Et après le hors-d’oeuvre, un petit bout du plat de résistance :
"1983, 2012 : d’un basculement l’autre
(de la « politique de terrain » à la « politique de service »)
Sans vouloir empiler les
paradoxes, il se pourrait pourtant que cette continuité-là recouvre un
« changement qui est maintenant », bien réel celui-là, un changement non
pas d’orientation de la politique publique — puisque de ce point de
vue, c’est bien le même qui prolonge le même ! —, mais un changement
plus profond et plus lourd, qui précisément rend possible que la
« gauche » poursuive la politique de la droite à ce point
d’indistinction : un changement d’alliance de classes. Sans doute
l’issue d’une trajectoire historique de long terme qui l’aura vu se
déporter tendanciellement, et irréversiblement, vers la droite, le
socialisme de gouvernement, après avoir abandonné la classe ouvrière
pour se vouer aux dites « classes moyennes », puis
« moyennes-supérieures », mais, formellement, toujours « dans le
salariat », a maintenant fait, un cran plus loin, le choix de
l’alliance… avec le capital.
Peut-être faudra-t-il le recul du temps pour prendre la mesure du
basculement historique qui s’est opéré pendant l’automne 2012,
quatre mois décisifs inaugurés avec l’invraisemblable ambassade d’un
premier ministre « socialiste » à l’université d’été du MEDEF, et
clôturés (sans doute très provisoirement) avec l’accord national
interprofessionnel (ANI), en passant par la pathétique affaire des
pigeons et le rapport Gallois, tous éléments dont la séquence,
remarquablement cohérente, se compare aisément à ce que fut le tournant
de 1983, et même davantage. Car si 1983 ouvre une longue période où, par
simple reddition idéologique, les politiques socialistes se trouvent
dévaler la pente néolibérale, 2012 marque une rupture d’un tout autre
format : celle de l’entrée dans la collaboration délibérée avec le
capital..."