"Jusque dans les années 1950, la Suisse avait pour paradigme
l’abstinence, avec le but affiché de construire une société sans
drogues, rappelle Daniel Kübler, spécialiste du sujet à l’université de Zurich.
Tout a changé à la fin de la décennie 1980, lorsque le marché de la
drogue a explosé. A Berne et à Zurich, les habitants passaient tous les
jours dans des parcs infestés de seringues. Puis le virus du sida a
débarqué." Les politiques s’unissent alors pour trouver des solutions
pragmatiques. Le premier centre d’injection du pays naît à Berne, en
1986, avec un principe clair : la police n’y arrêtera pas ses visiteurs,
sauf en cas de deal avéré.
Des résultats spectaculaires
Vingt ans plus tard, les résultats - issus d’évaluations
annuelles pointilleuses - sont spectaculaires. Les décès par overdose
ont été divisés par deux entre 1991 et 2009. Sur cette même période, on
observe un recul de 80 % de la mortalité due au sida chez les
toxicomanes. La « petite criminalité liée à la consommation de drogue » a
été réduite de 70 %. L’âge moyen des dépendants a légèrement augmenté,
et ils sont de plus en plus nombreux à suivre un traitement de
substitution. Les cas de dépendance sévère, eux, ont baissé de 10 000.
La Suisse (7 484 000 habitants) compte près de 22 000 héroïnomanes, contre 150 000 en France (64 500 000 habitants).