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Commentaire de Ariane Walter

sur Mélenchon, un peu de bruit pour rien


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Ariane Walter Ariane Walter 7 mai 2013 14:56

Un doc :



Pourquoi j’ai adhéré au parti de gauche le 5 mai 2013
07 mai 2013 Par on dit cap

Coincée à Lyon sur mon fauteuil électrique je n’ai pas pu me rendre le 5 mai 2013 à Paris pour marcher avec le front de gauche contre l’austérité et la finance et pour la 6° République. J’ai donc donné ce que j’avais pour soutenir cette marche. J’ai envoyé un bulletin d’adhésion au parti de gauche.

 

A un moment où la personne de Mélenchon est si contestée à cause de son parler « cru et dru » et de son penchant à la colère, je voudrais dire ce que je dois à cet homme politique, ce que tous lesdéçus de la gauche dont je faisais partie, et pas seulement eux, doivent à Jean-Luc Mélenchon.

 

Expliquons d’abord ce qu’est un déçu de la gauche et pour cela, je ferai appel à trois souvenirs que j’ai en commun avec des millions de français. 1) Le soir de l’élection de François Mitterrand en mai 1981, j’ai 16 ans et je suis chargée de descendre une bouteille de champagne à mes parents qui se trouvent chez ma tante qui habite au 1° étage de l’immeuble. Nous habitons au 7° étage du même immeuble. Tous les locataires sont sortis de leur appartement une bouteille de champagne à la main et il y a tant de monde dans les escaliers que je ne peux pas descendre. 2) En 1986 je vote pour la première fois, mais il n’y a plus de programme, pour lequel je pourrais voter, seulement un mot d’ordre qui ferme la possibilité d’un débat démocratique : au secours le grand méchant loup revient. 3) En 2002, c’est le double choc. D’abord l’arrivée de Le Pen au second tour. Atterrée j’attends l’intervention de Lionel Jospin. Nous poussons tous un hurlement de désespoir quand il annonce sa démission. Non seulement il nous a foutu dans la merde , mais en plus il nous y laisse ! C’est à ce moment là que le peuple de gauche a tout perdu. Nous n’avions plus de programme de gauche depuis 1983 et nous perdions notre dernier capitaine. Le peu d’identité qu’il nous restait a volé en éclat à cet instant et chacun de nous est parti à la dérive de son côté : « L’homme est un animal politique... et celui qui est sans cité... on peut le comparer à une pièce isolée au jeu de tric trac » écrit Aristote au livre 1 de la Politique.

 

Si Mélenchon est un stratège politique, il n’est ni un Prince comme le fut François Mitterrand, ni un sophiste ou un technocrate comme l’est François Hollande. Le Prince est un homme politique suffisamment rusé pour prendre le pouvoir et le conserver. Mitterrand a pris et conservé le pouvoir, mais il n’en a rien fait après 1983. Un sophiste ou aujourd’hui un communicant, parle pour séduire et endormir la méfiance et non pour dire quelque chose de vrai ou du moins de bon et pour éveiller les esprits. Quant au technocrate, il est aujourd’hui un gestionnaire de la réalité économique selon une logique rationnelle et capitaliste. Or Mélenchon n’est rien de tout cela, c’est un homme politique au sens fort du terme.

La politique est l’espace de ce que nous avons en commun. Or les hommes divisés ou accessoirement réunis par leurs intérêts, leur histoire et leurs classes sociales ne peuvent avoir en commun que des idées et des valeurs sous l’autorité desquelles ils peuvent vivre et agir ensemble quelle que soit leur particularité ( sexe, richesse, appartenance sociale, religieuse, ethnique ). Comme l’explique Aristote au Livre 1 de la politique, c’est parce qu’il parle que l’homme est un animal politique. En effet, la parole ne nous sert pas seulement à exprimer ce qui fait du bien ou du mal, le cri suffirait, elle nous permet de dire ce qui est bon ou mauvais, bien ou mal, juste et injuste. En ce sens, Mélenchon ne crie pas, il parle au peuple de gauche et aux citoyens pour leur dire qu’il y a une droite et une gauche, et pas seulement une gestion rationnelle et capitaliste de la réalité ainsi que pour leur expliquer en quoi consiste cette différence. Il parvient à faire ce que Jospin a échoué à réaliser face à Chirac en 1995, montrer que la droite et la gauche, ce n’est pas pareil.

Ce qui est premier dans la parole, ce ne pas ce qu’on dit mais le fait qu’on le dise à une autre personne ou conscience, ce qui est premier quand on prend la parole lorsqu’on n’est ni sophiste, ni machiavélique, ni technocrate, c’est la confiance que l’on a en soi – je suis capable d’être entendu- et en l’autre – celui à qui je m’adresse peut me comprendre et me répondre. Bref, l’humain d’abord. Mélenchon a permis la renaissance de l’espace politique parce qu’il est un homme de parole. Un homme politique est un homme qui pense que les conflits se règlent par la parole. Oui il a un sale caractère, oui il est parfois cassant, oui il est soupe au lait.... je vous accorde tous les défauts que vous voulez, mais l’essentiel reste : il n’est pas dans le déni des conflits – de classe ou d’idées - , il les déterre dans l’espoir de les régler par la parole au lieu de nous mettre devant le fait accompli de la réalité économique. Car là où la réalité économique est décisive, il n’y a plus d’espace politique, il n’y a plus que des manipulateurs de la communication qui doivent être suffisamment habiles (ils disent « pédagogue ») pour expliquer aux gens qu’on ne peut pas faire autrement. Tel est l’enseignement que nous devons tirer contre la théorie marxiste ou libérale quand elle réduit l’homme réel à un producteur et à un consommateur. Au passage nous tenons la différence essentielle entre l’extrême droite et le populisme de Mélenchon : tandis que l’un s’efforce d’exprimer les conflits réels pour les régler par la parole, l’autre utilise le phénomène du bouc émissaire pour faire une unité et c’est pourquoi il transforme le conflit en violence.

 

Ce que nous devons à Mélenchon est à la fois simple et immense : il a redonné à la gauche une unité ou une identité en lui redonnant confiance dans ses idées. La refondation, c’est déjà fait, la refondation, c’est ce que nous vivons en ce moment et depuis 2005. Pour vous en convaincre, je ferai encore appel à un souvenir que nous avons en commun, le référendum de 2005. Sans être militante, ni dans aucun parti, j’ai passé des soirées au téléphone, chez les uns et les autres pour discuter et savoir si je voterais non comme tout m’y portait. Cela a été ma première participation à la vie politique et mon premier bonheur en politique. Je ne savais pas que c’était un commencement. Maintenant j’en ai pleinement conscience. Merci Jean Luc Mélenchon d’avoir réveillé ma conscience, d’en être le porte parole et d’avoir proposé avec le front de gauche un programme politique avec de réelles perspectives, (6° République, éco-socialisme, union méditerranéenne ).

Le mérite de JL Mélenchon est de relever toutes les contradictions alors que depuis Jospin la gauche est dans le déni des contradictions et des conflits. C’est pour cette raison que le parti socialiste ne nous entend plus et ne nous parle plus ; c’est pour cette raison que Jean-Luc Mélenchon me parle et que je l’entends. Je l’entends, et je ne suis pas la seule et d’autres encore l’entendrons, parce qu’il redonne un sens aux mots . Il redonne aussi un sens au monde, parce qu’il nous sort de l’alternance pour proposer une alternative que les économistes atterrés soutiennent également. Son sale caractère n’est qu’une particularité qui parfois me heurte et souvent me fait marrer.

La comparaison entre les Daltons et la bande des quatre (Sarkozy, Bayrou, Hollande et Le Pen), c’était à hurler de rire non ?! En tout cas moi, ça m’a fait rire. Un rire joyeux et libérateur, quel soulagement ! Les images de Mélenchon ont un sens, elles ne sont pas gratuites et elles ont un pouvoir, celui qu’ont les mots et les idées. Merleau-Ponty dans le langage indirect et la voie du silence fait la différence entre un langage parlant et un langage parlé. Le langage parlé reprend les idées et les expressions reçues et c’est pourquoi c’est un discours d’opinion qui a besoin de tout l’artifice de la communication pour endormir les esprits en politique. Il lui faut des slogans : « yes we cant », « le changement, c’est maintenant »... Avec les mêmes mots que le langage parlé, le langage parlant crée de nouvelles idées et de nouvelles expressions : la planification, on sait ce que c’est depuis la rationalisation du temps de travail et l’union soviétique, mais la planification écologique, c’est nouveau. La république, nous en avons eu 5, plus toutes celles qui appartiennent à l’histoire de l’occident depuis les grecs, mais la 6° République, ça c’est nouveau, c’est surtout une perspective. L’Europe et la société des nations, on sait ce que c’est depuis l’Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique de Kant, mais une union méditerranéenne qui obligerait l’Europe actuelle à se transformer en Europe politique, c’est une utopie au sens d’une Idée régulatrice et dynamique.

 

Tandis que la droite et le gouvernement actuels dissolvent le politique dans la gestion, tandis que Marine Le Pen avance en politique la tentation du repli identitaire, comme le font tous les intégristes, JL Mélenchon et le front de gauche ouvrent un espace de dialogue et nous donnent la possibilité de faire renaître le politique au sens où les grecs et H. Arendt l’entendent. On reconnaît la justesse et la puissance du verbe a son pouvoir effectif : en 1983 nous étions déçus, en mai 2013, un an après l’élection de François le second, un homme se lève pour prendre la parole et dire : « la période d’essai est terminée et le compte n’y est pas ! ». Nous sommes nombreux à l’entendre et nous serons au rendez-vous les 1° et 16 juin.

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