En
première analyse, ce sont avant tout les près de 70% d’abstentionnistes de ce
premier tour qui ont permis ce score brutal du FN (49% si l’on totalise les voix
qui se sont portées sur les deux candidats d’extrême-droite) dans une cantonale
partielle dont le précédent élu était effectivement un membre localement connu
du PCF (maire de Brignoles mais qui ne se re-présentait pas cette
fois).
Nous
savons depuis des décennies que s’il est une catégorie d’électeurs qui ne
s’abstiennent jamais, ce sont ceux qui votent régulièrement FN ; les autres
peuvent voter FN une fois ou l’autre, en guise de protestation ou par désespoir
et/ou perte de boussole, mais ils ne forment pas le gros des batteries
d’électeurs de ce parti.
Donc
forcément, lorsque les électeurs lambda s’abstiennent en masse (ce fut
le cas à Brignoles dimanche) parce qu’ils jugent que le jeu n’en vaut pas la
chandelle ou qu’ils sont désabusés (et écoeurés) par la politique générale menée
par le gouvernement en place, les troupes ramassées et mobilisées d’électeurs du
FN apparaissent pour ce qu’ils ne sont pas (encore) : une déferlante ou un
tsunami. Car le nombre absolu de voix collectées par le FN (et
son dissident) n’a guère augmenté dans ce scrutin cantonal
partiel.
Mais ce
qui se confirme, c’est la très nette tendance à la remontée de l’abstention
(elle avait ralenti aux présidentielles, elle a même légèrement baissé chez nos
voisins aux dernières élections législatives en Allemagne par rapport au scrutin
de 2009).
Contrairement à ce que l’on croit, le taux d’abstention est très élevé
aux cantonales, qui sont pourtant des élections « de proximité » ; aussi
élevé ou presque qu’aux européennes, qui sont des élections « éloignées » donc mal
comprises et perçues. Mais l’élection des conseillers généraux l’est
également, les citoyens-électeurs ne sachant pas bien à quoi ils
servent.
Mais plus
grave encore : l’abstention commence à grimper sévèrement aux élections
municipales (35,5% au 1er tour de 2008 et 31% au second tour), qui étaient
jusqu’ici épargnées par ce phénomène (taux d’abstention entre 21 et 31% entre
1959 et 1995, au premier tour).
En
comparaison, abstention de l’ordre de 55% aux européennes et 45% aux régionales
; 13% des inscrits ne sont pas allés voter du tout aux deux tours des
présidentielles de 2012, et 12% n’ont voté ni aux présidentielles ni aux
législatives qui ont suivi.
C’est
dire que la nature du scrutin et les enjeux de celui-ci (du moins leur
perception) sont déterminants dans la détermination de l’intensité de l’acte
civique.
Il est
malheureusement à craindre que l’abstention grimpe en flèche aux prochaines
municipales, si nous ne parvenons pas à faire entendre la voix d’une gauche
réelle qui puisse fixer ces électeurs désabusés mais refusant, par fidélité aux
valeurs progressistes et républicaines, de donner leur voix à un parti qu’ils
savent anti-républicain et anti-démocratique, diffusant un discours aux
antipodes des valeurs de fraternité, de coopération entre les peuples et
d’internationalisme. Une liste qui soit en même temps crédible pour tous
les électeurs.