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Commentaire de Laurent

sur EDF ou l'infantilisme de la politique française


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Laurent (---.---.93.242) 27 octobre 2005 16:35

Etant un auditeur régulier de France-Inter et notamment du 7/9 il m’arrive fréquemment d’entendre Jean-Michel Aphatie et de fait je suis loin de partager toutes ses analyses. En fait je ne suis carrément pas d’accord avec lui sur beaucoup de points et principalement sur sa vision du libéralisme. Je pense que je rejoins dans cela certains des auteurs des commentaires précédents.

Cependant, dans le cas présent j’aurais plutôt tendance à être d’accord avec l’auteur de cet article. Il évident qu’une fois qu’une partie du capital d’EDF aura été vendue au privé il sera quasiment impossible de faire machine arrière. De même l’aspect purement électoraliste des propos de Nicolas Sarkozy n’aura échappé à personne. - Ceci dit qu’est-ce qui n’est pas purement électoraliste chez notre Nicolas national ?- D’ailleurs la classe politique elle-même ne croit pas à ces paroles en témoigne la quasi-absence de réaction à ces paroles.

Donc je pense que l’article de Jean-Michel Aphatie est clair et quasi irréfutable. Ce n’est pas parce qu’on ne partage pas ses idées qu’il faut parler de « points de vue partisans et systématiquement destructeurs » ce qui ne signifie pas grand chose est n’est pas très argumenté. Que les auteurs qui souhaitent initier un débat sur Monsieur Aphatie le fassent dans une Tribune Libre argumentée se basant sur des déclarations, articles du dit journaliste. Prendre le moindre de ses articles comme occasion de lui tirer dessus à boulets rouges est un peu mesquin.

Essayons de rester justes, et admettons que le journaliste Jean-Michel nous a rendu une copie propre, bien argumentée et ouvrant au final sur une piste de réflexion que nous pourrions presque considérer comme audacieuse. Une piste qui nous permettrait de comprendre la désaffection de notre bon Peuple de France envers ses leaders politiques et son attirance pour les extrêmes.

Par contre, l’article lui-même peut quand même être critiqué. En le lisant, il ressort que nos hommes politiques porteraient seuls (ou presque) la responsabilité du glissement de l’électorat vers soit un extrémisme soit un désintérêt coupable. Il me semble qu’il y a là quelque chose que l’on pourrait qualifier de mensonge par omission ou plutôt par aveuglement. Si je ne m’abuse, je n’ai entendu aucun journaliste apostropher, au milieu d’un fou rire difficilement réprimé, notre Ministre de l’intérieur sur la crédibilité de sa déclaration. En fait cela fait même des années que les journalistes ne font plus que servir la soupe : absence d’esprit critique envers le pouvoir (qu’il soit de droite ou de gauche), éternel consensus mou autour de l’économie de marché et enfin incapacité à mettre les politiques quels qu’ils soient en face de leurs mensonges éhontés. Les journalistes pour moi ont cessé d’exister depuis quelque temps (peut-être depuis l’arrivée de l’argent dans la plupart des media au cours des années 90) et alors qu’ils se glorifiaient d’être un contre-pouvoir ils ne sont plus aujourd’hui que les béquilles d’une classe politique à laquelle ils sont intimement mêlés. Témoin le résultat du dernier referendum sur l’Europe, plus de 90% des media souhaitaient, militaient activement pour le Oui et malgré cela le résultat a été ce que l’on sait. Je ne pense pas qu’il soit possible de dire qu’il y a eu dans la presse (au sens général) et à de rares exceptions près, un réel travail de mise en perspective de l’alternative proposée. Il n’y a pas eu d’affrontement d’idées. Alors oui, pour le respect de la pluralité il y a eu des débats avec des invités des deux camps, les temps de paroles officiels ont été respectés... Mais trop rarement nous avons vu des journalistes défendre le camp du Non, la quasi-totalité des éditorialistes était pour le Oui. Alors même que la population était très divisée, au point que certain ont évoqué la division de la France à l’époque de l’affaire Dreyfus, cette division n’est nullement apparue dans les journaux et sur les plateaux de radio ou de télévision. Et c’est peut-être cela qui a fait basculer le vote vers le Non. Le public a toujours un penchant pour le faible, on aime bien soutenir le pot de terre et on adore les histoires ou David surpasse Goliath. Vous journalistes avez sans doute une responsabilité importante dans le succès du Non, mais cela vous ne l’avez pas encore admis. Vous ne voyez pas encore qu’à force de frayer avec le pouvoir et l’argent vous vous êtes uniformisés. Vos écoles ne forment plus que des béni oui-oui de la société en place (économique et politique), faites donc un effort et essayez de citer quelques grandes plumes parmi les 35/40 ans. Vous n’en trouverez aucun. Nous avons peut-être encore des affaires Dreyfus mais il est clair que nous n’avons plus Zola, et dans ce cas comment s’étonner que les extrémismes gagnent du terrain.

Le rôle des journalistes n’est pas seulement d’informer, il est aussi de débattre. D’être une caisse de résonance du pays, avec comme résonateurs des personnes capables de formuler, d’expliquer de raisonner, pour que le débat latent dans la population s’élève grâce à l’information, aux prises de positions argumentées des personnes publiques que sont les journalistes. Si la population ne croit plus en ses journalistes, alors elle cesse de les écouter et finit par être sensible aux discours simplistes et populistes des extrêmes.

Si la dérive des politiques est dangereuse pour la démocratie, celle des journalistes l’est tout autant. Il est temps pour les journalistes d’ouvrir les yeux et d’être lucides sur ce qu’ils sont devenus.


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