Il n’avait rien fait contre la corruption, qu’il n’aurait pu d’ailleurs éradiquer sans s’en prendre à ses propres parents, à ses amis, à ses compagnons.
Il n’avait rien fait contre l’insécurité, résigné comme à une maladie endémique à la guerre permanente des favelas contre les beaux quartiers et à la redistribution anarchique des richesses qui en résulte.
Il avait fait modifier la Constitution de façon à pouvoir se représenter indéfiniment à la présidence et l’on ne saura jamais ce qu’il aurait fait en cas de désaveu des électeurs.
Il imposait aux chaînes de télévision la retransmission de ses interminables interventions mais il tolérait le pluralisme des médias et des partis.
Il laisse les esprits, les finances et la société vénézuéliens dans le désordre, mais il est vrai qu’il avait déversé sans compter la manne pétrolière sur les plus pauvres et que s’il avait en quelque sorte acheté leur vote, ce n’était pas pour une bouchée de pain. Une sorte de bouillie anti-américaine des plus primaires lui tenait lieu de politique, d’alibi et de pensée, mais les masses adoraient en lui le héros qui, depuis l’effacement obligé de Fidel Castro, incarnait la fierté et l’indépendance latino-américains face à l’arrogance et aux ingérences des États-Unis.
Rien d’étonnant, donc, si la foule sentimentale, les yeux aussi rouges que la chemise, est descendue dans les rues de Caracas pour pleurer le Comandante, le père du petit peuple, l’Orénoque de la pensée, comme en d’autres temps et en d’autres lieux elle avait pris le deuil de Marat, l’ami du peuple, de Staline, « géant de l’action et de la pensée », ou de Kim Jong-Il, « le cher dirigeant ». Pas un chef d’État sud-américain ne manquait à l’appel.
Quant aux vrais amis, ceux du moins qui se sentaient assez sûrs de leurs arrières pour retrouver leur pays dans l’état où ils l’ont laissé après vingt-quatre heures d’absence, l’autre Castro, Ahmadinedjad, Lukachenko, ils avaient bien entendu fait le déplacement. Comme les prolétaires et les socialistes, les dictateurs ont leur Internationale.
Nicolas Maduro, successeur désigné de Chavez — le régime néo-bolivarien n’est pas encore assez installé pour qu’on s’y transmette le pouvoir de père en fils comme à Pyong-Yang, de frère en frère comme à La Havane, ou par cooptation comme à Pékin ou Hanoï — a annoncé que le Caudillo mort serait embaumé, comme les anciens pharaons, et que son corps resterait exposé à la vénération de la foule, comme ceux de Lénine, Ho Chi Minh, et Mao, peut-être aux côtés du père de l’indépendance du sub-continent, Bolivar, dans un monument encore à construire, « pour l’éternité ».
Toute la question est de savoir combien de temps durera cette éternité. C’est une sage précaution que de laisser s’écouler un délai minimal entre la disparition d’un « grand homme » ou supposé tel, et l’hommage que doit lui rendre la postérité.
Le grand, l’immense Staline lui-même, après avoir eu droit à toutes les surenchères d’une adulation à la fois grotesque et scandaleuse, a été proprement expulsé, dès 1961, du mausolée où repose toujours son prédécesseur plus ou moins bien momifié. Chez nous, Mirabeau, puis Marat, après avoir eu droit aux honneurs hâtifs du Panthéon, ont été jetés à la voirie. Le culte de la personnalité conduit naturellement à des excès contraires. Que restera-t-il de Chavez, de sa pensée, de ses discours, de sa démagogie ? On en reparlera dans dix ans.
12/03 17:59 - jak2pad
@ sam ... : Arrêtez de vous moquer aussi méchamment de Victorin.Chaque fois qu’il ouvre (...)
12/03 17:55 - jak2pad
@ spartacus : Excellente analyse. Il est vrai qu’il existe chez les gens (...)
09/03 12:28 - sam turlupine
Victorin Lurel : « Le monde gagnerait à avoir beaucoup de dictateurs comme Chavez (...)
09/03 12:16 - sam turlupine
La gauche française, et européenne, il y a longtemps qu’elle a fait allégeance au (...)
09/03 12:08 - Ricquet
09/03 12:01 - Maha Drayo Mouyaya
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