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Commentaire de s4m0

sur Le nucléaire, les probabilités, et la transition de phase


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s4m0 4 novembre 2013 17:25

Merci pour ce billet qui apporte un point de vue argumenté (je tiens à le souligner, parce qu’après le vide sidéral du billet de S. Lhomme, ça change !) où est notamment soulevée la question de la perception du risque nucléaire (qui, selon moi, est la clé du débat mais dont vous vous éloignés trop vite).

Il y a cependant un certain nombre de points que je souhaite commenter :

- Appliquer des probabilités au présent (ou au futur) sur la base de statistiques passées.
Vous ne pouvez pas conjecturer des évènements futures uniquement sur la base de la fréquence de ceux du passé, dont les paramètres sont différents ! Chaque évènement que vous citez, s’est non seulement déroulé dans un contexte particulier mais à apporter son lot d’améliorations.

TMI
fut très riche d’instructions, surtout organisationnelles (approche par état de la conduite post accidentelle, formation des opérateurs, ergonomie des salles de commandes, ...).
Tchernobyl nous a finalement très peu appris, car TOUT était défaillant. Pour reproduire les mêmes conditions, il faudra vraiment le vouloir !
Fukushima est le résultat de petites erreurs de conception (pas de moyens de mitiger le risque hydrogène notamment) et surtout de grosses erreurs d’organisation : une organisation générale défaillante (désormais calquée sur une organisation française : lien) et une gestion de crise lamentable (pas de support technique national. En France, 3 centres se seraient gréés : EDF, IRSN, AREVA).

Il appartient à l’État de mettre en œuvre les moyens techniques, organisationnels et humains pour responsabiliser l’exploitant, vérifier la bonne mise en œuvre de ses recommandations et disposer d’un support technique. Les autorités japonaises ont clairement failli dans ce rôle !

Par ailleurs, chaque nation ayant un contexte réglementaire différent et chaque exploitant des pratiques spécifiques, on ne peut pas extrapoler des données mondiales à des données nationales.

Votre « démonstration » aurait mérité un peu plus de rigueur ! Puis si j’applique votre raisonnement au périmètre français : EDF cumule près de 1500 années réacteurs sans accident majeur ! Si je fais le même calcul que vous, j’en déduis que l’accident ne surviendra jamais ..

- recommandation touristique un peu ridicule
Je rappelle que les 3 autres unités de Tchernobyl ont fonctionné jusqu’en 2000 (lien) et des gens y travaillent toujours. A propos des conséquences sur l’environnement, malgré un impact radiologique certain, l’adaptation de la nature et l’absence de l’homme a permis à la faune et la flore de s’y (re)développer largement et rapidement : « As a result, populations of many plants and animals have eventually expanded, and the present environmental conditions have had a positive impact on the biota in the Exclusion Zone. Indeed, the Exclusion Zone has paradoxically become a unique sanctuary for biodiversity. » (AIEA, forum Tchernobyl, 2005 lien).

Puis, je pourrais simplement vous inviter à visiter ce par quoi l’Allemagne remplace ses centrales nucléaires (lien / lien). Chiche ?!

- Déduire de la faible représentativité du nucléaire dans l’énergie mondiale (7%, 15% de l’électricité), que cette énergie est « ridicule ».
A l’heure où les émissions de CO2 et le réchauffement climatique sont bel et bien des enjeux mondiaux à très court terme, qu’une source d’énergie décarbonnée représente 0.7, 7 ou 70%, cela fait toujours cela en moins de CO2 dans l’atmosphère ! Par ailleurs, je rappelle que les principaux pays nucléarisés sont aussi des pays dont les besoins énergétiques sont énormes : USA, Russie, Japon, France, Chine !

Si le nucléaire y était abandonné, cela sera simplement remplacer par des sources fossiles. C’est ce qu’on voit en Allemagne et c’est aussi la politique américaine (dont le programme nucléaire a été stoppé à cause des énergies fossiles non conventionnelles).
Puis si je prends cet argument, abandonnons l’éolien et le PV qui représentent encore moins ! Bref, je ne comprends vraiment pas le lien de causalité entre la constatation et la conclusion que vous en tirez.

La GB a fixé un objectif clair : une électricité abondante et décarbonnée. Pour cela le gouvernement va investir dans l’éolien (surtout offshore) et le nucléaire. Cela me semble une politique cohérente.
C’est le contraire de l’Allemagne qui a priorisé une politique de moyens plutôt que de résultat. Il en résulte une situation aberrante : des milliards engloutis pour des émissions de CO2 en hausse (lien).

- attribuer au seul nucléaire l’inertie des programmes énergétiques
Il est certain que le temps du nucléaire (le demi siècle voir davantage), et sans commune mesure avec le temps politique et de l’opinion publique. Cependant, ce décalage existe dans tous les gros projets industriels lourds (ex : l’A380) et il existe aussi pour les grands projets éoliens offshores : en 2012 ont été attribués les marchés éoliens offshores français pour ... 2020 ! (l’un des 5 appels d’offre n’a toujours pas été attribué). Ce sont des investissements très lourds et qui nécessitent donc de très grande sécurité pour les acteurs.
La raison n’est donc pas du côté du nucléaire mais de la lourdeur des investissement et de la difficulté de construire un parc capable d’approvisionner un pays entier. A cela s’ajoute désormais les problématiques d’interconnexions internationales.

Je trouve dommage que vous ayez si vite dévié de la problématique de la perception du risque, où le nucléaire trouve une place toute particulière (avec l’aéronautique). On peut en effet faire des constatations assez surprenantes :

  • l’industrie électronucléaire concentre les critiques, alors qu’en France, la majorité des accidents d’irradiations ont lieux dans un domaine autre (lien),
  • les gens ont « peur » du nucléaire et des radiations, mais 80% des français continuent d’acheter des voitures diesels (lien), qui, tue également « à petit feu »,
  • d’autres industries sont statistiquement nettements plus dangeureuses à court termes (comme le nitrate d’amonium lien ) et à long termes (je pense notamment aux industries le long du Rhone, désormais pollué au PCB lien), sans que cela n’inquiète davantage l’opinion publique.
En bref, on voit bien que la perception des risques liés à l’industrie électronucléaires est vraiment particulière, la question à se poser c’est « pourquoi » ? Est ce rationnel ?

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