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Commentaire de bakerstreet

sur Grande Guerre : le scandale des exhumations militaires


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bakerstreet bakerstreet 15 janvier 2014 02:09

Le héros de Lemaître, c’est un rafistolé, enfin à demi. 

Il n’a pas voulu qu’on lui remette un visage présentable. 
Il refuse les prothèses qui le rendrait supportable aux autres. 

« Ma gueule ! Mais qu’est ce qu’elle a ma gueule ! » comme qui dirait Johnny 
« Johnny shoot his gun ? »....Magnifique film d’ailleurs sur une autre gueule cassée...

C’est sur cette grande colère que va se développer le roman !

Tout le roman, et son astuce est de procéder par métaphores !
Mais cette figure de style nous parle au plus profond de ce qu’elle ne dit pas en termes cliniques
.
. Pendant longtemps, le visage de la France combattante a été celle des monuments aux morts : Une négation de ce qui était arrivé...
Gestes sacrificiels, postures héroïques et pompeuses, bien loin de ce qu’on voulait cacher de l’horreur, de la boucherie, du mensonge, de ce désastre aberrant, où nul responsable n’a été jugé.. 
Bon d’accord on voulait bien parler des batailles, de la marne, de Pétain-sauveur, des poilus plus ou moins folkloriques, de la voix sacrée, de la patrie encore et toujours !

Ah ! Le sacrifice !...Prière de se mettre au garde à vous, de ne plus penser !... 

Quand on n’y pense, nous faisons tous partie de cette grande famille française à moitié déglinguée, dont les souvenirs du grand père ont été magnifiés, transformés, recouverts comme un trou de bombe par les explosions de 40, la suite naturelle de ce qu’on pourrait appeler la guerre de 14-45 !

La violence est concomitante, et entachera la société civile d’une posture figée, non évolutive, nationaliste. Le sort de l’Europe s’est joué là, pendant que l’Amérique prenait son envol.
Le raidissement qui en suivit, avec ses budgets militaires invraisemblables, la nation sur la couture du pantalon, et la tétanisation et le silence si importants qu’ils ont entaché notre rapport au monde. 
Sans doute que la décolonisation lamentable est la conséquence directe de cette boucherie et de ce dogmatisme, où il n’était pas question de reculer, mais de garder des postures, quel que soit le coût exorbitant.

Une guerre, égal au moins trois générations de traumatisés. 
Pour la grande guerre, c’est une histoire sans doute encore plus longue à cautériser.
On en se débarrasse pas des morts si facilement. 
La mer les rejette toujours sur la grève, et la terre aussi. Pour ne pas parler de notre mémoire !

C’est ce que dit encore ce roman admirable, avec cette mâchoire de cheval mort, que l’homme blessé trouve au fond de son trou, dernière source d’humanité, et à laquelle il va se cramponner, et c’est tout le caractère indicible de la misère humaine, et animale, les deux liés, qui remonte à la surface.

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