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Commentaire de averoes

sur Cette langue française qu'on assassine


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averoes 20 mai 2013 12:34

Bonjour.

Si l’on tient compte de la réalité de l’évolution d’une langue et du caractère plus ou moins réfléchi de son usage par l’ensemble de ses locuteurs, il semble illusoire de penser que, pour protéger une langue des influences d’autres langues étrangères, il suffit simplement de le décréter. La seule volonté de conserver une langue ne saurait constituer un bouclier à cet égard ; car cela supposerait que chaque locuteur de cette langue doit, en permanence, maintenir en éveil « son gendarme linguistique » et, au besoin, s’autocensurer de toutes tentatives ou velléités d’abdication devant la facilité et l’attrait qu’exercerait telle ou telle langue.

Croire que cela est possible dans les échanges verbaux et quotidiens relève d’une gageure. Y croire c’est oublier la spontanéité qui caractérise, en général, les communications orales. Est-il, enfin, concevable pour un locuteur, dans le cadre d’une communication courante avec un autre locuteur, de dire systématiquement « courriel » à la place de « email », « bouteur » à la place de « bulldozer », « serveur au comptoir » à la place de « barman », « meilleure vente » à la place de « best-seller », « bougette » (de l’ancien français, petite bourse portée à la ceinture) à la place de « budget », « fair-play » à la place de « loyauté » ou « bonne foi »… Et la liste est longue.

Par conséquent, que l’on ne se méprenne pas : le caractère illusoire, dénoncé ici, concerne essentiellement le contrôle permanent des échanges verbaux et non la communication écrite. D’ailleurs, allez savoir pourquoi le français –langue diplomatique par excellence au XIXème siècle- a cédé ce terrain en faveur de l’anglais. Et à cet égard du reste, cette suprématie dont jouissait la langue française à cette époque était-elle due à une décision politique ? S’était-on réveillé un des ces quatre matins pour décréter que le français doit s’étoffer du statut de langue diplomatique ? Doit-on oublier que l’évolution d’une langue se fait davantage de manière spontanée et naturelle que de manière réfléchie en exécutant une décision politique ?

En d’autres termes, permettre à une langue de retrouver son aura d’antan –réel ou supposé- ou lutter contre l’influence hégémonique d’une langue étrangère par simple décision politique ou réglementaire équivaudrait à l’entêtement d’un général de division à entreprendre d’immenses efforts dans un combat d’arrière-garde.

Car, s’il on peut concéder que l’hégémonie culturelle et linguistique de la langue anglaise s’inscrirait dans un projet global de domination étatsunienne, comment renier l’attrait irrésistible dû d’abord à la facilité d’usage de cet idiome, mais aussi à la représentation, consistant en une image de réussite économique et culturelle –en l’occurrence cinématographique- véhiculée par les médias destinés aux masses ?

L’amour d’une langue, quelque louable que soit ce sentiment, ne saurait faire l’économie d’un minimum de lucidité qui nous contraint de tenir compte des réalités objectives. Si les inquiétudes exprimées par l’auteur sont tout à fait compréhensibles et légitimes, eu égard au contexte sociopolitique de la mondialisation, la puissance d’un certain déterminisme socio-culturel, et partant linguistique, n’en est pas moins une réalité.


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