Je ne me fais aucune illusion au sujet du FN, et je me moque bien qu’un jour il parvienne au pouvoir ou pas, mais il n’empêche que chaque fois que je lis des articles « citoyens » anti-FN, je ne suis pas déçu du voyage. Le temps a beau passer, les arguments ressassés sont toujours les mêmes.
Nous apprenons ainsi, ou plutôt on rappelle à notre conscience citoyenne et républicaine, que le FN est un parti avec un discours « populiste qui flatte les bas instincts ». Il semblerait que ce soit une raison pour le traiter différemment des autres partis et le rejeter. Par conséquent il faut sûrement en conclure que les autres partis, républicainement acceptables, sont contre le peuple et flattent les hauts instincts.
Autre figure imposée de toute composition anti-FN : l’antithèse repli-ouverture. Selon l’auteur, le FN voudrait sortir de l’Europe (ce qu’il faudrait prouver), et bien sûr cela veut dire que le FN souhaite l’isolement, le repli sur soi, l’autarcie, l’érection de murs infranchissables aux frontières. Qu’il puisse y avoir une série de nuances entre l’ouverture totale des frontières aux déplacements de capitaux, de marchandises et de main d’oeuvre, et l’isolement total semble excéder les limites de l’imagination de certains.
On remarquera aussi que tout est bon pour apporter de l’eau au moulin d’un anti-FN « citoyen ». Par exemple, qu’un député UDI fasse une sortie sur Hitler, cela mérite bien quelques lignes dans un article consacré au FN, quand bien même ces deux partis n’ont rien à voir. Cela permettra toujours de glisser une saine réflexion telle que « Comment peut-on se réclamer du nazisme ? Comment peut-on faire référence à Hitler pour stigmatiser des étrangers ? », qui édifiera les lecteurs déjà convaincus, et qui aura toujours l’air d’être prononcée en opposition au FN.
Je ne résiste pas non plus à commenter un passage tel que « Non, le discours du Front National n’est pas crédible et non seulement, il n’est pas crédible mais il est, en plus, dangereux et sulfureux : il nous conduit vers des dérives pleines de périls et d’incertitudes », qui veut sûrement évoquer l’avenir exempt de périls et rempli de certitudes que nous proposent tous les autres partis.
Mais le plus important, c’est de finir l’article en faisant croire qu’on y a démontré en long en large et en travers ce qu’on affirmait dès la première ligne, à savoir que « les discours de ce parti n’ont guère évolué au fil du temps : il s’agit de montrer du doigt les étrangers, d’en faire des boucs émissaires, de pratiquer une politique de division et de rejet... » Avec les trois points de suspension qui permettent de laisser planer l’angoisse.
Bref, nous avons là un exercice de style parfaitement exécuté, mais qui manque un peu d’originalité. C’est dommage.