Dans la plupart des discussions
autour de la liberté d’expression, on bute sur la formule "on n’a pas le
droit de dire n’importe quoi, de dire des contre-vérités« , »il faut une
limite à la liberté d’expression". Le débat public exige cependant,
pour être à la fois politiquement républicain et intellectuellement
efficace, que l’on ne fasse pas de la vérité supposée des propos, de la
qualité du style ou de l’humour, le critère d’un droit à la parole et un
préalable à l’ouverture des discussions. La vérité est ce qui a résisté à la critique, et pas ce qui en a été protégé.
La vérité ou la qualité des propos tenus ne sont pas davantage le
critère du droit à la parole que l’innocence du mis en examen n’est le
critère du droit à un avocat ET à un jugement en contradictoire. C’est
d’ailleurs ce qui permet l’expression des invraisemblables croyances
religieuses apparues il y a 2 000 ans chez des peuples primitifs. On
n’invoque jamais l’horreur du crime pour supprimer ou limiter ces
droits de la défense et le droit non seulement à un procès en bonne et
due forme, mais aussi à un appel et à un recours en cassation. Dans
le domaine médiatico-politico-intellectuel, il suffit que des propos
soient déclarés « inacceptables » par une caste qui trépigne son
indignation, pour que toute argumentation soit abandonnée.