Il n’y a pas que dans les dictatures exotiques que la vérité historique se plie à celle du régime.
La tentative française de réécrire au feutre rose l’histoire sanglante de la colonisation montre que jouer à cache-cache avec le passé national est une tentation très partagée.
Aux États-Unis, où l’histoire officielle chahute volontiers la réalité des faits (comme le démontre Howard Zinn dans Une histoire populaire des Etats-Unis), les Archives nationales viennent de reclassifier « top secret défense » 40 000 documents datant de la guerre de Corée et de la guerre froide. Parmi ces pièces verrouillées figure notamment une note de la CIA, datée du 12 octobre 1950, dans laquelle elle jugeait « non probable » une intervention de la Chine en Corée. Deux semaines plus tard, le 27 octobre 1950, 300 000 soldats chinois pénétraient en Corée...
À quoi bon laisser les historiens faire de la peine à la CIA, elle qui s’est laissée convaincre par George Bush qu’il y avait des armes de destruction massive en Irak ?
Au Japon, les cachotteries sont encore plus massives. En mars dernier, à l’occasion d’un réexamen annuel des textes scolaires, le ministère de l’Éducation ordonnait la révision des manuels à travers ses lunettes ultra-cocardières, que ce soit sur les querelles territoriales avec la Chine et la Corée-du-Sud, l’esclavage sexuel dans les zones occupées par le Japon durant la Deuxième guerre mondiale ou encore le nombre des victimes civiles et militaires du siège de Nankin en 1937.
L’histoire peut aussi passer à travers le filtre du « politiquement convenable ».
(Ainsi, en avril dernier, le gouvernement québécois épurait les programmes scolaires des collèges pour promouvoir l’enseignement d’une histoire « moins conflictuelle » et « moins politique ». Ce qui promet des conflits tout à fait politiques, surtout avec les historiens qui s’opposent à une vérité romancée.)
Pour les historiens, travailler n’est facile nulle part.