sur une tribune et je ne veux pas parler à la télé
Les Viets sont de piètres orateurs, ils n’aiment pas être des locomotives ou des paratonnerres
Alors recherche de consensus oui mais de quelle envergure ?
Pour moi c’est petite, très petite