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Commentaire de Corinne Colas

sur Etienne Chouard, Don Quichotte des temps modernes -II


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Corinne Colas Corinne Colas 2 juillet 2013 10:51

Ah la magie du verbe qui nous entraîne dans les sables mouvants chers aux disciples de Kant !

Prenons notre bâton pour trouver la terre solide et remontons tout droit vers la première motte de terre … Un choix judicieux que de citer B. Constant, un des symboles d’une époque où la montagne a accouché d’une souris :

Pour chacun donc : « le droit de n’être soumis qu’aux lois ».

Le droit de faire ceci, le droit de faire cela, patati patata mais seulement « d’influer sur l’administration du Gouvernement, soit par la nomination de tous ou de certains fonctionnaires, soit par des représentations, des pétitions, des demandes, que l’autorité est plus ou moins obligée de prendre en considération ».

En bref, le droit de faire ceci ou cela, n’est pas organisé par un pouvoir religieux ou royal mais par «  Administration/Gouvernement/Autorité  », une é-n-o-r-m-e différence car ce droit de faire ceci ou cela… le peuple se le donne à lui-même par l’entremise de l’Etat qui est son esprit ! 

D’aucuns diraient alors que si c’est vraiment cela la démocratie des modernes « instruits et politisés », pourquoi s’enquiquiner avec un intermédiaire qui ne sert au fond à rien mais c’est simple, voyons !

Le schéma de B. Constant, c’est un ensemble de citoyens presque parfaits pouvant enfin s’adonner aux joies du Commerce avec un grand C (car l’argent devient ici un bien) sans être trop absorbés par le politique : « L’exercice quotidien et perpétuel des droits politiques de l’Antiquité serait ainsi incompatible avec les entreprises, les travaux, les spéculations et les jouissances du monde moderne. »

Ah les jouissances du monde moderne et de sa démocratie !

 Retour sur terre d’un bond :

Outre le fait que le peuple n’a jamais nommé aucun fonctionnaire, on appréciera le caractère « plus ou moins obligé  » de la prise en considération de son avis, que ce soit par l’intermédiaire de ses représentants (sic), de ses pétitions et « demandes » ; à ce moment de déni de démocratie, on invoque généralement la raison d’Etat et c’est ainsi que l’on constate que tout ce qui a été évoqué plus haut, n’était que du flan… Le peuple facétieux ne s’y trompait pas, lui qui montrait son cul quand les milices lui demandaient de montrer sa cocarde !

 On appréciera le « qu’aux lois » façon tables de Moïse tout de même car ici la voix de Dieu, c’est l’Etat.  Il nous faut donc espérer alors pas trop de lois pour préserver notre liberté individuelle mais que l’on n’en oublie aucune puisque toujours sur le plan individuel, la liberté des modernes de vivre à fond les manettes est susceptible d’entraîner quelques dégâts ; comment définir ce qui est bien, ce qui est mal (ah non pas ça cela sent « l’ancien »), comment faire pour qu’elles soient bonnes à tous et non corporatistes… ?  Ne vous inquiétez pas braves gens car les scribes ont fait du chemin. Après avoir servi nos rois, ils se servent eux-mêmes et sont arrivés à Bruxelles. De la taille réglementaire des haricots verts mis en boite jusqu’au salaire minimum qui devient vite un maximum acceptable à leurs yeux, on peut dire que nous sommes gérés avec application, de la vie à la mort.  

Rien de « libéral » dans tout cela car contrairement à tout ce qui s’écrit un peu partout sur le faux désordre du monde, le but c’est de nous ligoter serré. On parle aussi de dérégulation, de marché trop libre, de main trop invisible mais fadaises que tout ceci ! Il suffit de constater la prolifération des traités et accords divers (sans compter ceux écrits sous la table) sur le commerce et les lois qui le protègent. Toute notre vie est contenue dedans y compris notre droit d’expression puisque par ex l’appel au boycott d’une entreprise, est un délit.

Ne faut-il pas être un peu Tartuffe pour invoquer B. Constant et en même temps récuser les « démocraties » actuelles occidentales qui sont justement le fruit des « lumières » du genre de B. Constant ? Pourquoi les qualifier de postmodernes alors que ses vœux sont exaucés ?

Un feu d’artifices dans cet article (ceux-là n’explosent pas dans le ciel) justifiant ici la République universelle de Kant, lequel a théorisé la nécessité d’un maître pour l’homme commun qui n’était qu’un animal selon lui.

 (C’est bien connu que le peuple court tout nu dans les bois sans raison donc sans morale (?), qu’il ne veut pas participer etc. mais tiens tout de même, il lui faut une bonne laisse...)

 A trop vouloir nous attirer dans certains méandres, l’auteur peut nous entraîner à ergoter sans fin sur la notion de raison forcément morale, de progrès, la rationalité etc. Concernant « la raison » par ex, personne n’a jamais pu s’accorder sur sa définition, de façon générale… elle s’est toujours opposée au bon sens mais nous annoncer d’un bloc que les citoyens éclairés sont rationnels, là cela donne des frissons quand par ailleurs, on se réclame de l’humanisme. Ces deux là ne sont pas compatibles et n’ont jamais fait bon ménage dans l’Histoire. Des millions de juifs ont été exterminés de façon rationnelle, d’ailleurs au nom de la raison par des gens « instruits » qui ont évacué l’humanisme pour se faire. Aujourd’hui, les inscrits au Pôle Emploi sont les victimes de la rationalité en « langage managérial »… Trop d’exemples abondent pour démontrer ses effets… et tous ceux qui s’adressent au peuple, sont sortis du même moule.

 

J’arrête là car mon commentaire est déjà long… 


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