L’action
était parfaitement planifiée, mais les conseillers présidentiels avaient oublié
d’inclure le facteur ‘malchance’ dans leur équation. Le lendemain du jour où la
presse à scandale reçut le feu vert pour publier le scoop, l’attaché de presse élyséen en charge de ce dossier fut
victime d’une crise d’appendicite aiguë et dut se faire opérer d’urgence. Des
complications liées à l’anesthésie le clouèrent au lit avec suffisamment
d’antidouleurs pour lui faire négliger toutes ses obligations professionnelles.
Pendant les quelques jours qui suivirent, les effets du cloisonnement pratiqué
dans les hautes sphères de l’administration se firent amèrement ressentir.
Alors que
le président s’apprêtait à faire la une du Figaro et de l’Express, seuls les
journaux à sensation semblèrent s’intéresser à sa relation avec la jeune
Autrichienne. Les quotidiens sérieux, tous ceux qui attendaient le feu vert de
l’Élysée pour publier leurs articles, rongeaient leur frein. Pendant ces
quelques jours, Jean Villier fut particulièrement excédé de constater que seuls
Point de vue, Closer et Paris Match s’intéressaient à sa vie sentimentale. Même
le week-end qu’il avait passé main dans la main avec sa maîtresse au parc
Astérix ne fut commenté dans les journaux traditionnels et sur les chaînes de
télévision que deux jours plus tard, une fois l’attaché de presse sorti de son
état comateux.
Pris de
court, les médias traditionnels durent ensuite expliquer pourquoi ils avaient
mis autant de temps à réagir. Ils se réfugièrent opportunément derrière une
certaine pudeur et un sens inné de la déontologie. Officiellement, au nom de
l’éthique, ils avaient refusé de s’immiscer dans la vie privée du chef de
l’État. Bien sûr, ils ne mentionnèrent pas le veto élyséen dont ils avaient été
victimes et qui avait été maintenu quelques jours de trop en raison de la crise
d’appendicite aiguë d’un haut fonctionnaire.
Heureusement,
environ une semaine après la parution des premiers articles dans la presse
classique, « l’effet Liza » commença à se faire ressentir. La cote de
popularité du président remontait doucement.
Pour ceux qui auraient encore des doutes sur les liens incestueux qui règnent entre la presse et ceux qui la subventionne.