Je ne pense pas être naïf, et je crois connaître un peu l’Islam. Nous pouvons donc aborder le sujet.
Je ne sous-estime en rien la persécution de mes frères d’Orient. Au contraire, c’est un sujet de préoccupation pour moi, bien plus visiblement que pour le gouvernement actuel. Quand on pense que ce sinistre clown de François Pays-Bas a osé demandé au pape d’accueillir les cannibales de « l’opposition syrienne » ! Les bras m’en tombent, franchement. Dire qu’il n’y a pas si longtemps (au regard de l’Histoire) la France était la protectrice de ces populations....
J’ajouterai que, dans ma jeunesse, j’ai moi aussi eu tendance à avoir une vision simpliste de la question des Chrétiens d’Orient (ou plus largement des Chrétiens vivant dans des pays à majorité musulmane sunnite). Il est tentant, en effet, d’incriminer l’Islam de manière globale.
Pourtant, lorsque j’ai étudié l’histoire, sur le long terme, des Chrétiens d’Orient, j’ai découvert quelques étrangetés qui m’ont conduit à mettre un peu d’eau dans mon vin. Car si vous avez raison de dénoncer les persécutions systémiques que subissent les Chrétiens dans un nombre grandissant de pays musulmans (ce n’était pas le cas en Syrie, par exemple), rapportées à l’histoire de long terme, on réalise que ces persécutions n’ont précisément acquis un caractère systémique qu’au siècle dernier, après la Première Guerre Mondiale. On note d’ailleurs que la proportion de Chrétiens n’a réellement commencé à fondre qu’à partir de cette époque.
Je ne prétends pas qu’il n’y a jamais eu de persécutions de Chrétiens avant le XXème siècle, attention. Il y en a eu, c’est incontestable ; cependant elles revêtaient un caractère de « crise », et ne sont devenues une politique de certains régimes musulmans qu’après le premier conflit mondial. Or, quels sont les deux événements les plus marquants, du point de vue islamique, de l’entre-deux-guerres ?
Primo, l’abolition du califat par Mustapha Kemal. Il faut bien comprendre que, si l’Islam sunnite ne dispose pas de véritable hiérarchie religieuse, la disparition de cette figure centrale qu’était le calife a, malgré tout, produit un effet similaire à celui qu’on obtiendrait en supprimant le pape : à savoir, un mouvement de « protestantisation », c’est-à-dire « d’horizontalisation » (pardon pour ces néologismes) de la théologie, où la Vérité n’est plus celle du Livre, mais une question de rapports de force.
Or, et c’est mon second point, quel est, aujourd’hui, en termes de rapports de force bruts, la première puissance religieuse du monde musulman ?
Vous l’aurez deviné, il s’agit de l’Arabie saoudite. Sa manne pétrolière et son alliance stratégique avec les Etats-Unis lui ont permis d’inonder le monde sunnite avec son hérésie wahhabite (car il s’agit bien d’une hérésie : quand on viole jour après jour deux des interdits majeurs de l’Islam -en l’espèce l’« association » et l’usure- on ne peut à bon droit se prétendre un musulman authentique) et de corrompre progressivement les Islams traditionnels en vogue dans les différents pays cibles. Il suffit pour s’en convaincre de voir ce qu’ils ont réussi à faire en Bosnie ou au Kosovo. Mais la même remarque vaut pour de nombreux pays musulmans, hélas.
Il faut donc bien comprendre que le harcèlement que subissent ici et là les Chrétiens d’Orient n’a rien à voir avec des données permanentes islamiques, mais bien avec ce qu’on pourrait appeler -pour reprendre une expression en vogue dans les milieux nationalistes français- le « Grand Remplacement » de l’Islam par le wahhabisme. Les « Printemps arabes » participent de ce mouvement, lequel, bien entendu, a aussi cours en France (parallèlement au phénomène d’immigration massive). Dans ce dernier cas, j’y vois une conséquence directe du lâchage progressive des populations musulmanes par la gauche : celle-ci ne pouvant plus les abrutir avec du rap et du foot, elle va s’employer à les wahhabiser, histoire de garantir leur hostilité à l’égard des français de souche. D’où l’ouverture en grand des portes de nos banlieues aux pétro(narco)dollars saoudiens et qataris (et américains).
Sinon, je terminerai par quelques remarques sur le cas de Sainte-Sophie que vous évoquez. Tout d’abord, il me semble que Mehmet II a transformé la basilique en mosquée en violation des règles musulmanes (je ne suis pas certain de la référence, Coran ou hadith, de cette règle, donc si un musulman versé dans la question passe dans le secteur, ce serait intéressant qu’il comble cette lacune). Ensuite, et c’est directement lié au point précédent, lorsque le conquérant de Constantinople transforme Sainte-Sophie -pour se l’approprier « spirituellement » en plus de la seule domination géographique- il obéit à une logique extérieure à l’Islam, une logique impériale. N’oublions pas qu’à partir de Mehmet II, les sultans ottomans se considèrent comme les héritiers des empereurs romains. Pour s’en convaincre, il suffit de constater qu’ils conserveront à la capitale byzantine son nom d’origine (contrairement à ce que beaucoup de gens croient, Istanbul n’est devenu le nom de la ville qu’après la Première Guerre Mondiale et le déplacement de la capitale à Ankara) ; et qu’ils feront de même pour Sainte-Sophie (or le concept de « sainteté » est assez étranger à l’Islam sunnite orthodoxe ; quant à « Sophie », ce n’est pas vraiment un prénom typiquement arabe ou turc). A ce maintien des référents culturels et même religieux antérieurs (je rappelle que le Patriarche de Constantinople était le deuxième personnage religieux de l’Empire ottoman, derrière le Seyh ul Islam) correspond la revendication impériale très claire des sultans, dont on trouve une trace évidente dans la correspondance de Soliman le Magnifique avec Charles Quint. En effet, Soliman ne désigne Charles que comme « le roi d’Espagne », et non comme l’empereur du Saint Empire. Or pourquoi un souverain musulman, censément le calife, viendrait-il contester un titre éminemment chrétien ? La réponse est claire : parce qu’il le revendique pour lui-même.
Enfin, quant à Erdogan, j’ai tendance à voir dans sa décision un signe du destin. En effet, Sainte-Sophie fut une basilique chrétienne, avant d’être transformée en mosquée puis en musée. Erdogan entend en refaire une mosquée, donc un lieu consacré à Dieu (alors qu’un musée n’a aucune vocation religieuse). J’ai la naïveté d’espérer qu’il s’agit d’un mouvement qui refera bientôt de Sainte-Sophie une église. Du reste, Erdogan se prenant pour le nouveau sultan, je ne serais pas étonné -à condition qu’il reste au pouvoir- qu’il redéplace la capitale à Istanbul... et lui redonne dans la foulée son vrai nom.
Cordialement.
04/02 13:13 - El Old Fritz
Merci Dodiese pour votre commentaire si élogieux et drôle. Effectivement la « Fistinièrisation (...)
04/02 08:27 - GaiaLayu.
Mais oui mon p’tit dodiese. Je ne doute pas que vous ne savez pas ce qu’est une (...)
04/02 04:25 - GaiaLayu.
Eh bien vous avez raison, laissez mes questions en suspend en vous faisant passer pour victime (...)
03/02 22:12 - dodiese
03/02 22:06 - dodiese
Je suis d’accord sur « La république et la démocratie restent à construire » donc (...)
03/02 21:47 - dodiese
Ça se tient (yin yang c’était plus court :-) ) et ça a sûrement sa place dans un cursus (...)
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