En effet, il n’y a aucune raison pour un état de créer de la dette.
C’est tellement vrai que des douzaines d’états dans le monde ont l’équivalent
de la loi tant décriée, mais qu’ils ont pourtant cette capacité de faire des
budgets équilibrés. Et ces budgets équilibrés, ne créant pas de dette,
n’entraînent en rien cette accumulation sur quarante années d’une masse
colossale à devoir pour les trois ou quatre prochaines générations (en
imaginant qu’on puisse vraiment rembourser, ce qui est un doux rêve).
Pour répondre à la première question, ce sont les politiciens qui ont
choisi, clairement, de faire de la dette. Et ils l’ont choisi pour une seule
raison : les électeurs ont trépigné pour. Evidemment, c’est
nettement moins facile de cogner ensuite unilatéralement sur le système
bancaire qui a été pressé d’un côté par l’état et de l’autre par les citoyens
pour aboutir au système qu’on connaît maintenant.
Quant à la seconde question, la réponse est, là encore, très éclairante :
ceux qui ont, massivement, prêté à l’état, ce sont … les citoyens eux-mêmes (de
leur propre pays au départ, du reste du monde progressivement), tant que la
confiance dans l’état et sa monnaie était bonne. Et si ces citoyens l’ont fait,
c’est que ces fameux intérêts (qui remplissent d’effroi les vidéastes et
économistes amateurs) constituaient pour eux … une échappatoire à l’inflation
subie par la création monétaire pas du tout avisée de ces mêmes états.
Autrement dit, les assurances-vie, les fonds de pension ont massivement
utilisé les émissions de dette des états pour obtenir un rendement raisonnable
qui permettait de rémunérer ceux qui prêtaient et de leur éviter, tout
simplement … de perdre de l’argent.
Pour résumer jusqu’ici, nous avons donc un état qui ne se gêne pas pour
excréter de la dette comme un gros pachyderme mou et complaisant parce que ses
citoyens en réclament à qui mieux-mieux, et de l’autre, des intérêts absolument
nécessaire pour assurer que la monnaie fasse un minimum confiance, et qu’elle
ne spolie pas complètement les épargnants.
Mais le pompon, c’est de comprendre que l’Etat a poussé le vice de la
création de dette à son paroxysme en créant de la dette à chaque remboursement
(ce qu’on appelle un roll-over). Ce roll-over peut fonctionner tant que la
croissance est bonne (ce qui veut dire que l’inflation et la création réelle de
richesse aident à gommer le montant des intérêts sur la nouvelle dette
contractée). Evidemment, comme la croissance se réduit au fur et à mesure que
l’état grossit (et pour cause), le montant des intérêts n’est plus gommé et
vient s’empiler.
Là encore, conclure que l’Etat paye maintenant très majoritairement des
intérêts, c’est une erreur grossière : l’Etat paye un credit-revolving qui a
très mal tourné parce que ses revenus n’augmentent pas aussi vite que ses
dettes. Et ses revenus n’augmentent pas assez vite parce que l’épargne a été,
consciencieusement, sabotée pendant toutes ces années, par l’inflation et des
taux d’emprunts artificiellement bas (là encore, demandez-vous qui, au final,
fixe les taux directeurs, si ce n’est … des politiciens).
Autrement dit, l’Etat a absolument tout fait pour que le capitalisme soit
découragé, et il a atteint la « vitesse de libération » lorsqu’il est
clairement intervenu directement dans les banques commerciales les plus joufflues
pour en éviter la faillite : théoriquement, la création monétaire est limitée
par le ratio minimum de réserves, mais dans la pratique, l’existence même du
nouveau paradigme introduit par nos politocards alter-comprenant du Too
Big To Fail a fait sauter cette obligation en un clin d’oeil.
Dès lors, le reste n’est qu’histoire : au fur et à mesure que les problèmes
de dettes se sont faits plus aigus, la capacité de l’état à assurer ses
remboursements s’est érodée, et avec, la confiance dans la monnaie qu’il
utilise. Les notes des agences de notations ne sont qu’une traduction de cette
érosion ; et les taux d’emprunt qui grimpent en flèche en sont une autre. Et le
retrait de plus en plus important des fonds des assurances vie en est une troisième.
De tous ces éléments, il n’est nulle trace dans les discours lénifiants
de nos apprentis monétaristes. Pour eux, le retour à la souveraineté de l’état,
c’est le retour d’un âge d’or (!) largement fantasmé : comment croire que des
politiciens qui nous ont trimbalé de déficits en déficits, de crises en crises,
de bobards en bobards, seraient à même de revenir à une situation saine,
subitement ?
Et conséquemment, ce qui nous pend au nez, à présent, est évident : lorsque
la base de la monnaie étatique, la confiance, s’évapore, la monnaie papier
revient rapidement à sa valeur intrinsèque.
Zéro !
Et encore une fois de conclure que ce pays est vraiment foutu.